La rente pétrolière en Algérie a constitué plus un facteur d'inhibition plutôt qu'autre chose. Inhibition à tous les niveaux. Dès lors que l'on avait la certitude de percevoir chaque année un chèque provenant de cette ressource fossile et non renouvelable, chaque algérien, dans son petit coin, s'est mis à croire à la providence et il pensait que nous étions totalement immunisés contre un éventuel retournement de la situation. Depuis la nationalisation des hydrocarbures en 1973, chaque goutte de pétrole extraite de notre sous-sol n'a été en fait qu'une goutte de poison qui a été distillée dans l'esprit de chacun de nous. Au niveau de chaque strate de la société, cette goutte a, d'une manière subtile, façonné les algériens que nous sommes devenus aujourd'hui. Pour mieux comprendre l'ampleur des dégâts causés à la société algérienne, deux paramètres, agrégats économiques fiables, peuvent nous aider à apporter un fidèle diagnostic de la situation, il s'agit du salaire de base et du dinar qui peuvent nous offrir une image instantanée du désastre : A : Les effets directs : A.1/ L'augmentation draconienne des salaires : Du fait de cette manne céleste, les budgétivores des gouvernements qui se sont succédés, n'ont pas fait la part des choses et se sont révélés cigales plutôt que fourmis. Une illustration : Je me souviens qu'en 1975, je percevais comme salaire mensuel 1400 dinars !… Le salaire de base d'un ingénieur en 2014 est de 35000 dinars !… Le salaire de 1975 ne représente que 4% du salaire de 2014 !… Rien ne justifie une telle augmentation. En Europe par exemple le salaire du mois précédant la retraite ne peut être, au meilleur des cas, qu'à peine le double du premier salaire !… 100% d'augmentation à l'issue d'une longue carrière de 40 ans peut à la limite se justifier. L'augmentation en Algérie a été tout de même de 3200 % !… A.2/ La chute drastique du dinar : En 1975, on pouvait échanger un dinar contre 1,8 franc français. En 2014, il faut 160 dinars pour un €uro qui lui vaut 6,55 francs !… Ce n'est pas une chute, ce n'est pas un affaissement, c'est juste effondrement inéluctable. B.1/ L'évolution insidieuse du comportement de l'Algérien : Du fait de cette fausse idée que rien en pourra venir perturber nos revenus, chaque algérien s'est mis à vouloir s'acquérir sa goutte de pétrole. Bien sûr, chacun dans son coin a pu se constituer, soit un trésor à l'étranger..., soit une parcelle de ce pouvoir, à l'image de ces jeunes qui s'accaparent des pans entiers des trottoirs algériens pour les transformer en parkings... B.2 / La notion du travail a été largement galvaudée : Du fait de ce confort matériel qui nous est offert sans contrepartie, sans valeur ajoutée, le travail en tant que facteur de production a perdu toute son essence. On peut le constater à divers niveaux de la société. Le fellah qui rechigne au travail de la terre, le fonctionnaire qui méprise les usagers, le service public galvaudé et un incivisme qui est devenu la règle. Et chacun de nous, peut apporter son grain au débat en citant des situations découlant directement de ce confort virtuel qu'est devenue la rente pétrolière. Juste pour conclure, si Jean de la Fontaine a conclu ainsi sa fable : « Je chantais, ne vous déplaise. Vous chantiez ? j'en suis fort aise : Et bien ! dansez maintenant. » Je me permets, en guise de conclusion, cette digression : « Durant quarante ans, vous avez mangé votre pétrole, Et bien maintenant, préparez-vous à comptez vos casseroles !… »