Fait inédit dans les annales du baccalauréat : pour s'insurger contre l'introduction de questions dont le sujet «n'était pas au programme», des milliers de candidats à cet examen décisif (filière lettres et philosophie) ont protesté hier, créant une anarchie ayant perturbé le déroulement des épreuves dans des centres d'examen de plusieurs wilayas, notamment Alger, Blida et Oran, où des enseignants ont brisé le mur du silence. Une tricherie générale a suivi ces actes de protestation, dénoncent les enseignants. La manifestation de colère s'est faite dans certains cas «de façon très violente», selon des surveillants, qui dénoncent la fuite en avant de la tutelle. Plusieurs surveillants que nous avons interrogés ont témoigné que des candidats «ont usé de violence physique ; ils sont sortis des salles d'examen et se sont regroupés dans la cour, ils ont pris leurs téléphones portables et ont communiqué avec autrui pour se faire aider dans leurs réponses», explique un enseignant, surveillant au lycée El Bachir El Ibrahimi au centre-ville d'Oran. Des faits très graves, compromettant la transparence et la crédibilité de cet examen, ont été signalés aussi au lycée Ahmed Zabana dans la commune de Hussein Dey, à Alger. Selon plusieurs enseignants chargés de la surveillance, «des candidats ont usé de violence physique». «Certains détenaient même des armes blanches, obligeant les surveillants à les laisser tricher», dénonce une enseignante qui est toujours sous le choc, vu l'ampleur de ces dépassements. «Tout a commencé lorsque les candidats ont eu les sujets de l'épreuve de philosophie. Des larmes, des cris fusaient de partout. Certains candidats se sont évanouis. Les élèves étaient en colère contre le fait qu'un des sujets n'était pas au programme. Selon eux, il était supprimé dans le cadre du seuil défini par le ministère. Des candidats ont ensuite renversé des tables et menacé les surveillants. Cette situation a permis à nombre d'entre eux de tricher. Certains ont utilisé leurs téléphones, d'autres ont copié à partir des réponses de leurs camarades», révèle la même enseignante. «Des dépassements similaires ont eu lieu au lycée Okba, à Bab El Oued, dans la wilaya d'Alger, où la situation était impossible à maîtriser» et au CEM Meziane, dans la commune de Mohammadia, à Alger. Selon des surveillants des centres d'examen, les enseignants ont signalé ces faits dans leurs rapports. Des vidéos mises en ligne par des élèves témoins renseignent sur l'ampleur de ces faits relevés dans un centre d'examen de la commune de Staouéli, à Alger. Des actes de perturbation ont aussi eu lieu au technicum Bentouati de Chebli (Blida). «Après un moment de perturbation, le calme est revenu dans l'ensemble des classes. Les chargés du centre ont décidé une prolongation du temps imparti à l'épreuve afin de ne pas pénaliser le reste des élèves, sans procéder à l'expulsion de ceux à l'origine des troubles», assure la direction de l'éducation de la wilaya de Blida citée par l'APS. «L'incident s'est produit lorsque des élèves de la filière lettres et philosophie ont commencé à casser des chaises et des tables, dès qu'ils ont pris connaissance des sujets de philosophie, et ce, au motif que ces sujets n'ont pas figuré dans leur programme scolaire», a expliqué le chargé de l'information à la direction de l'éducation, Meftouh Mohamed, cité par l'APS. Le responsable du centre d'examen concerné a également signalé une tentative d'agression de surveillants par des candidats ayant nécessité l'intervention des services de sécurité, a ajouté la même source. Immédiatement après avoir été informée de la situation, la directrice du secteur éducatif de la wilaya, accompagnée d'une représentante du ministère de tutelle et du chef de la daïra de Boufarik, s'est rendue sur les lieux ; un dialogue a été entamé avec les élèves pour les convaincre de reprendre leurs places et de terminer leur examen. Des cas de tricherie collective ont été également relevés lors de ces troubles, selon M. Meftouh, qui signale leur mention dans un rapport. La tutelle minimise «Le chef de centre d'examen a contacté la direction de l'éducation, mais rien n'a été fait pour maîtriser la situation. Nous étions livrés à nous-mêmes. Nous avons souligné tous les dépassements dans le rapport remis hier», explique un surveillant du lycée El Bachir Ibrahimi d'Oran. De son côté, le directeur de l'éducation de la région centre de la wilaya d'Alger, M. Mesbah, a minimisé l'ampleur des dépassements dénoncés par les enseignants relevant de son «territoire». «Il y a eu des actes de protestation de la part des élèves de lettres et philosophie à propos du sujet de philosophie. Nous affirmons que le sujet figure parmi les cours compris dans la partie du programme concernée par l'examen, tel que défini par la tutelle. La situation a été maîtrisée», explique le même responsable, qui dit parler des établissements se trouvant dans son territoire de compétence. Notre interlocuteur reste sceptique concernant les faits rapportés par les enseignants, expliquant que la responsabilité incomberait aux surveillants qui doivent veiller à ce que les élèves soient «dépouillés» de leurs portables avant d'entrer en salle d'examen. Contacté pour connaître les mesures prises, le ministère de l'Education nationale a préféré nous orienter vers l'Office national es examens et concours. M. Merazi, secrétaire général de cet office, a minimisé l'ampleur de l'anarchie et de la perturbation. Selon ce responsable, il s'agit de cas de panique manifestée par des candidats de la filière lettres et philosophie. M. Merazi rappelle que les candidats disposent de trois sujets au choix. «Si des cas de tricherie se manifestent, il y a trois surveillants dans chaque salle. Des mesures seront prises si ces cas sont signalés dans les rapports des chefs de centre d'examen», a-t-il soutenu. A souligner que les littéraires étaient hier à leur troisième jour d'examen. La philosophie est une matière essentielle à coefficient 6. Fatima Arab