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A FONDS PERDUS
Perdants � tous les coups Par Ammar Belhimer [email protected]
Publié dans Le Soir d'Algérie le 20 - 11 - 2007

L�Alg�rie profite-t-elle de l�embellie p�troli�re (un atout), m�me en subissant le contrecoup d�un rench�rissement relatif de l�euro ? La r�ponse coulerait de source pour un pays dont les exportations et les r�serves de change sont libell�es en dollars et les importations r�gl�es pour l�essentiel en euro (sa mauvaise carte). Mais rien n�est moins s�r. Dans cette �quation simple, l��volution pr�visible de chacun de ces deux param�tres commande la consistance des r�serves de change et, au-del�, les �quilibres macro�conomiques � venir. Or, pour nous, rien n�est aussi �vident.
L�Alg�rie est un pays atypique � plus d�un titre. La preuve par neuf. Un atout, le p�trole cher ? La r�ponse est paradoxalement plus �vidente pour les consommateurs que pour des producteurs d�une race �conomique particuli�re comme la n�tre. Qu�on en juge ! Depuis le d�but de l'ann�e, le baril d�or noir s'est envol� de pr�s de 60 % pour fr�ler les 100 dollars. Un niveau probablement exceptionnel et peu durable, mais qui indique n�anmoins une tendance lourde : les cours devraient s'installer dans une zone de prix assez �lev�e. Des projections cr�dibles l��tablissent autour de 70 dollars pour 2008. Plusieurs facteurs objectifs l�indiquent. La poursuite de la croissance �conomique, avec m�me une surchauffe en Chine, v�ritable �ponge de p�trole, maintient la demande � des niveaux jamais atteints qui rend les raffineries globalement sous capacitaires partout dans le monde. Les al�as climatiques, le jeu sp�culatif des fonds de pension (la sp�culation compte pour 20 � 24 dollars par baril dans la r�cente hausse), l�aggravation des tensions g�opolitiques dans les r�gions productrices (Iran, Irak, Russie) contribuent � rench�rir le p�trole. La r�action des �consommateurs� reste paradoxale pour le commun des mortels. Les gouvernements, les industriels, les banquiers, et m�me l�opinion publique, occidentaux ne semblent gu�re pr�occup�s. Bien au contraire. Pour spectaculaire qu�elle soit en valeur absolue, la facture p�troli�re leur est nettement supportable, voire m�me profitable, en dollars constants, compte tenu de la d�pr�ciation constante de la devise am�ricaine : la hausse de la monnaie europ�enne a ainsi amorti la moiti� de l'augmentation de la facture p�troli�re. Par ailleurs, la faiblesse des taux d'int�r�t (la bulle immobili�re y participe) et le recyclage des exc�dents (p�trodollars) entretiennent la croissance occidentale, en d�pit de l�av�nement de certaines poches de pauvret� dans des secteurs fortement tributaires du gasoil (p�che et transport routier). Autre avantage, psychologique cette fois, le rench�rissement des produits p�troliers stimule les innovations afin d'am�liorer les rendements �nerg�tiques et r�habilite les �nergies moins polluantes (nucl�aire, �olien, biocarburants, etc.), contribuant par cons�quent � la pr�servation de la plan�te. EDF, par exemple, profite d'un �baril d'�lectricit� nucl�aire � � 36 dollars gr�ce aux retomb�es du p�trole avec un regain d'int�r�t pour le nucl�aire qui permet � l'op�rateur fran�ais, num�ro un mondial, de vendre d�j� son savoir-faire en Chine, aux Etats-Unis, et bient�t en Grande- Bretagne ou en Afrique du Sud. Qu�en est-il c�t� producteurs ? Th�saurisation et financements discr�tionnaires caract�risent la gestion des ressources nationales. Ce qui n�est pas en r�serve (quelque 50 milliards de dollars) ou en placements en bons du tr�sor US (43 milliards de dollars) est affect� � l��conomie dans une direction qui n�ob�it encore � aucune transparence. Le dernier bilan trimestriel de la Banque d�Alg�rie chiffre les cr�dits � l'�conomie pour un montant de 2 010,2 milliards de dinars, durant les six premiers mois de 2007, dont 1 125,6 (soit 55,99%) pour le secteur priv� Pr�carit� de l�emploi, baisse du pouvoir d�achat, �rosion de la couverture sociale, peur de l�avenir sont le lot de millions de citoyens dont les r�actions sont inhib�es par la conviction d��tre des �privil�gi�s� juste parce qu�ils per�oivent un salaire de mis�re. Ainsi donc, le p�trole n�a besoin