Université de Msila De tout temps, en effet, les socialistes français ont toujours fait montre d'une sympathie manifeste et d'un soutien politique et moral sans faille à Israël avec lequel ils partagent les mêmes affinités idéologiques. Cela explique pourquoi François Hollande a exprimé dans un communiqué de presse « la solidarité de la France face aux tirs de roquettes en provenance de Gaza » après avoir condamné « fermement » ces agressions » dirigées contre Israël ! Cette déclaration a été faite par le président français le 9 juillet après la rencontre qu'il a eu avec le Premier Ministre israélien Benjamin Netanyahou. Dans ce même communiqué de presse, il a été nettement affirmé qu' « «Il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces», ce qui constitue en fait un soutien à la poursuite des bombardements de Gaza dont les habitants seraient « les agresseurs », et les Israéliens « les victimes ». Le président Français n'a eu donc d'émoi et de compassion que pour les israéliens, et c'est pourquoi il s'est gardé de faire la moindre allusion aux centaines de victimes palestiniennes. Par ses déclarations partiales, le président François Hollande n'a fait en fait que cautionner sciemment les raids meurtriers lancés par Israël sur Gaza et qui tuent par chapelets des civils, femmes, enfants et vieillards sans défense. Nos socialistes français, dirigeants et simples militants confondus, sur lesquels s'exercent en effet le magistère des idéologues attitrés du sionisme au sein du PS, versent souvent dans le réductionnisme, l'amalgame et dans les jugements à l'emporte-pièce lorsqu'il s'agit de la Palestine et de la résistance incarnée par le mouvement Hamas à Gaza. Pour eux, ce mouvement acculé à la résistance tant par instinct de survie que par une volonté farouche de s'opposer à la domination d'une puissance exogène imposée du dehors, n'est rien de moins qu'une « organisation terroriste » dont la raison d'être menacerait « la sécurité d'Israël », dont le caractère socialiste, démocratique et « judéo-chrétien » en appelle à la solidarité de tous. Outre l'amalgame auquel ils recourent en de telles circonstances, joint à la partialité dans l'appréciation des situations et à la mauvaise foi dont ils font preuve sans le moindre scrupule, « Les dirigeants du PS » n'hésitent jamais à faire appel à des points de comparaison absolument inappropriés en établissant « une symétrie entre les tirs de roquettes de Hamas et l'usage de l'arsenal militaire le plus sophistiqué par l'une des armées les plus puissantes du monde. En renvoyant dos à dos les deux parties, les dirigeants socialistes évitent de trancher la question ». Il est par ailleurs scandaleux d'entendre de la bouche des dirigeants socialistes, comme Jospin, Hollande et consorts l'expression de « Sécurité d'Israël », « qui sous-entend que les Palestiniens vivent en sécurité. Il n'en est évidemment rien (liberté de mouvement restreinte, déplacement de populations, destruction des maisons et des champs, confiscation de terres, blocus de Gaza, liquidation physique des élites palestiniennes potentielles, prise en otage de 11000 Palestiniens qui croupissent sans jugement dans les prisons israéliennes). Etant donné que l'insécurité affecte surtout les Palestiniens, il serait plus juste de revendiquer la « sécurité pour tous ».