Paris, mardi 19 mars, le désormais ex ministre du budget français a été poussé vers la sortie trois heures à peine après le communiqué rendu public par le parquet de Paris annonçant le déclenchement d'une information judiciaire dans le dossier de blanchiment de fraude fiscale mettant en cause Jerôme Cahuzac. Mercredi 20 mars c'était la patronne du FMI qui a vu déferler chez elle les policiers envoyés par les magistrats de la cour de justice de la république (CJR) pour une perquisition liée à l'affaire Tapie-Crédit lyonnais. Christine Lagarde risque si les faits qui lui sont reprochés (complicité de faux et de détournements de biens publics) jusqu'à dix ans de prison. Mais le séisme arrivera vendredi 22 mars quand le juge Gentil en charge de l'affaire Bettencourt décide de la mise en examen de Nicolas Sarkozy. Le coup de massue infligé à l'ex président tout fraichement débarqué de l'Elysée est argumenté par le magistrat indépendant par une accusation gravissime: abus de faiblesse. En somme, une semaine apocalyptique pour le monde politique français, de gauche comme de droite. Dans une démocratie, la sphère politique est souvent malmenée par l'instance judiciaire. Les juges d'instruction ne reculent devant aucune pression pour mener leurs investigations même si leurs cibles occupent des postes très importants (ministre,député,président de la république, sénateur etc…). La séparation des pouvoirs l'exige. Le judiciaire et le politique ne peuvent être de connivence pour ettouffer telle ou telle affaire. En Algérie, tout le contraire est vrai. L'affaire SIDER déclenchée en 1996 en témoigne de la main mise du régime sur ce secteur névralgique. L'histoire du télephone qui sonnait dans la salle des délibérations du palais de justice de Annaba en 1997 et toujours pour l'affaire SIDER le prouve comme l'avaient affirmé à l'époque certains avocats qui défendaient Chettih et ses co-accusés. La justice a les mains liées et n'enquête que sur ce qu'on lui présente sur un plateau. Intouchables, les ministres algériens et autres hommes politiques n'ont jamais été inquiétés lorsqu'ils sont soupçonnés pour une quelconque dérive. Chakib KHELLIL, Said BARKAT, Amar Ghoul, Amar SAIDANI et bien d'autres ont pourtant vu leurs noms cités dans la presse qui rendait publique des affaires de corruption, de détournemants etc.. L'ex ministre de l'agriculture Said BARKAT ami et fidèle proche de Bouteflika aurait détourné à son compte 70% des aides agricoles destinées aux 14 wilayas du sud au seul profit de la wilaya de Biskra écrivait El Khabar Hebdo en mars 2011. Pour SAIDANI, l'ex président de l'APN, un chiffre écoeurant de 3000 milliards de centimes était avancé par l'hebdo El-Khabar El Ousbouaai qui avait révélé que cet homme « politique » était propriétaire de biens immobiliers en Espagne, en France, en Angleterre sans oublier sa luxueuse villa de Hydra qui vaut 25 milliards de centimes. Pis encore selon l'hebdomadaire en question, à propos de Said Barkat, il aurait loué 30 avions pour lutter contre l'invasion des criquets, avions qui resteront immobilisés car en panne. L'accusation porte aussi sur le paiement de 36 000 euros/jour pour cette location alors que les appareils n'ont pas volé. Dans le lot des accusations, El Khabar Hebdo révelait à propos de Barkat qu'il aurait acheté un matériel défectueux pour 10 milliards de DA auprès d'une société espagnole dont le propriétaire n'est autre que José Maria Aznar, ex premier ministre. Ni Bouteflika, ni Ouyahia, encore moins le DRS n'avaient réagi à ces scandales révelés par la presse et nul n'a été inquiété. Bouteflika et son entourage ont rendu la corruption et les détournements des faits ordinaires et banals. Amar Ghoul ministre de l'autoroute est-ouest aurait dû rendre des comptes dès la première annonce du scandale qui avait éclaboussé son secteur. Des centaines de millions de dollars de pots de vin versés à des responsables véreux et corrompus sans que le ministre ne soit appelé à aller s'expliquer devant les juges. Avec arrogance il est allé jusqu'à affirmer que les coûts de réalisation de la tristement célèbre autoroute étaient des plus raisonnables. Comment expliquer alors que le groupe chinois CITIC avait facturé le lot du centre (169 kms) à 2,6 milliards de dollars (1,9 milliards d'euros) alors que le tronçon Clermont Ferrand-Beziers long de 334 kms (le double du tronçon centre) avait été facturé en France pour seulement 2, 2 milliards d'euros? Par quel miracle les français avaient-il réussi à réaliser ce projet (autoroute en question livrée finie, c'est à dire avec toutes les commodités exigées dont les aires de repos, les stations d'essence, les systèmes de surveillance,les locaux des prestataires de service en charge de la gestion de cette infrascture routière) avec moins d'argent dépensé si l'on compare avec le montant accordé aux chinois. L'écart est important, très important si on procède par calcul d'un simple épicier: 169X2= 338kms (2 fois le tronçon Centre) aurait couté 2X 1,9 milliards d'euros, donc un total de 3,8 milliards d'euros. Or pour une infrastructure d'une même distance construite en France a été fournie pour seulement 2,2 milliards d'euros. 