A Jean Glavany, député, ex-membre de l'Observatoire de la Laïcité. Objet : Lyssenkisme socialiste au profit de Kepel Le 24 janvier 2016 Monsieur le Ministre, Dans le Parisien du 23 janvier, vous faites état de votre désaccord avec J. L. Bianco sur la laïcité. Vous y exposez toute sorte d'arguments plus ou moins convaincants. Puis, comme si vous doutiez de la solidité de vos arguments, vous avez cru bon de les « conforter » en vous référant à…Gilles Kepel. N'osant pas dire vous-même que l'islamophobie serait l'invention des…islamistes, vous attribuez cette bouleversante « découverte » à cet essayiste dont l'audience médiatique va de pair avec le scepticisme qu'opposent à sa phraséologie les vrais spécialistes. Ce faisant vous ne faites qu'allonger la liste des polémistes, idéologues et autres politiques utilisateurs de la peur à des fins électorales qui s'abritent derrière les déclarations à l'emporte-pièce de ce islamo-politiste qui est aux études islamiques ce que BHL est à la philosophie. En effet, ces derniers temps, Kepel s'est trouvé appelé à la rescousse par Eric Zemmour, Malika Soral, Claude Guéant et Jean-Marie Le Pen lui-même, quand leurs laborieuses explications deviennent difficiles à suivre. Alors: Le Pen-Zemmour-Glavany-Kepel, même combat? En mars 2012, Le Pen, en accordant de l'importance à une supposition (restée hasardeuse jusqu'à aujourd ‘hui) faite le matin même sur Europe 1 par Kepel, a déclaré que Merah est « un fellagha ». Cela justifia un refus immédiat de l'enterrement de Merah en Algérie, au nom d'une sorte de droit du sous-sol concernant un jeune né et mal éduqué en France… Savez-vous que le mot « islamophobie » fit son apparition dans les années 1890, quand la classe politico-administrative (surtout les coloniaux et les diplomates) se partageait en « islamophiles », « islamojustes » et « islamophobes »? La publication du livre qui a contribué à faire connaître « la nouvelle islamophobie » date du début des années 2000. On doit cette étude à Vincent Geisser, sociologue autrement plus rigoureux et probe que votre médiatique essayiste. Geisser, qui a de la suite dans les idées, vient de publier un compte-rendu signalant une partie des insuffisances scientifiques du dernier livre de Kepel dont vous devriez méditer les conseils qu'il avait prodigués (plus discrètement) à Sarkozy pour les besoins de la campagne de 2012 dont le chef d'orchestre principal s'appelle Patrick Buisson. Est-ce la droitisation de ce qui reste du socialisme français qui permet à ce caméléon de passer de l'aide apportée à la droite de la droite aux conseils donnés à des « socialistes » sur le meilleur moyen de diaboliser les musulmans ? En vous hasardant à ériger Kepel en maître à penser des politiques pressés, qui renoncent à avoir une culture historique comme celle de Mitterrand, vous avez emprunté à cet histrion la plus hasardeuse de ses hypothèses. Qui est contestable que celle de Taguieff sur la prétendue « Judéophobie » qu'il décrète d'attribuer aux seuls jeunes Français musulmans. Michel Wievorka avait relativisé cette affirmation à caractère idéologique sur la base de sérieuses analyses conceptuelles et des enquêtes de terrain, plus réelles que celles revendiquées pompeusement par Kepel, et dont on sait qu'elles sont effectuées par l'administrationspécialisée avec laquelle il collabore, avant d'aller proposer ses services à une officine concurrente, en France ou à l'étranger . Wievorka n'est plus cité par les néo-socialistes. Est-ce parce qu'il avait gardé ses distances avec la gauche caviar pour rester ancré authentiquement à gauche ? Ou à cause de sa proximité avec Martine Aubry ? Ou bien Kepel, qui est fâché avec l'histoire, ne sait pas ce qu'il dit quand il fait croire à l'invention de l'islamophobie par les « islamistes ». Cela paraît possible. Ou bien il se fout du monde, et notamment des députés impressionnés par son verbiage (inspiré de celui de Thomas Diafoirus) . Et cela semble encore plus probable. Si vous vous renseignez sur les inspirateurs de Kepel, vous ne tarderez pas à découvrir qu'il continue l'hostilité à l'Islam et aux musulmans commencée par Bernard Lewis, le maître à penser des néoconservateurs américains dont s'étaient démarqués courageusemet Chirac et Villepin. A la sortie du livre, « Orientalism », dans lequel Edward Saïd démontre avec panache la collusion du premier orientalisme avec le colonialisme, B. Lewis a failli perdre la raison. Il a été jusqu'à accuser E. Saïd, un protestant palestinien, d'être un…Islamiste!!! Selon le fidèle et zélé disciple français de Lewis (qui a nié le génocide arménien juste par attachement à « l'unicité de la Shoa »), Geisser serait donc aussi un islamiste!!! C'est ridicule. La vérité, c'est que Kepel est « un néocon américain domicilié en France », comme disait votre ex-camarade socialiste rallié au sarkozysme et qui doit être en phase avec la politique actuelle, faite d'interventionnismes à l'extérieur qu'accompagne une diabolisation systématique des musulmans à l'intérieur. Pour