«Nous nous calmerons le jour où les autorités cesseront de faire la sourde oreille», lance Kamel*, un habitant de la cité Diar Echems, dans la commune d'El Madania, à Alger. «Je sais que tout le monde nous en veut pour les émeutes qu'entraînent nos fils, mais personne n'a la moindre idée de l'humiliation que nous subissons et des conditions dans lesquelles nous vivons.» Les habitants de la cité menacent de provoquer des émeutes tant que les autorités locales ne les auront pas relogées. Un climat de tension était palpable, mercredi, dans ce quartier, suite à l'effondrement des plafonds de plusieurs appartements. «Vers 17h, plus de 200 personnes se sont rassemblées à l'entrée de la cité surplombant la daïra de Bir Mourad Raïs. Elles ont commencé à saccager tout ce qui se trouvait à leur portée, ce qui a obligé les forces antiémeutes à intervenir. Pendant plus de 3 heures, les forces de l'ordre n'ont pas pu apaiser les esprits», raconte Kamel en montrant du doigt les lieux des affrontements. Trois policiers ont été blessés lors de ces affrontements musclés avec les habitants qui leur faisaient face en lançant des pierres et des cocktails Molotov. Pour leur part, les agents de police ont essayé de maîtriser la situation en lançant des bombes lacrymogènes et en tirant des balles en caoutchouc. En vain. «La route reliant le Ruisseau à Bir Mourad Raïs a été bloquée en raison du danger pesant sur les automobilistes. Plusieurs voitures ont été saccagées à coups de pierres», renchérit-il, navré. Après maintes promesses de relogement, les habitants sont excédés. Hakim*, brun, la cinquantaine, est père de sept enfants. Son studio ne peut contenir tous les membres de sa famille. Des odeurs nauséabondes émanent de tous les coins de la pièce. «Trouvez-vous logique qu'une telle pièce puisse réunir neuf personnes ? demande-t-il, furieux. Certains de mes enfants passent la nuit dans la rue. Il n'y a plus de place ici. De plus, les autorités font toujours la sourde oreille.» Sa femme prend part à la discussion pour montrer des dessins collés sur le mur de leur modeste pièce : «Notre benjamine nous entend tant parler du problème de logement qu'elle ne cesse de dessiner des maisons et de les coller au mur.» A l'extérieur, âmmi Nacer, la soixantaine, semble avoir perdu espoir. Il affirme que sa situation est critique : «Nous sommes une famille de 17 personnes dans un appartement de trois pièces.» Il accuse le comité de quartier et la daïra de Sidi M'hamed de «business illégal» et de «corruption». «Il y a des gens qui ont bénéficié de logements alors qu'ils n'habitaient pas cette cité. Ces bénéficiaires étaient complices avec les responsables du comité de quartier et ceux de la daïra. Quand ils ont su que les logements allaient être distribués, ils ont dressé des baraques en bas de la cité pour se faire passer pour des nécessiteux», dénonce-t-il, désespéré. «Il y a des logements qui ont été distribués discrètement, sans aucun contrôle. Où sont les responsables ? Beaucoup de célibataires en ont bénéficié, alors que nous, les pères de famille, nous sommes toujours mis à l'écart. Ce sont toujours les impuissants qui payent !» * Les prénoms ont été changés Lotfi Sid