Kadhafi avait du pétrole à ne savoir qu'en faire, mais il n'avait pas de véritable armée, ni de véritable administration capable de quadriller tout le pays et de surveiller toute la population. Il avait donc adopté ce style particulier de chef de tribu qui protège la veuve et l'orphelin qui lui avait permis de tromper le peuple libyen pendant 42 ans. Benali et Moubarak avaient une armée et une administration bien organisées, mais il leur manquait le nerf de la guerre : l'argent. Les trois pouvoirs mafieux dont ils étaient les chefs ont donc fini par tomber sous les coups de boutoirs de la contestation populaire généralisée et le manque d'empressement des puissances occidentales à leur venir en aide. Le pouvoir mafieux algérien, chapeauté par le duo de septuagénaires toufiq-boutef, se permet, quant à lui, de faire réélire le FLN avec une confortable majorité et brave avec une arrogance bien de chez nous tous les vents de révolte qui soufflent sur le pays depuis janvier 2011. Il tient le pays bien en main, grâce à l'inépuisable trésor sur lequel il est assis, le maillage serré fait d'un mélange particulièrement résistant à la « corrosion » qui est constitué par la combinaison bureaucratie de l'appareil de l'Etat-Armée-DRS et la façade pseudo-démocratique qu'il a édifiée depuis 1989. Un « bel édifice » conçu pour résister à toutes sortes de pressions et de tensions, à toutes sortes de bourrasques et de sirocos, à toutes sortes d'inondations et de sécheresses. Harga, immolation, suicide, terrorisme résiduel, révoltes dans les cités-dortoirs de la capitale, grèves, manifestations : rien ne peut entamer le calme olympien de nos vénérables dirigeants, ni perturber leur profond sommeil. Faut-il oublier donc toute idée de changement pacifique dans notre pays, le peuple algérien étant maintenu en état de vie artificielle, d'un côté, et abondamment matraqué, de l'autre, chaque fois qu'il essaie de relever la tête. L'avenir de l'Algérie ne pourrait-il donc jamais être sérieusement envisagé sans DRS, sans FLN, sans RND et sans pétrole? Faut-il renoncer à toute idée de réelle démocratisation du système politique, de véritable alternance, de justice indépendante? Faut-il accepter comme une fatalité la présence à la tête du pays de cette mafia qui devient plus puissante année après année et qui décide pour nous sans jamais nous demander notre avis? Faut-il se faire définitivement à l'idée que nous ne sommes qu'un ramassis de gueux dirigés par des « beggara-haggarine » condamnés à vivoter dans la médiocrité jusqu'à ce que le pétrole et le gaz s'épuisent et que le pays plonge alors dans le chaos total pour ne plus jamais en ressortir? Mais tout système politique qui se maintient par le mensonge et l'injustice et qui génère la misère et le désespoir finit tôt ou tard par secréter l'élément qui le détruira. Ainsi, le système colonial français a fini par s'écrouler après avoir imposé aux Algériens l'oppression et l'injustice pendant 132 ans. Tout système politique qui refuse de se réformer et de changer pacifiquement finira par tomber dans la violence, le sang et les larmes, c'est là une loi de l'Histoire. Ceux qui sont à la tête du pouvoir mafieux dans notre pays et qui font tout pour empêcher toute véritable réforme et tout véritable changement sont-ils conscients de la précarité de leur situation ou ne s'en rendront-ils compte que lorsqu'il sera trop tard, à l'image de la communauté européenne qui a fuit précipitamment l'Algérie en juin 62, après avoir ignoré l'existence des masses affamées et humiliées par le système colonial pendant 132 ans? Le système mafieux pernicieux a pu se maintenir dans notre pays en jouant habilement sur plusieurs registres et en actionnant plusieurs leviers. Il s'est construit avec le temps une solide carapace qui lui a permis de résister au vent de révolte qui souffle dans notre région depuis décembre 2010. Le maintien de ce système autoritaire mafieux obsolète a un coût très élevé pour le pays sur le plan économique et social. L'Algérie traîne honteusement au bas du tableau dans tous les domaines et donne l'impression d'être un pays où tout est faux, trafiqué, sans valeur réelle. La performance économique et le développement humain sont les derniers soucis de ce pouvoir archaïque, car seul le pillage de la rente et le maintien du système intéressent ceux qui sont à la tête du pays aujourd'hui. Les Algériens et les Algériennes doivent impérativement prendre conscience du danger mortel que ce pouvoir fait courir au pays et se mobiliser, chacun dans son environnement immédiat, afin de dire non à la médiocrité, non au mensonge, non à l'humiliation, non au désespoir. Nous devons garder à l'esprit que le peuple algérien vaut mieux que cela et qu'il dispose d'un potentiel humain et naturel qui lui permettrait de se hisser au niveau des nations respectables, pour peu que le système de gouvernement soit basé sur des principes justes et que la transparence et la reddition des comptes prennent la place du mensonge et de la filouterie.