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CRISE FINANCIÈRE MONDIALE – La Sérénité inquiétante de l´Algérie
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 28 - 09 - 2008


29 Septembre 2008
« Tout va très bien, tout va très bien. Pourtant, il faut, il faut que l´on vous dise, On déplore un tout petit rien: Un incident, une bêtise, La mort de votre jument grise, Mais, à part ça, Madame la Marquise Tout va très bien, tout va très bien »….Ray Ventura
A bien des égards, cette chanson décrit bien la situation financière actuelle. La crise économique connaît de nouveaux rebondissements, de nouvelles faillites ayant eu lieu. Utilisant l´argent du contribuable pour combler les pertes, le Trésor américain annonce un plan de 700 milliards de dollars. Mais la crise n´est pas finie. Il y a quinze jours, c´était la crise réelle qui tenait le devant de la scène, avec un monde développé en récession. Désormais, c´est la crise financière qui passe au premier plan. Elle progresse suivant toujours le même axe: l´effet domino, où chaque pièce qui tombe en entraîne une autre à sa suite. » Après Fannie et Freddie, écrit Isaac Joshua, les deux géants du refinancement hypothécaire américain, la banque d´affaires Lehman Brothers ; après Lehman, la compagnie d´assurance n°1 mondial AIG, après AIG, la banque anglaise Hbos, rachetée en catastrophe par la Lloyds TSB. (…) Mais l´effet domino, nous dit Isaac Joshua, a élargi son cercle et concerne de nouveaux acteurs, qui ne sont plus directement liés au marché hypothécaire américain.
La chute de Fannie et Freddie s´explique évidemment par l´effondrement de ce marché. Tel est encore le cas de Lehman, fortement impliqué dans le crédit immobilier aux Etats-Unis. Nous en sommes même arrivés à un effet domino qui anticipe son propre mouvement. Une fois un domino tombé, les acteurs de la finance cherchent quel sera le prochain, persuadés qu´il y en aura un. Chaque fois qu´une victime est désignée, la meute de loups l´entoure, l´isole, fixant sur elle des yeux de braise, attendant qu´elle tombe pour la dépecer, tout en se lamentant sur la crise effroyable. La logique de la crise financière est désormais auto-entretenue ».(1)
« Le plus grave, c´est qu´à côté de l´effet domino, il y a un effet ping-pong, où sphère financière et économie réelle se renvoient la balle.(…) En une dizaine de jours, la probabilité d´une crise mondiale s´est nettement accrue. Mais une autre possibilité est maintenant ouverte: celle d´un effondrement en cascade de l´ensemble du système financier mondial. Et les autorités publiques s´empressent de voler au secours du capital, comme elles l´ont fait avec Fannie et Freddie, puis à nouveau avec AIG.
On nous a longuement et doctement expliqué que les marchés s´équilibraient eux-mêmes, et qu´il ne fallait surtout pas intervenir, ni perturber leur fonctionnement. Mais, dès que le système de profit est menacé, les beaux discours sont jetés aux orties, littéralement piétinés, et il ne reste plus que la réalité toute crue de la défense du fric. Le système capitaliste lui-même n´a-t-il pas démontré sa nocivité, l´effroyable capacité qu´il a d´entraîner avec lui toute l´humanité aux abîmes? Un sursaut s´impose, la contre-offensive doit s´organiser. Il nous faut un nouveau plan d´urgence, un plan d´urgence face à la crise ».(1)
Deux événements majeurs retiennent actuellement l´attention du monde: la crise économique mondiale et l´ouverture de la 63e session de l´Assemblée générale des Nations unies. Rares sont ceux qui ont relevé les interventions d'Evo Morales, président de la Bolivie, de Cristina Fernandez, présidente de l´Argentine, de Luis Ignacio Lula, président du Brésil, d'Antonio Lugo, président du Paraguay et ainsi que celles de nombreux autres représentants de l´Amérique latine, de l´Afrique, de l´Asie et du Moyen-Orient. La grande majorité des intervenants de l´Amérique latine ont fait ressortir que le modèle d´un capitalisme laissé à lui-même avait été la principale cause du sous-développement dont souffre toujours le Continent. Le capitalisme ne peut répondre qu´à des intérêts individuels et corporatifs et c´est hors de sa nature même de répondre aux intérêts du Bien commun des peuples.(2)