1,6 milliard d'euros d'écart ( 2 milliards de dollars). Catastrophique. Un architecte du bureau d'études SETEC basé au 193 rue Bercy dans le 12ème arrondissement parisien va plus loin en rappelant que les coûts de réalisation en Algérie peuvent être inférieurs aux normes européennes grâce notamment aux charges sociales inférieures,tout comme la masse salariale dépensée et insignifiante par rapport à celle signalée pour un tel projet réalisé en Allemagne ou en France. Il ne faut pas être docteur es investigation pour s'apercevoir que les pots de vin versés aux algeriens pour ce projet se chiffrent en milliards de dollars et non en centaines de millions. Ce qui est par contre utile de savoir, c'est : qui s'est bien rempli les poches? Mais il n'y'a pas que ces deux affaires( Sonatrach et autoroute est-ouest) qui ont poussé les organismes non gouvernementaux à classer l'Algérie parmi les pays les plus corrompus. Le bakchich a rouillé tous les mécanismes pouvant aider le pays à sortir du sous développement. Institutionnalisée, la corruption est devenue la règle première pour tout investisseur étranger intéressé par s'installer en Algérie. Et c'est sous le règne de Bouteflika que ce fléau a gagné toutes les sphères. Telle une pieuvre, la corruption s'est installée partout et dans tous les cercles de décision. Il est d'ailleurs utile également de rappeler le contenu de ce fameux cable diplomatique rédigé par Robert Ford ancien ambassadeur à Alger à propos de la corruption dans le pays. Lors d'une discussion , Bajolet,son collègue français également en poste à Alger lui aurait dressé un sombre constat sur l'Algérie: « la corruption qui remonte jusqu'aux frères de Bouteflika, a atteint un nouveau sommet et interfère dans le développement économique ». L'ex ambassadeur citera même en bas de son cable les noms de deux frères du chef de l'état: Said et Abdelghani comme étant des rapaces. Qui dit mieux; L'Algérie fonce droit vers l'inconnu, l'incertitude et nul ne peut prédire ce que sera l'avenir de ces dizaines de millions de jeunes désorientés. Le pays est géré par procuration. Le chef de l'état en mode « hibernation » ne fait que déléguer ses conseillers et certains de ses ministres pour le réprésenter dans les meetings officiels ou autres festivités à l'étranger. Cette situation qui dure depuis plus de 7 ans pose les questions qui fâchent : faut-il destituer le président ou devrait-il démissionner de son plein gré? Au rythme où vont les choses, il est clair que le pays ne fera que sombrer davantage vers le précipice. Broyée par l'inertie, la corruption, le clientélisme, l'amateurisme et l'anarchie, l'Algérie est en passe de devenir un simple espace ressemblant aux réserves « dédiées » aux indigènes dans le 18 ème siècle. Ne pouvant plus tenir de longs discours, Bouteflika,l'ex grand orateur qu'il fût, se contente désormais d'adresser ses « directives » via des messages lus par ses collaborateurs d'El Mouradia. Dernière initiative en date, la lecture à Tebessa par Mohamed Ali Boughazi, un des conseillers du président d'un message destiné beaucoup plus aux médias qu'aux participants à une rencontre sur l'anniversaire du 19 mars 1962. La réaction de Bouteflika s'imposait de fait vu que la presse avait relaté un interessement par la justice américaine au cas « Chakib Khellil ». Le chef de l'état voulait encore une fois prouver qu'il ne pouvait être concerné par les accusations portées à l'encontre de son ex ministre de l'énergie. Surtout que là, c'est le FBI qui s'en mêle. L'affaire devient sérieuse et menaçante même. Force est de constater que Bouteflika avait pourtant offert les clés de Sonatrach et de Sonelgaz à son ami Khellil sans pour autant lui demander un jour des comptes sur la gestion catastrophique du secteur de l'énergie. Pire encore, si l'on en croit le contenu de certains cables diplomatiques US transmis par l'ambassadeur US à Alger, précisemment celui du 21 février 2010, Khellil n'informait ni le président,ni le premier ministre sur l'avenir du secteur gazier en Algérie et les capacités d'exportations de gaz qui connaitraient un déclin dès 2015. En plus précis, le