La loi de finances 2012 est entrée en application le 1er janvier de l'année en cours dans un contexte d'incertitude sur les effets de la crise de la dette européenne sur l'économie nationale. Paradoxalement, le budget 2012 enregistre une croissance très importante des dépenses de fonctionnement, du fait des augmentations de salaires liées à une réponse des pouvoirs publics à un large mouvement de contestation sociale ainsi que des charges liées à l'exploitation de nouvelles infrastructures. En d'autres termes, le trou du Trésor pour l'exercice en cours est énorme. Une situation inquiétante quand on sait que les recettes fiscales pétrolières ne parviennent pas à couvrir, et de loin, les dépenses de fonctionnement. Encore une fois, l'Etat aura recours au Fonds de régulation pour combler le déficit du Trésor. En fait, l'aisance financière de l'Algérie aujourd'hui masque des difficultés structurelles : une très forte dépendance à l'égard des fluctuations des cours du pétrole et une incapacité à appréhender l'assiette fiscale. Encore une fois, ce sont les salariés et les producteurs qui paieront plus d'impôts à l'état en 2012. Une bonne partie des circuits de l'importation et de l'informel échappera au fisc… C'est devenu une tendance structurelle de la fiscalité en Algérie depuis au moins les années 1990. À cette allure, dans moins de temps qu'on ne l'imagine, l'Algérie se trouvera au pied du mur si les choses ne bougent pas et si la récession en Europe s'installe dans la durée. Autre tendance structurelle : l'absence de transparence dans l'affectation et l'utilisation des dépenses publiques. L'exercice 2012 ne dérogera pas à cette règle. Cette attitude des pouvoirs publics est à l'origine du gaspillage record des deniers publics : plus de 100 milliards de dollars sont réservés à l'achèvement des chantiers qui devaient être bouclés en 2009 et qui le seront au cours du plan quinquennal 2010-2014. Alors que nos gouvernants ont lancé des réformes en 2011 pour ancrer la démocratie en Algérie, aucun point de situation sur ces colossaux restants à réaliser, les causes des réévaluations et les remèdes à ces situations n'ont pas été présentés à l'opinion publique. Pour ne pas révéler, peut-être, aux contribuables l'incurie actuelle dans la gestion des projets publics. En tout état de cause, l'évaluation des politiques publiques ne fait pas partie, loin s'en faut, de l'orthodoxie financière, prônée par les pouvoirs publics. Il faut reconnaître, cependant, des avancées liées à ces dépenses : en particulier un contrôle plus rigoureux mais encore insuffisant dans la maîtrise des projets, une amélioration de l'approvisionnement en eau de la population, la mise en service de grandes infrastructures de transport et une augmentation des livraisons de logements sans toutefois régler le problème sensible de leur distribution. Mais à quel prix sont réalisés ces progrès : de longs retards, des rallonges colossales, un impact sur la population beaucoup moindre. Cette opacité ne règle pas en tout cas les choses. En raison d'un management des projets déficients, maints projets sont achevés, faute d'avoir respecté les règles de qualité. Du coup, dans bien des cas, la modernisation des infrastructures est en deçà des attentes de la population. L'absence de transparence arrange plutôt les rentes de situation, le confort intellectuel de certains ministres qui ne sont guère évalués sur la gestion de leur secteur. Qu'on soit bon ou mauvais ministre, peu importe. Le pouvoir ferme les yeux. Tant qu'on est loin d'un état de droit où chaque responsable est comptable de ses actions auprès des contribuables, cette logique peut perdurer. Mais jusqu'où ira l'Algérie avec cette dangereuse dérive ? Au Printemps arabe ? K. R.