El Watan le 05.07.13 L'armée égyptienne a-t-elle réellement accepté les changements imposés par la rue en janvier 2011 ? N'a-t-elle pas été amenée à adhérer à contrecœur à la révolution du peuple égyptien contre la dictature de Hosni Moubarak ? Son intervention, mercredi 3 juillet, pour destituer le président Mohamed Morsi souligne un retour en force des hauts gradés. Manière de s'imposer comme seul recours pour mettre l'Egypte «sur les rails» après l'épisode court d'un chef d'Etat islamiste. Morsi s'est égaré et a commis des erreurs, la rue l'a rappelé à l'ordre, mais les militaires ont choisi la voie risquée du coup d'Etat. Le nouveau régime s'est tout de suite attaqué aux journalistes et aux médias mercredi soir. Ce qui est un mauvais signe. Désormais, l'Egypte sous la direction des officiers est face à trois scénarii : turc, algérien ou pakistanais. Rien n'indique que les pro-Morsi vont se taire. Et rien n'indique qu'un autre processus démocratique ne serait pas remis en cause. L'armée a géré l'Egypte, d'une manière ou d'une autre, pendant soixante ans. Accepte-t-elle de revenir à ses casernes ? Imposera-t-elle le retour d'un ancien militaire aux commandes du pays après les prochaines élections ? La crainte que l'Egypte bascule dans les violences est toujours présente. Le Mouvement des Frères musulmans, qui n'a rejoint la révolte des Egyptiens contre le régime de Moubarak que tardivement, est également responsable de cette situation. En Tunisie, le chef d'état-major, qui a soutenu, avec courage, la révolte du peuple tunisien contre la dictature de Zine Al Abidine Benali en 2011, a décidé de prendre sa retraite. Les militaires tunisiens n'ont pas perturbé le processus de transition démocratique mené par les civils. Le débat est resté dans la sphère strictement politique. L'armée tunisienne n'a pas les mêmes prétentions que celles de l'Egypte ou de l'Algérie. En Algérie, les forces armées éprouvent toujours des difficultés pour passer au stade de l'armée professionnelle qui ne se mêle plus de la politique. La Libye, qui n'a pas d'armée structurée, connaît une transition difficile. Mais une transition gérée par les civils. La Libye paraît donc comme une exception dans la région arabe. En Syrie, l'armée n'a pas hésité un seul instant à tirer sur les populations civiles et à bombarder des villes pour protéger le régime oppresseur de Bachar Al Assad. Un action présentée comme «une œuvre patriotique» et inscrite dans le registre de «la lutte antiterroriste». La chute des dictatures dans les pays arabes et les changements politico-sociaux qu'elle implique n'a pas provoqué un débat, pourtant nécessaire, sur le rôle des forces armées dans la vie politique des nations. Un rôle qui doit inévitablement être revu pour éviter que les coups d'Etat prennent des allures populaires et pour que l'arbitrage politique revienne aux institutions civiles et démocratiques élues. Fayçal Métaoui