diplomate US David Pearce accusait Khellil de haute trahison envers sa hiérarchie directe. Jugée « dossier explosif » par Pearce, la chutte attendue des exportations de gaz serait liée selon les explications fournies à l'ambassadeur américain par le patron de British Petrolium Algérie à la baisse de la production de gaz « en raison de l'épuisement des réserves de gaz conventionnel du pays ». La révélation est de taille si on décortique le contenu du cable rendu public par Wikileaks. Bouteflika ne savait rien sur le secteur, secteur qui pourtant assurait à l'Algérie un certain calme socio-politique. Gravissime. Le plus inquiétant dans la gestion politique du pays n'est autre que ce constat de décalage dans le temps et cette invisibilité envers l'actualité du moment. En déphasage avec les évenements, Bouteflika réagit des semaines voire des mois après les faits. Mieux, des fois c'est l'abstention et son silence qui agitent les plus curieux et ramènent les rumeurs les plus folles à propos de tel ou tel autre évenement. En plus clair, en l'absence d'une version émanant d'El Mouradia, la rumeur prend le relais et alimente la population. Voilà maintenant plus de deux ans que la mamelle Sonatrach est sous les feux des projecteurs. Des scandales en cascades, des révélations mettant en cause des ministres, des hauts cadres dans des affaires de pots de vin, des manifestations de protestation signalées dans les quatre coins du pays durant toute l'année, des émeutes anonciatrices d'un risque d'embrasement généralisé, des faits divers qui devraient interpeler le premier magistrat du pays, notamment celui des kidnappings, des attentats terroristes qui continuent d'endeuiler des dizaines de familles, bref, tout un cocktail de dossiers dont seul le chef de l'état est en mesure d'apporter ses éclaircissements, sa vision des choses, ses orientations. Bouteflika est absent sur toute la ligne. Point de capitaine aux commandes du navire Algérie qui risque de chavirer à vitesse grand V si les prix du baril de pétrole descendent sous la barre des 70 dollars voire 80 dollars. Des signaux d'inquiétude sont d'ailleurs à prendre au sérieux. A commencer par l'oncle SAM qui dès 2017 deviendra le premier producteur mondial de pétrole bien devant l'Arabie Saoudite. Selon l'agence internationale de l'énergie (AIE), les USA connaitront dès 2017 une autosuffisance en matière énergétique. La semaine dernière, la société américaine CHENIERE avait annoncé un contrat de livraison de gaz naturel liquéfié avec le 1er fournisseur d'énergie au royaume uni CENTRICA. Le contrat étalé sur 20 ans dès 2018 porte sur la livraison de 1,75 million de tonnes par an. CHENIERE commencera ses exportations de GNL dès 2015 et a déjà passé des contrats avec le britannique BG, l'espagnol Gas Natural Ferrosa,l'indien Gall, le français Total et le sud coréen Kogas. Dans les milieux énergétiques US, on murmure déjà que les contrats d'importation de pétrole et de gaz qui sont en cours, devraient être revus, renégociés, sinon stoppés carrement. Que fera Sonatrach si ses clients US se retireraient du circuit? Fin février, la presse italiènne révelait que les chinois négociaient en coulisses et en toute discrétion le dossier énergétique réservé au sud italien, ce qui pourrait selon les médias italiens, « enterrer définitivement le projet gazier Galsi traité avec les algériens ». Le secteur de l'énergie est géré sans planification, ni stratégie. La plus comique était la sortie de Youcef Yousfi, ministre du secteur en question qui rappelait la semaine passée que l'Algérie ne connaitra pas de délestages électriques cet été. Quelle avancée! Duel Bouteflika- Toufik: La cause selon des observateurs n'est autre que cette dyarchie en matière de gouvernance au sommet. Ni Bouteflika, encore moins le tout puissant général Toufik patron du département des renseignements et de la sécurité (DRS) ne peuvent décider seuls. Un concensus est à chaque fois recherché pour toute action d'envergure capitale. La foire au « je t'aime,moi non plus » est plus que stressante d'ailleurs pour les deux clans qui s'affrontent voilà plus de 13 ans. Avant Bouteflika, Zeroual avait connu pire lors de son passage à El Mouradia. Le président démissionnaire est arrivé à ne plus pouvoir gérer le conflit Btechine- Toufik. Les deux clans rivaux dirigés par le colonel Sadek Ait Mesbah pour la troupe à Toufik et Abdelkader Haddad dit Abderahmane,alias le tigre pour Betchine and co, s'affrontaient sur tout et sur rien au point où on aurait cru qu'il existait deux DSPP (direction de la sécurité et de la protection présidentielle). L'un et l'autre se surveillait et s'envoyait des messages codés