Alors que j'étais chercheure au CRASC, une collègue me comble de compliments (je serais travailleuse et compétente) et ne m'appelle que ‘Ma fille'. Puis, elle me propose de travailler dans un projet qu'elle désirait déposer. Elle vient à mon bureau et m'appelle au tél bien qu'elle a plus du double de mon âge. Elle m'inonde de promesses : billets d'avion1 et frais pour tous les colloques auxquels je serais invitée, en ajoutant : « Nous préparerons des communications et c'est toi qui iras les présenter à l'étranger. C'est ton nom qui sera dessus et sur les publications. Car ma carrière est derrière moi et la tienne commence. Je ferai tout pour te lancer et t'encourager ». N'ayant rien demandé, j'hésite. Elle poursuit en m'associant à la fixation du thème et me laisse déterminer, en totale liberté, mon axe. J'accepte et je commence à m'y investir en laissant de coté mon doctorat et un article que je devais finir pour publication. Un peu plus tard, alors que je dépose ma démission du CRASC, elle accourt vers moi et me fait promettre que je resterai dans le projet comme associée. Je quitte le CRASC et, tenant parole, je l'appelle, la rappelle et lui envois des mails pour lui remettre mon dossier d'associé. En vain. Je me déplace à Oran. Elle n'est toujours pas à son bureau et j'apprends qu'elle est nommée ‘conseillère' de la Ministre de l'éducation. Quand je réussis à l'avoir, en passant par le standard (CRASC), elle me dit qu'elle m'a retirée du projet car Mme l'ex Directrice a interdit (depuis quand?) tout recrutement d'associé (en vertu de quoi?) non muni de doctorat. Je lui demande copie de l'extravagante décision. Prise de court, elle coupe. Je lui refais ma demande par mail, en vain. J'adresse une requête au Conseil scientifique, où je relève juste une partie de cette extravagance. J'apprends que la Présidente aurait, en privé, reconnu cette dernière et me conseillerait de saisir le Directeur qui, seul, pourrait intervenir. Je m'exécute. Quelques jours plus tard, du haut de ses 70 ans, Mme B est obligée de m'adresser une réponse située à 180 degrés de la précédente. « Bonjour, il faudrait que vous sachiez que votre axe a disparu ». Ce justificatif n'en étant pas un, puisqu'il est l'effet de mon exclusion et non sa cause, Mme B (la chercheure) a caché l'extravagance en confondant explication et ce qu'il faut expliquer. Elle ajoute « L'équipe est constituée uniquement de permanents »2. Ainsi, après que le CS a validé le projet et l'équipe, elle en fait disparaitre (1) la moitié des axes et change (2) toute l'équipe (sauf elle). 1- Elle supprime les deux axes les plus consistants et ceux qui pouvaient, le mieux, aider à comprendre le phénomène traité. Autant mon axe aurait eu du mal à profiter d'études antérieures (d'autrui), autant les 2 axes maintenus –outre qu'on peut en faire des auberges espagnoles- pourraient se contenter de redites3. 2- Une chercheure contractuelle, et qui ne l'a jamais été en tant que titulaire, en a exclu trois qui ont été titulaires (enseignants-chercheurs ou chercheurs). En retraite depuis plus de dix ans et n'étant chercheure que dans une vie post-retraite, elle a exclu des chercheures qui ont moins de la moitié de son âge et qui se destinaient à toute une vie dans la recherche. Le pire est qu'avant le dépôt de ce projet, nous avons tous (au CRASC) entendu dire que, commençant à sentir le poids de l'âge, elle ne renouvellerait pas son contrat de travail. Mais, maintenant que l'ex Directrice a tenu à la garder auprès d'elle, Mme B semble avoir rajeuni à un point où elle peut cumuler deux activités salariées aussi prenantes que conseiller la Ministre d'un secteur particulièrement gros et diriger une équipe de recherche (démunie de toute expérience) sur un thèmeaussi important que ‘'Image de l'école et décrochage scolaire''. Rajeunir au point de trouver, à 70 ans, la force de vivre entre deux bureaux séparés de plus de quatre cents kms. Après avoir exécuté l'ordre m'éliminer, alors qu'elle m'avait presque harcelée pour travailler avec elle, elle aurait dû (à 70 ans) m'en informer. Au