[10] Comme l'écrit à juste titre Denis Sieffert de la revue Politis, le système sémantique des socialistes « s'articule sur une série d'interdits. Ce n'est pas un conflit « colonial ». À Gaza, il n'y a pas de « blocus ». Et, en face, ce sont des « terroristes ». L'attachement que les socialistes éprouvent à l'égard d'Israël les rend aveugles et insensibles à la souffrance des autres, à celle des « indigènes » d'aujourd'hui :les palestiniens. L'émoi que suscite chez eux les roquettes lancées par le Hamas sur Israël les fait « trébucher » sur les mots au point de commettre des « bourdes»[11]. C'est que la passion « amoureuse » pour Israël, et les émotions bibliques qu'il éveille chez les socialistes, les empêchent souvent d'appréhender les choses avec l'impartialité que requiert la probité intellectuelle. En l'occurrence, et s'agissant de la position de François Hollande vis-à-vis de Gaza écrasé par les bombes, elle trahit sans équivoque une stigmatisation de la victime agressée-Gaza- et un parti pris en faveur de l'agresseur-Israël. En dépit des ressources sémantiques que lui offre la langue, Hollande n'a pas su pourtant en faire bon usage au sens « diplomatique ». Dit autrement : « Le langage diplomatique est pourtant assez riche en litotes et autres circonlocutions pour qu'un homme politique d'expérience ne trébuche pas sur un dossier aussi ancien – hélas – que le conflit israélo-palestinien. Trébucher, c'est pourtant ce qui est arrivé, le 9 juillet, à François Hollande. Au soir des premiers bombardements sur Gaza, il a cru devoir assurer de sa « solidarité » le Premier ministre israélien, sans un mot pour les civils palestiniens morts le jour même. Faut-il que le sujet soit chez lui passionnel pour qu'il en oublie ainsi « la position traditionnelle de la France » et les obligations de sa fonction ? Le trouble a été perceptible une seconde fois, lundi, lorsque le journaliste Gilles Bouleau, préposé à l'interview du 14 Juillet, l'a interrogé sur ce qu'il faut bien appeler une énorme bourde. « Ce que j'ai dit... », a répondu François Hollande, c'est qu'Israël « a droit à sa sécurité » et que, « en même temps », il doit faire preuve « de retenue et de réserve ».[12] Il ne s'agit pas ici d'une palinodie de la part de Hollande, mais seulement d'une rectification mineur, d'ordre tactique, d'un jugement qui demeure largement favorable à la « la sécurité d'Israël ». Comment expliquer encore cet attachement quasi viscéral de Hollande vis-à-vis d' Israël, sinon par l'idée qu'il s'en fait de la colonisation comme facteur de « progrès » et de « civilisation » pour des peuples restés ( comme l'Algérie, la Palestine...) à l'état « primitif » ? Or, pour lui, comme pour tous ses pairs, François Hollande voit en Israël le modèle d'un Etat « civilisé » et « civilisateur » à l'image de la France naguère « civilisatrice des sauvages » des contrées d'Afrique, d'Asie et d'Océanie... « Car, sur le fond, François Hollande est l'héritier de la vieille tradition coloniale SFIO. Pas plus que Guy Mollet pendant la bataille d'Alger, il ne semble percevoir le caractère colonial du conflit. C'est pour lui une histoire de démocratie aux prises avec des « terroristes », nés terroristes, et qui le demeurent de pères en fils. Cette représentation d'un peuple sans histoire, qui vivrait à Gaza dans l'abondance, mais qui aurait la sale manie d'envoyer des roquettes sur le voisin, n'est-elle pas précisément le produit de ce qu'on appelle l'inconscient colonial ? En attendant, François Hollande a plongé dans l'embarras le Quai d'Orsay. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois. On se souvient de sa visite en Israël, en novembre dernier, et de la fameuse vidéo dans laquelle on le voyait déclarer « son amour », non seulement pour Israël – et pourquoi pas ? – mais aussi pour ses « dirigeants ». On se souvient encore de ses atermoiements lorsqu'il s'est agi d'accorder à la Palestine le statut d'observateur à l'ONU, en novembre 2012. C'est Laurent Fabius qui avait finalement imposé le vote positif de la France.»