à « l'adversaire ». La fin de cette lutte au sommet de l'état avait couté cher à Betchine, ami proche de Zeroual contraint à faire ses valises après les scandales à répétition publiés par une presse écrite manipulée par les deux clans. Lors de cette tempête médiatique, bon nombre d'hommes politiques « proches » de Betchine avaient été ciblés par cette féroce campagne médiatique. L'ex ministre de la justice Mohamed Adami en était l'un d'eux. Pour l'heure, une accalmie de façade semble se dessiner concernant le duel Bouteflika- Toufik. Si le patron du DRS était en décembre selon certaines indiscrétions partant pour accorder un quatrième mandat à l'actuel président,les données ont depuis changé et Toufik aurait clairement fait comprendre à l'entourage du chef de l'état que l'option réelection n'est plus négociable. Bouteflika partira bel et bien en mais 2014. Le patron du DRS aurait changé d'avis dès l'annonce du survol du territoire algérien par des chasseurs de l'armée de l'air française. L'incompatibilité d'humeur signalée entre Toufik et Said Bouteflika alimentait les tensions entre le palais d'El Mouradia et le DRS. L'état de santé du président aurait également joué dans ce changement de vision pour 2014. Craignant pour l'avenir de ses frères Said et Nacer (sécretaire général du ministère de la formation professionnelle) , Bouteflika aurait cédé en contrepartie d'une immunité qui garantirait au clan familial du président d'échapper à toute poursuite judiciaire. Une sortie sans gloire ni trempêtes. Sans gloire vu l'état du pays laissé par la bande à Boutef et ses prédecesseurs. Malgré l'étendue de ses richesses naturèlles, l'Algérie pourrait basculer à tout moment vers une guerre civile sans fin. Les tensions signalées au sud sont là pour justifier l'anarchie qui y règne. Un pays statique et confiné sur sa coquille. Le pouvoir réagit comme de coutume par la repression et la force dès qu'une manifestation s'affiche. Les libertés individuèlles ont gravement regressé et le régime semble ignorer l'essentiel de sa raison d'exister: répondre aux revendications légitimes des citoyens.L'exemple des émeutes signalées dans les wilayas du sud attestent également que le régime s'est complètement déconnecté des réalités du terrain. Une année avant l'arrivée de Bouteflika aux commandes de l'état , la Malaisie était sous la pression du FMI. La crise asiatique avait durement secoué dès 1996 ce pays musulman, multiculturel et multiethnique de 30 millions d'habitants. La malaisie ne dispose pas de richèsses pétrolières ou gazières comme l'est l'Algérie. 51% de son PIB est alimenté par le secteur des services. En 1998, la Malaisie avait formellement refusé l'aide du FMI malgré l'étranglement de son économie au bord du gouffre. Aujourd'hui ce pays présente un revenu national brut (RNB) par habitant avoisinant les 9000 dollars contre seulement 4470 pour l'Algérie, soit le double. 99% de la population rurale de Malaise a accès à l'eau potable selon la Banque Mondiale contre 74% seulement en Algérie. Le PIB algérien est de l'ordre de 188,7 milliards de dollars contre 278,6 milliards de dollars en Malaisie. Par quel miracle la Malaisie est-elle devenue le premier investisseur asiatique en Afrique avec 19,3 milliards de dollars devançant la Chine et l'Inde? Les investissements de Kuala Lumpur dans le monde ont atteint en 2011, 106 milliards de dollars selon la CNUCED qui a présenté un rapport lors du sommet des BRICS. Quelle a été la potion magique utilisée par les décideurs de ce pays pour sortir de la crise en à peine une décennie? L'assainissement des circuits financiers, l'aide aux investisseurs et la lutte contre la corruption, répondront les observateurs. En Algérie, jamais le baril avait connu une remontée dans les prix dès l'arrivée de Bouteflika en 1999. Depuis, une autoroute payée à prix fort, quelques projets par ci par là, sinon rien à classer dans les réalisations grandioses méritant une citation. La dérive vers l'incertitude et l'inconnu est dûe aux mauvaises gestions, principalement sous l'ère Bouteflika. Ce qui est sûr, le nom du candidat du DRS pour les présidentièlles de 2014 est déjà sur le bureau de Toufik. Les quelques agitations des derniers jours chez certains proches du sérail, à l'image de Louiza Hanoune, seront sans effet. Elles font partie du décor amusant confectionné par un régime en fin de vie. Il faut espérer que ce jour où les algériens pourront choisir librement leur guide soit des plus proches. Un demi siècle d'un régime mafieux et obsolète a fait fuir des dizaines de milliers d'algériens partis offrir leur savoir faire dans des pays où ils ont pu s'émanciper librement.