moins, je n'aurais pas perdu plus de temps et serais revenue à mes travaux personnels. A l'inverse, elle m'a fuie et est allée, vu l'aveuglante volonté de m'éloigner du CRASC, jusqu'à exclure deux autres collègues (associées). Comble, le projet est en psychopédagogie et j'étais la seule psychopédagogue du groupe (ancien et nouveau). Sans nul diplôme en psychopédagogie et en ne dirigeant que des diplômés en langue, Mme B va conduire un projet en psychopédagogie. Certes, on casse des œufs pour faire une omelette et on peut finir par briller dans une discipline où on n'a nul diplôme. Mais Mme B est trop en post-retraite4pour avoir l'âge de se faire la main et de réaliser, dans le futur, de belles études dans le domaine5. Les autres membres sont trop jeunes, pour être productifs dans un domaine aussi éloigné de leur formation. Et un projet de recherche coute de l'argent, dans un pays qui commence à contempler le spectre de l'après-pétrole. Si elle ose dire que ‘'l'image de l'école et le décrochage scolaire » relève moins de psychopédagogie que de didactique des disciplines, elle cultiverait l'art de l'amalgame jusqu'à confondre le sujet apprenant avec l'objet de l'apprentissage. Autant il s'agit de psychopédagogie, autant la didactique y est seconde. Or, autant Mme B est didacticienne (DEA et doctorat), autant je suis psychopédagogue (licence, magister et doctorat en voie definalisation6). Ensuite, autant mes travaux de soutenance sont directement liés au thème du projet, autant les siens en sont à mille lieux. Enfin, sur le même thème, alors que j'ai une publication en cours, des enquêtes de terrain, trois communications et une que je devais faire en France (et qu'on m'a empêchée de faire), je ne vois rien dans ses travaux. Pourtant, autant j'entame ma carrière, autant elle est en fin de la sienne, et autant elle a eu de grandes facilités institutionnelles pour communiquer et publier, autant j'en ai été privée. C'est en conscience de tout ceci (et d'autre chose) qu'elle m'a presque harcelée. Après avoir senti le besoin d'une retraite absolue, elle a vu le moyen de lancer un projet qu'elle allait diriger sans trop d'effort : moyen de justifier le renouvellement de son contrat (salarié), de continuer à voyager à l'étranger et d'ajouter à sa carrière une nouvelle étude et, surtout, une étude (+ publication) très différente de ce qu'elle a déjà fait. Qu'après ceci, elle ait fini par m'exclure, sans le moindre scrupule, importe peu ; les intérêts en jeu sont plus forts que la qualité de l'étude projetée. Et puis, n'est-ce pas que les recherches les mieux conduites, chez nous, côtoient (sans nulle distinction) les pires ? Maintenant si les lecteurs, qui auront l'amabilité de me lire, demandent le pourquoi de cette exclusion6, qu'ils me permettent de me limiter à ceci : Implorons Le Tout-Puissant afin qu'un jour, dans notre pays, enfin priés de se retirer dans les salons privés, Ahali altika finissent par libérer nos institutions publiques, et rêvons d'un jour où Ahli almaarifa reprennent leurs droits naturels, au moins dans le secteur de la recherche. Tlemsani Fatima 1. Mme B savait de quoi elle parlait, elle qui, sans jamais avoir été chercheure (ou universitaire) titulaire, a tellement voyagé. 2. Même l'exclusion des 2 autres associées, cad l'ajout de «L'équipe est constituée uniquement de permanents», a été causée par la volonté de m'exclure. 3. Mon axe était ‘Déterminisme du bien-être à l'école (versus mal-être) sur l'accrochage (versus décrochage) des élèves'. Les 2 axes maintenus sont ‘Difficultés scolaires' et ‘Absentéisme scolaire'. 4. En plus du fait qu'à 70 ans elle est nommée conseillère de Ministre et qu'elle va vivre entre 2 bureaux séparés de plus de 400 kms. 5. Je ne juge pas les compétences de Mme B, dans sa spécialité. Je ne me le permettrai pas. 6. Toutefois, le seul bon souvenir que je garde du CRASC est le fait d'avoir rencontré des collègues que j'aurais aimé avoir le temps de connaitre plus et des collègues avec lesquels j'ai entamé un début de relation amicale qui, inchallah, ira en se renforçant.