« Les objectifs recherchés étaient toujours les mêmes: soutirer le maximum des ressources matérielles, humaines et organisationnelles pour en obtenir » le plus » en payant » le moins « . Mais, voilà que depuis une dizaine d´années, la démocratie a ouvert ses portes à la montée de partis politiques qui veulent en découdre avec ce système qui génère pauvreté et misère pour les uns, richesse et pouvoir pour les autres. (..) Plusieurs intervenants n´ont pas manqué l´occasion de faire ressortir que les grands défenseurs du capitalisme, comme système économique idéal, deviennent, dans le cadre de la présente crise, de véritables socialistes en demandant à l´Etat d´intervenir pour sauver le système de la banqueroute. De mauvaises langues ont parlé d´un socialisme pour les dettes et les déficits et d´un capitalisme pour les profits. Dans le premier cas, c´est le peuple qui s´en charge, dans le second cas, ce sont les maîtres du jeu qui encaissent. C´est ainsi que des centaines de milliards de dollars sortent, comme par magie, des coffres de l´Etat pour renflouer le système. Par contre, lorsque les « socialistes » parlent de mettre des limites au capitalisme en le soumettant aux exigences d´un bien commun comme le partage des terres, le contrôle des richesses naturelles, la santé, l´éducation, l´alimentation, tout cela devient de l´interventionnisme d´Etat, jugé inacceptable et néfaste pour l´économie. Je pense que le discours des présidents de ces nouvelles démocraties montantes éclaire les voies de l´avenir pour les personnes et les peuples à la conquête du respect de leurs droits et de leur dignité (…) Lorsqu´Hugo Chavez, président du Venezuela, parle du socialisme du XXIe siècle ».(2)
Pour bien décrire la situation actuelle Dominique Dhombres parle de hold-up du siècle. « Le contribuable américain doit sauver les banquiers pourris, sinon il lui en cuira! Dobeliou l´a dit devant toutes les chaînes de télévision américaines réunies. C´est très fort. Le citoyen américain a intérêt à régler l´addition laissée par ces voyous de Wall Street. Sinon, il risque de perdre son travail, sa dignité, sa maison, jusqu'à son pantalon (..) Messieurs les parlementaires démocrates, s´il vous plaît, agissez! Vous devez voter dare-dare mon plan d´urgence de 700 milliards de dollars. Si vous traînez, c´est le gouffre. Si vous rechignez, l´horreur. On admirera, au passage, le combat intérieur, digne des plus grands mystiques, dont Dobeliou est la proie ». « Le marché ne fonctionne pas correctement. En fin de compte, notre pays pourrait être confronté à une longue et pénible récession. Chers concitoyens, nous ne devons pas le permettre. » En clair, payez! Il faut, à tout prix, verser fissa la caution de tous ces bandits en élégants costumes à fines rayures qui sont en garde à vue au commissariat du coin. Si vous ne les sortez pas du trou, c´est vous qui y tomberez! Payez, mais payez donc! Le Congrès fait des manières? Il voudrait qu´on en laisse quelques-uns, au trou. Dobeliou approuve! Mais par pitié, messieurs les démocrates, majoritaires au Congrès, payez! payez! (..) Il fallait y penser. Le hold-up du siècle! »(3)
Pour Attac France, M. Sarkozy a développé une analyse en apparence sévère par rapport aux excès les plus visibles du capitalisme financier. Mais, ce qu´il n´a pas dit, c´était que la financiarisation, c´est-à-dire l´enrichissement des riches et la spéculation des institutions financières, était nourrie par toutes les dégradations sociales. Plus profondément, la responsabilité en revient à la logique même du néolibéralisme, c´est-à-dire aux politiques menées depuis trente ans et qui n´ont eu pour résultat que de renforcer l´emprise de la finance sur toutes les sphères de la société et ses corollaires que sont l´explosion des inégalités et la marchandisation du monde. (…) Dans ces conditions, une démarche de rupture qui tirerait les leçons de la crise de ce système devrait remettre en cause toutes les politiques de dégradation sociale appliquées aujourd´hui partout en Europe et dans le monde. Parce qu´aujourd´hui un autre monde n´est pas seulement possible, il est aujourd´hui indispensable.(4)
On sait que l´intervention de George Bush, faite pour rassurer, a eu l´effet contraire. Elle est interprétée comme une preuve que les USA sont au bord du gouffre.
Les pays asiatiques, lourdement chargés de la dette américaine, ne cachent plus leur inquiétude. M.Yu Yongding, ancien conseiller de la Banque centrale chinoise, avertit que » la Chine est très préoccupée par la sécurité de ses actifs « , et met les points sur les I: » Si on veut que la Chine garde son calme, on doit aussi garantir à la Chine que ses actifs sont en sécurité. » M.Yu espère qu´un accord entre les principaux créanciers de l´Asie permette d´éviter que ne s´enclenche une incontrôlable » vente panique » des bons du Trésor US. (…) Un accord est nécessaire afin qu´aucun pays ne se précipite pour vendre, » provoquant un effondrement « , déclare M.Yu.
Le Japon est le plus grand détenteur de bons du Trésor américain, avec 593 milliards de dollars, et la Chine vient en deuxième position avec 519 milliards. Les pays asiatiques détiennent ensemble la moitié sur un total de 2670 milliards de bons du Trésor accumulés hors des USA. La Chine, le Japon, la Corée du Sud et d´autres nations devraient se réunir prochainement pour conclure un accord, estime M.Yu. « Cela serait inhabituel. Mais si on s´aperçoit que les nations asiatiques vendent leurs bons du Trésor, les marchés le prendraient très mal.
