Le ministre de l'Intérieur installe Kamel Berkane en tant que nouveau wali    Loin de ses potentialités, l'Afrique doit améliorer sa gouvernance    Le Pnud appelle à des investissements à long terme    Sous-traitance, pièce de rechange & ateliers de proximité    Lancement d'une caravane de solidarité en faveur des habitants de Ghaza    La CIJ permet à l'UA de prendre part à une procédure consultative concernant les obligations de l'entité sioniste    Décès de deux personnes asphyxiées par le monoxyde de carbonne    L'usine de dessalement d'eau de mer de Cap Blanc, une réponse aux défis hydriques de la région    Les voleurs de câbles de cuivre neutralisés    La destruction de la propriété collective    Présentation d'un florilège de nouvelles publications    Championnat national hivernal d'athlétisme : Nouveau record pour Bendjemaâ    La nouvelle FAF veut du nouveau dans le huis clos    Eliminatoires CAN féminine 2026 : Entraînement tactique pour les Vertes    Activités artistiques et expositions en février à Alger    Réception de la majorité des projets «fin 2025 et en 2026»    Judo / Open Africain d'Alger : large domination des judokas algériens    Athlétisme / Championnat national hivernal 2025 : nouveau record d'Algérie pour Souad Azzi    Chargé par le président de la République, M. Rebiga participe à Managua à la cérémonie d'investiture du Commandant en chef de l'Armée du Nicaragua    Olympiades nationales du calcul mental à Ouled Djellal : 1ère place pour Zineb Ayeche de M'sila chez les séniors    Le président de la République procède à l'inauguration de l'usine de dessalement de l'eau de mer "Fouka 2" dans la wilaya de Tipasa    Le RND salue les réalisations économiques et sociales de l'Algérie nouvelle    Foot/ Ligue 1 Mobilis (17e J) PAC-MCA : le "Doyen" pour creuser l'écart en tête    Transport aérien: Sayoud met en avant les efforts pour le renforcement de la sécurité de l'aviation civile    APN : une délégation parlementaire en visite officielle en République de Serbie    Pluies orageuses sur plusieurs wilayas à partir de samedi soir    La Protection civile organise à Djanet une manœuvre en milieux sahariens périlleux    Bataille de Foughala à Batna: le jour où la bravoure des moudjahidine a brisé le siège de l'armée française    Boughali reçu au Caire par le président du Parlement arabe    Rebiga à Managua pour participer à la cérémonie d'installation du Commandant en chef de l'Armée et du Commandant général de la police du Nicaragua    Cisjordanie occupée: l'agression sioniste contre la ville de Jénine et son camp se poursuit pour le 33e jour consécutif    L'ONU exprime sa préoccupation face à la poursuite de l'agression sioniste en Cisjordanie occupée    Un Bastion de l'Élite    Les candidats appelés à respecter l'éthique des pratiques politiques    Journée nationale de la Casbah: activités artistiques et expositions en février à Alger    Réception de la majorité des projets de réhabilitation de la Casbah "fin 2025 et en 2026"        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Cette « élite » qui handicape la Tunisie
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 09 - 11 - 2014

Les hommes dont la fonction est de défendre les valeurs éternelles et désintéressées, comme la justice et la raison, et que j'appelle les clercs, ont trahi cette fonction au profit d'intérêts pratiques.Julien Benda – "La trahison des clercs" (1927)
Il nous aura fallu trois interminables années pour parachever la nouvelle Constitution et organiser des élections libres, censées favoriser une stabilité politique propre à rassurer les marchés et les agences de notation. On était supposés ainsi mettre sur les rails la Tunisie de demain; Une Tunisie qui sortirait enfin du rang des cancres de l'économie mondiale; un rang injustement maintenu par 55 ans de dictature. Une Tunisie qui profiterait de son infrastructure, de son potentiel en ressources humaines et de sa position géographique stratégique, pour jouer un rôle majeur en méditerranée et rejoindre enfin les économies émergentes.
Cette Tunisie dont on rêve, celle de la justice sociale, de l'accès aux opportunités économiques et de la redistribution équitable des richesses, qui permettrait aux citoyens de bénéficier d'un pouvoir d'achat digne et qui contribuerait à endiguer la corruption et la contrebande. Une Tunisie où les entreprises cesseraient de jouer le rôle de sous-traitants ou d'assembleurs pour les grandes marques multinationales, et exporteraient enfin des produits à haute valeur ajoutée qui s'imposent sur le marché international sous un solide label « Made in Tunisia ». Une Tunisie qui prioriserait les investissements sur la recherche scientifique, les programmes de recherche et de développement, la technologie numérique, l'ingénierie des systèmes d'information, les télécoms...etc.
Guidés par la peur et non pas par l'espoir
On était supposés entamer la marche "en avant toutes" vers cette Tunisie là, mais notre « élite » en a décidé autrement. Elle a mené campagne pour un « vote utile » en faveur des nostalgiques d'un passé où régnait l'ordre et la sécurité, portée par les médias dominants; ces mêmes médias qui ont éjecté de leur champ le discours avant-gardiste de nombreux penseurs, hommes et femmes de compétence dont regorge la Tunisie. Et cette campagne a eu son écho parmi les électeurs, un écho facilité par l'ambiance anxiogène qui régnait dans le pays suite à l'opération sécuritaire menée à Oued Ellil. Comme au bon vieux temps, on s'est servi de la peur de l'intégrisme pour promouvoir un tour de vis sécuritaire.