revenir, à vos chicayas contre Bianco, chacun se souvient qu'il avait la confiance de Mitterrand. C'est lui qui avait été chargé par le président de l'ouverture d'un « espace d'expression scientifique et intellectuelle de l'islam ». L'endroit indiqué pour ouvrir cet espace était la zone concordataire où le droit local permet de financer une faculté de théologie musulmane, à l'instar de la protestante…Mais lpour cause de désaccord avec l'Elysée sur la gestion du culte musulman en France, le ministre (socialiste) de l'Intérieur de l'époque a saboté le projet qui aurait permis aux jeunes musulmans de France d'avoir accès à un enseignement religieux rénové. Le projet, ébruité par une longue interview d'un professeur musulman dans le Monde, a été en partie récupéré par un entreprenant enseignant de ParisVIII, dont les chaouchages dans les milieux politiques le caractérisaient plus que ses travaux de recherche. Comme il avait quitté l'OCI pour le PS, il a su convaincre son camarade (connu chez Lambert) Jospin, alors ministre de l'Education, de créer pour lui « l'Institut Maghreb-Europe » qui, jusqu'à nos jours, fonctionne moins bien que la mini-MJC qui, sous le nom de l'ICI (Institut des Cultures d'Islam), sert au PS parisien à assurer des ressources à des militants que SOS-Racisme privée de ses subventions ne peut plus leur assurer. 20 ans après, à cause de plusieurs ministres socialistes, les jeunes français musulmans continuent d'aller au Yémen, en Syrie ou au Pakistan pour y faire les études sur l'Islam auxquelles ils n'ont toujours pas droit en France, ce pays où on leur signifie qu'ils sont des citoyens à titre temporaire , si l'on en croit le projet de déchéance de la nationalité qui ne concerne pas les terroristes présumés, dont Kepel surestime volontairement la proportion. Ne vaudrait-il pas chercher de ce côté les véritables causes de la « radicalisation », au lieu de reprendre à votre compte les supercheries intellectuelles d'un Kepel? En matière de « radicalisation » (en groupe ou en solo), la responsabilité de ces excellences socialistes n'est-elle pas plus engagée que celle des ministres de la Ville (issus du même parti) à qui il est reproché d'avoir laissé se développer un « apartheid social »? Votre opposition à Bianco et votre citation d'un auteur douteux aident à se souvenir d'une constante de l'histoire contemporaine: à chaque fois que les socialistes gouvernent, ils se paient une crise grave avec l'islam: le Cartel des gauches autorise l'émir Khaled , déjà interdit de séjour en Algérie pour y avoir gagné les élections, à venir à Paris en juillet 1924, mais pour l'expulser définitivement en Orient après sa deuxième conférence, jugée non conforme au politiquement correct de l'époque; en 1936, le Front populaire interdit l'Etoile Nord-Africaine, qui avait pourtant participé activement aux côtés de la (fausse) gauche à la campagne électorale; L. Blum dissout la Commission Interministérielle des Affaires Musulmanes (créée en 1910) et la remplace par le "Haut Comité méditerranéen" juste pour permettre à son camarade Charles-André Julien de noircir sa carte de visite, de participer activement au flicage des immigrés et de combattre l'enseignement de l'arabe par les Oulama; en mai 1945, Le gouverneur socialiste Yves Châtaigneau, dépendant d'Adrien Tixier, ministre socialiste de l'Intérieur, fait croire à une insurrection à Sétif (où il n'y avait qu'une manifestation célébrant la victoire des démocraties) juste pour obtenir de Paris l'autorisation de massacrer à tour de bras. Bilan officiel: 1200 morts,; bilan réel: au moins 30000 morts selon une note confidentielle que le président Hollande aurait dû parcourir pour améliorer ses "éléments de langage" faisant croire à un début de repentance et de dénonciation d'un des plus gros mensonges d'Etat; en 1956, le gouvernement du Front Républicain envoie le contingent en Algérie, détourne "l'avion de Ben Bella" et dépêche les paras à Port saïd; en 1982, Defferre et Mauroy accusent d'"intégrisme", et, même de "chiisme" (sic) des syndicalistes maghrébins très laïcisés, et qui avaient le tort de tarder à substituer la "culture de gouvernement" à la "culture d'opposition";… Si vous continuez à citer un auteur aussi douteux, cela vous fera perdre autant de voix aux élections que le coup de fil de Hollande à Netanyahou pour le féliciter et l'encourager à massacrer les enfants palestiniens. La déclaration de Macron sur « le terreau » pèsera de peu de poids face à cette hémorragie de voix (et pas seulement musulmanes) aux prochaines élections. Vous voyez que tout citoyen (musulman ou pas) bien informé, et moins fâché avec l'histoire que votre Kepel, se sent en phase avec Bianco et en total désaccord avec vous. En espérant vous voir citer à des auteurs plus crédibles et moins malhonnêtes, et en vous promettant d'assurer une large distribution à cette lettre en 2017, nous vous prions d'agréer l'expression de nos sentiments les meilleurs. Le Collectif contre l'usage politicien de la peur de l'Islam