C´est quelque chose qu´il faut éviter. « La Chine a tiré une leçon de la crise financière aux Etats-Unis, qui est: « Pourquoi continuons-nous à accumuler ces reconnaissances de dettes si elles peuvent ne pas être honorées? » La stratégie économique chinoise, en mettant l´accent sur la croissance des exportations, a produit des excédents commerciaux qui se sont traduits par l´accumulation de 1810 milliards de dollars sous forme de réserves de change, et cela constitue le principal problème, note M.Yu. Sans appréciation du yuan, la Chine continuera d´accumuler des réserves en devises, ce qui signifie continuer à accumuler » des reconnaissances de dettes des Etats-Unis », déclare M.Yu. « C´est du papier, qui peut ne pas être honoré, et qui ne va pas améliorer le bien-être national de la Chine. »(5)
Mutatis Mutandis avec la Chine -qui, elle, est inquiète-, comment l´Algérie -force tranquille- s´est préparée à cette crise multidimensionnelle et dont les prémisses sont connues depuis plus d´un an avec le feuilleton des subprimes. Il est hors de doute que le peuple doit savoir ce qui est fait de ses deniers. Les élus qui se dépensent tant pour améliorer leur condition sociale devraient, maintenant qu´ils ont extorqué des salaires aussi élevés, faire en sorte de les mériter. Notre gouvernement doit aussi rendre compte par médias lourds interposés et d´une façon didactique aux citoyens que nous sommes et ne pas les traiter de haut d´une façon condescendante. Que deviennent les 130 ou 140 milliards de dollars en bons du Trésor américain dont on sait qu´ils peuvent subir les retombées de cette crise multidimensionnelle? Doit-on se tenir le ventre devant les convulsions du monde et attendre d´une façon inerte que l´orage passe? Il ne passera pas sans dégâts. Il y a, comme nous l´avons écrit plus haut, une remise en cause salutaire du néolibéralisme prédateur. Nous devons plus que jamais serrer les rangs et avoir une économie de guerre qui doit impérativement se substituer à l´économie de bazar et l´économie du conteneur. Il nous faut réapprendre à fabriquer, pour commencer, le fil à couper le beurre- car nous ne savons plus rien faire- seul voie obligée de recherche et de mise en place d´un savoir-faire pérenne. Il nous faut sauver ce qui reste de notre économie et donner un coup d´arrêt à cette couse effrénée vers l´abîme de la privatisation prédatrice qui jette sur le pavé des milliers de travailleurs au nom de la mondialisation qui fait de nous des victimes consentantes du marché. Il nous faut inventer une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l´éviction des grandes féodalités économiques et financières qui n´apportent rien comme valeurs ajoutées. Cela suppose un retour à la nation et des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun. Nous devons imaginer un plan de sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d´existence. Un droit au travail, une sécurité de l´emploi et enfin, un réajustement important des salaires et la garantie d´un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur – en fonction de sa vraie valeur ajoutée et non en fonction d´une quelconque capacité de nuisance,- la sécurité, la dignité et la possibilité d´une vie pleinement humaine. Le monde est en train de découvrir dans la douleur que le marché ne peut et ne doit pas se substituer à l´Etat qui doit, plus que jamais, être présent.
Dans ce cadre, le monde de l´énergie étant ce qu´il est, notamment dans l´irrationalité des prix du pétrole, il paraît inexplicable que l´on continue encore à saigner le sous-sol algérien d´une façon frénétique pour gagner des dollars qui s´effritent à Wall Street. Il faut savoir que les quantités de pétrole vendues ces dernières années, quand le pétrole valait moins de 50 dollars, auraient rapporté deux fois plus de dollars si elles étaient vendues en 2008 avec un prix moyen de 100$. Le pétrole étant de plus en plus rare, la probabilité de découvrir un autre Hassi Messaoud tend vers zéro. Ces mêmes quantités épargnées, vendues dans le futur- au moment où on aura besoin d´un financement bien identifié- nous auraient rapporté beaucoup plus!! Devant les incertitudes du futur, il est nécessaire de jouer la transparence et d´associer le peuple algérien à son destin. Notre meilleure banque c´est – au risque d´être lancinant- notre sous-sol. Les responsables politiques, économiques ne doivent pas se laisser impressionner par l´actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menacent la paix et la démocratie à l´échelle mondiale et qui ciblent en premier les pays vulnérables comme le nôtre. La crise se résorbera car les loups ne se mangent pas entre eux, elle laissera des séquelles, à nous d´être prudents.
(*) Ecole nationale polytechnique
1.Isaac Johsua. http://www.millebabords.org/ spip.php?article9153# forum923. 27.09.2008
2.Oscar Fortin-La fin d´un empire et l´émergence d´un nouveau monde. Alterninfo 26.09.08
3.Dominique Dhombres: Le hold-up du siècle, Le Monde 25.09.08
4.Discours de N.Sarkozy.Communiqué d´Attac France, 25 septembre 2008
5.Kevin Hamlin, Yu Yongding veut prévenir une « vente panique » de bons du Trésor US Bloomberg, 25 septembre 2008 http://contreinfo.info/article. php3?id_article=2199


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