ni de march�, ni de d�mocratie pour trouver son compte, pourrait-on dire. Il est m�me antinomique avec l�un, parce que c�est un don du ciel, et avec l�autre, parce que, comme toute rente, son appropriation est toujours arbitraire. Il reste � mesurer le param�tre mon�taire. Une mal�diction, et pour qui, le dollar faible ? Il n�est un secret pour personne que la baisse du dollar p�nalise les op�rateurs alg�riens. Sa d�pr�ciation alourdit la facture globale des importations de notre pays. Selon les chiffres du Forum des chefs d�entreprises, la d�pr�ciation de 33% du dollar par rapport � l�euro entre 2002 et 2006 a fait augmenter de 14,4% la facture globale des importations alg�riennes. Sur cette p�riode, les importations de l�Alg�rie ont presque doubl�, passant de 12 milliards de dollars en 2002 � 21,5 milliards en 2006. Une hausse des achats qui a aggrav� la situation surtout que les importations �sont pay�es en euros dans une proportion qui fluctue entre 55 et 58%. Le cash est le mode de paiement pr�dominant (pr�s de 83%), suivi des lignes de cr�dit pour pr�s de 12%, les comptes devises propres et les autres modes de paiement repr�sentent pr�s de 5 %�, selon la m�me source. Les biens de consommation alimentaire sont en hausse de 10%, les biens d��quipements et les biens de consommation interm�diaire (destin�s � l�outil de production) ont connu respectivement des hausses de 15 et 15,5%. La facture des biens de consommation non alimentaire est en hausse de 16,3%. Au-del� du constat, rien n�est fait pour enrayer cette h�morragie des taux des changes. Or, tout indique qu�elle sera durable, faute d�int�r�t direct des d�cideurs � le faire, alors que des strat�gies de protection ont �t� mises en �uvre ailleurs. L��rosion du pouvoir d�achat du dollar, la v�ritable monnaie nationale d�une �conomie extravertie et d�pendante comme la n�tre, est pourtant inscrite dans l'agenda de la politique �conomique internationale depuis de nombreuses ann�es. Au plus haut niveau, c'est-�-dire dans les instances du G7 Finances (rassemblant les ministres des Finances et les gouverneurs de Banque centrale des sept pays les plus industrialis�s), mais aussi au sein du Fonds mon�taire international (FMI). Toutes ces instances, qui sont les vrais ma�tres du monde, veillent comme � la prunelle de leurs yeux � la r�organisation �ordonn�e � des taux de change. Une orientation qui trouve son explication du c�t� des d�s�quilibres des balances des paiements. Pour faire simple, il s�agit de la fable de la cigale et de la fourmi. C�t� cigale, les Etats-Unis, premi�re puissance �conomique mondiale, vivant au-dessus de leurs moyens, sont port�s par un app�tit de consommation effr�n�. Cette situation se traduit par un d�ficit de leur balance commerciale (de plus de 6% de leur PIB en 2006, selon le FMI). Un fait sans pr�c�dent. C�t� fourmi, les pays asiatiques, Japon et Chine en particulier, les pays exportateurs de p�trole et la Russie, avec des exc�dents commerciaux japonais tr�s au-dessus de leur PIB. La zone euro, pour sa part, affiche des �changes �quilibr�s qui font dire au FMI et au G7 que la monnaie unique europ�enne est correctement �valu�e. Voil� pourquoi un fort recul du dollar restera longtemps n�cessaire pour r�sorber le d�ficit commercial am�ricain. Et la R�serve f�d�rale ne fait pas grand-chose pour l'�viter. En cons�quence, un certain nombre de pays envisagent d'abandonner le dollar pour se pr�server. Bien que la Chine ne l'ait pas encore mis en ex�cution, elle dispose entre ses mains de ce que certains appellent �l'option nucl�aire � : la vente de quelque 400 milliards de dollars de r�serves ou les 1400 milliards de dollars en bons du Tr�sor d�tenus par sa Banque centrale. Il y a quelques jours, parlant devant des d�cideurs de Washington, Yi Gang, le vice-gouverneur de la Banque centrale chinoise, a poliment � comme toujours � indiqu� que le dollar restera n�anmoins un �l�ment important des r�serves chinoises tout en signalant qu'une diversification des r�serves �tait en cours, d�cid�e en fonction des mutations des �changes commerciaux. C�est ce qu�on appelle une gestion active des r�serves. Chez nous, qui s�y frotte meurt.

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