On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec ce que Julien Benda dénonçait chez les « collabos » de la France de vichy, qui avaient préféré la capitulation de la France face à l'Allemagne hitlérienne plutôt qu'une France démocratique où leurs adversaires politiques gagneraient les élections, il écrit notamment :
L'un est leur mobilisation au nom de l'ordre, laquelle s'est traduite chez les clercs français par leurs assauts contre la démocratie, celle-ci étant posée par eux comme l'emblème du désordre [...] l'aveu que mieux valait la défaite de la France que le maintien du système abhorré. La trahison des clercs.
A travers le concept du vote utile, l'« intelligentsia » a donc réussi à restaurer la philosophie du « khobzisme » qui considère que la principale finalité d'un engagement social ou politique réside dans la recherche d'une sécurité matérielle; une mentalité qui a engendré le silence et la soumission durant la plus sombre période de notre histoire. Non seulement notre « élite » avait fermé les yeux sur les tortures, les disparitions forcées, les viols, les exactions et les répressions subies par ses compatriotes de divers horizons : islamistes, gauchistes, syndicalistes, féministes...etc.; mais elle s'est également compromise avec la dictature à un point tel, qu'elle a appelé Ben Ali à briguer un sixième mandat (l' « Appel des mille »), afin de maintenir en place le système qui leur garantissait des positions privilégiées.
Alors qu'on ne s'y trompe pas, notre chère « élite » bienveillante est bien plus portée sur la préservation d'un statut quo socio-économique, que sur la restauration de l'ordre et de la sécurité. En effet, nombre d'entre eux sont des affairistes bénéficiant de positions confortables dans l'administration ou dans le secteur privé. Un secteur privé dominé par des groupes et des holdings jouissant d'une situation de quasi-monopole dans les différents secteurs de l'économie et détenus par les familles proches de l'ancien régime. Selon le rapport de la banque mondiale, les sociétés privilégiées de ces affairistes faisaient, aux dépens de tous, des bénéfices avoisinant 21% des profits de l'ensemble du secteur privé, tandis qu'elles n'offraient que 1% du total des emplois. Cette « élite » a donc la nostalgie d'une politique économique qui profitait au petit nombre excluant la majorité. Alors pourquoi changer de modèle économique ? Pourquoi mettre fin à l'exclusion et instaurer un système basé sur l'égalité des chances ? Ces "hordes sauvages" n'en sont pas dignes!
On sait maintenant pour quelle raison nos « intellectuels » n'ont pas mené de débats de fond sur les programmes électoraux et sur les réformes prioritaires à mener dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de la banque, des médias, de l'administration et de la justice. On sait pour quelle raison ils ont zappé du débat tous les sujets qui ont préoccupé nos concitoyens ces trois dernières années, à savoir la propreté des rues, l'inflation, la dégradation du pouvoir d'achat et la contrebande. On sait pour quelle raison on n'a parlé que de la restauration de l'ordre, de la sécurité et du "prestige" de l'Etat.
Maintenir le peuple sous anesthésie, cultiver la paresse intellectuelle et occuper les esprits par les débats partisans stériles: « Vous êtes dans mon camp ou dans le camp de l'ennemi ? » est leur mot d'ordre.
Mais quel héritage a laissé cette « élite » aux générations futures ? Un modèle de société basé sur une Tunisie à deux vitesses, où la capitale et les villes côtières bénéficient du développement grâce à l'appui discriminant de l'Etat. Le reste du pays restant figé en son état de l'ère de l'indépendance.
Notre Notre « Nokhba »* a contribué à instaurer une médiocratie où règnent l'interventionnisme et le clientélisme, où la seule façon d'être promu est l'allégeance, la délation et le clientélisme. Un système qui a permis à de vrais incompétents de se retrouver dans des postes de direction dans l'administration ou les entreprises publiques. Un système avec une économie dominée par des géants nationaux, incapables de s'exporter, car ne pouvant être concurrentiels sans les privilèges et les passe-droits. Un système où le SMIC est une véritable insulte aux ouvriers, lorsqu'on connait les bénéfices engrangés par les entreprises. Un système avec des écarts de rémunération surréalistes entre un salarié et son PDG.
Cette médiocratie a eu pour conséquence la fuite massive des cerveaux vers des pays ou leurs compétences étaient valorisées et où ils étaient payés à leur juste valeur. Elle a également engendré la tragédie des « harragas » qui ont perdu tout espoir de vivre dignement chez eux et qui émigrent clandestinement vers des pays où ils pensent trouver une chance de gagner leur vie de façon décente.
Comme le dit si bien Goethe, « Ceux qui ne connaissent pas leur histoire, sont condamnés à la revivre».
Le tragique dans cette situation, c'est que nos « intellos » connaissent très bien notre histoire. Ils n'ont cependant jamais étés emballés par la révolution du jasmin. Cette révolution qui a enchanté le monde par son civisme et qui a déclenché un vent de liberté suivi d'une remise en question du modèle de gouvernance dans l'ensemble du monde arabe, un monde anesthésié par la dictature et le sous-développement.
Notre « élite » ne s'est pas cachée de son mécontentement du bouleversement de l'ordre établi. Elle se contenterait bien de revivre un sous-développement douillet. Elle n'est pas favorable à la démocratie, même si elle s'en réclame, car la démocratie n'est pas propice à ses affaires.
Mhamed Mestiri.
—–
* « Nokhba » : élite.
* facebook
* twitter
* google+


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.