[13] Certes, les Etats-Unis font mieux et vont encore plus loin que la France, dans leur soutien inconditionnel, sans bornes, à Israël, considéré comme leur « ami stratégique ». La dernière preuve administrée en est la déclaration de la porte-parole de La Maison Blanche, Jennifer Psaki, disant que nul pays au monde : « ne peut accepter de rester les bras croisés lorsque des roquettes lancées par une organisation terroriste tombent sur son territoire et touchent des civils innocents ». Cette déclaration a été faite au moment même où une trentaine de palestiniens venaient d'être tuer à Gaza par les bombardements israéliens, et pas une seule victime côté israélien. Ironie du sort, les journaux anglo-saxon rapportent que le Département D'Etat américain va jusqu'à accuser Hamas d'être responsable de la tuerie des enfants à Gaza ![US State Department blames Hamas for Israel's murder of Gaza children]. Mais l'alignement traditionnel et sans condition des USA sur la politique extrémiste d'Israël doit-il justifier celui de la France dont les positions traditionnelles sur le conflit israélo –palestinien ont toujours été, du moins au plan de la forme, relativement « équilibrées » ? Ce qui est sûr, c'est que « la vieille garde » du PS dont François Hollande représente un échantillon représentatif, n'est guère prête à se départir de ses sentiments d'amitié envers Israël. Quitte à aliéner l'indépendance politique relative de la France, notamment vis-à-vis des Etats-Unis, politique que le général de Gaulle avait inauguré en son temps, les socialistes d'aujourd'hui se montrent plus que jamais disposés à se plier à la volonté israélienne qui ne tolère ni contradictions ni contradicteurs, en particulier lorsqu'il s'agit de tuer le maximum de palestiniens et de pratiquer la politique de la terre brûlée. En effet, beaucoup d'observateurs et d'analystes honnêtes de l'Hexagone n'ont pas manqué de relever les partis pris des socialistes en faveur d'Israël et en même temps un déni de justice flagrant à l'égard du peuple palestinien dont toute résistance à l'occupation sioniste est stigmatisée comme un acte attentatoire à « la sécurité d'Israël ». Prochain article : Quand François Hollande réédite les errements politiques de Guy Mollet [1] Le Parti Socialiste français est né lors du Congrès d'Epinay de juin 1971 ; il succède à partir de cette date à la défunte SFIO. « A Epinay, écrivait Portelli, c'est un parti qui a été bâti autour de François Mitterrand... » et dont les orientations « socialistes » allaient séduire plus que jamais un corps électoral favorable à Israël et dont l'expérience kibboutzienne trouvera en la personne de Mitterrand un de ses meilleurs chantres. Cf. Hugues Portelli, L'Internationale socialiste (dir.), publié avec le concours de l'université de Paris X- Nanterre, Paris , les éditions ouvrières, 1983. [2] Cité par Dalloz, Jacques, La création de l'Etat d'Israël, Paris, La Documentation française, 1993. [3] In l'Echo d'Alger, 12 novembre 1954 [4] Cité par Jean Lacouture, Mitterrand. Une histoire de français. Les risques de l'escalade, tome 1, Paris, Seuil, coll. Points, 1998, p.185 [5] Cité par Jean Lacouture, ibid. [6] En janvier 1956, il était déjà secrétaire de la SFIO. [7] Essai qui sera suivi par l'explosion de quatre bombes aériennes entre 1960 et 1961, à quelque 40 kilomètres d' In-Ekker où il eut lieu, le 7 novembre 1961, le premier essai souterrain, baptisé « Agathe ». Le second essai, baptisé « Béryl », eut lieu le 1er mai 1962, et le dernier, se produisit quatre ans après l'indépendance de l'Algérie, le 16 février 1966. [8] Lire Jacques Derogy et Hesi Carmel, Le Siècle d'Israël. Les secrets d'une épopée, 1995-1995, Paris, Fayard, 1994 ; Alain Dieckhoff, L'invention d'une nation. Israël et la modernité politique, Paris, Gallimard, 1993. [9] Philippe Marlière « Parti socialiste : l'impossible critique d'Israël »in http://www.mouvements.info/parti-socialiste-l-impossible.html [10]Philippe Marlière, op.cit. [11] Voir Denis Sieffert « La bourde de Hollande » , Politis, 19 juillet 2014 et(http://www.politis.fr/La-bourde-de-Hollande,27737.html [12] Denis Sieffert, ibid. [13]Denis Sieffert, op.cit.