Encore une fois, les média font, en ce qui concerne Yenayer, dans la plus grande des confusions. Et rejoints cette-fois par un pouvoir qui a encore montré ce qu'il a toujours été, inculte et incompétent. Si on peut comprendre ce qui pousse une tendance douteuse, en mal de reconnaissance historique, à se lancer dans une mystification de l'opinion publique, il est pour le moins choquant qu'elle contribue à faire de notre pays la risée du monde entier. Si l'adage bien connu « il faut rendre à César ce qui appartient à César » trouve sa pleine compréhension, c'est bien dans le cas qui nous préoccupe : c'est-à-dire celui de l'établissement du calendrier. C'est en 45 avant Jésus-Christ que Jules César, se basant sur les travaux de l'astronome Sosigène, un grec d'Alexandrie, instaure un nouveau calendrier, qui sera connu sous le nom de calendrier julien, débutant le premier janvier alors que le précédent commençait le premier mars. Le nom du mois de janvier provient du dieu Janus, le dieu aux deux visages regardant dans des directions opposées symbolisant la connaissance du passé et celle de l'avenir. Il a donné son nom au premier mois de l'année car il est aussi le dieu du Commencement. Le nom latin de ce mois est januarius (prononcer yanouarious) – dont la signification est mois de Janus – et a donné le janvier français, le january anglais ou le january (prononcer yanouari) allemand et le yenayer arabe. Nous savons que dans plusieurs langues le j et y sont interchangeables. La réforme julienne fut importante car elle permit de réguler le calendrier en douze mois de longueur presque égale – alors qu'auparavant l'année romaine ne comprenait que dix mois de 30 jours et deux mois de longueur variable d'une année à l'autre selon le bon vouloir du pontifex, l'autorité religieuse suprême romaine- et surtout d'introduire la notion d'année bissextile afin de coller au mieux à la durée de la rotation de la terre autour du soleil, pour permettre le retour des saisons à la même date. Cependant la mauvaise répartition des années bissextiles allait engendrer un décalage – au cours des siècles – par rapport aux saisons. Plus de seize siècles plus tard, en 1582, l'Eglise, en charge de la détermination de la fête chrétienne de Pâques – qui se base sur le calcul lunaire et solaire – décida sous le pape Grégoire XIII de rattraper le retard – calculé par des savants italiens de l'époque – et de corriger les années bissextiles. Mais l'Europe de l'époque était en pleine guerre de religion et l'autorité morale du pape ne s'exerçait que sur les pays catholiques : Empire espagnol, France, Italie et Autriche. Il fallut attendre par exemple 1700 pour que l'Allemagne adopte le calendrier grégorien, du nom du pape qui réforma le calendrier julien. Et ce n'est qu'en 1752 que le Parlement anglais décida de l'adopter aussi en décrétant que le 3 septembre de cette année sera le 14 septembre soit un ajout de 11 jours que nous retrouvons de nos jours entre le premier janvier grégorien et le premier janvier julien qui correspond au 12 janvier grégorien. Les pays d'obédience chrétienne orthodoxe n'abandonnèrent le calendrier julien qu'au XXème siècle : la Russie en 1918 après la révolution bolchevique qui voulait ainsi rompre avec la tradition de l'Eglise orthodoxe, la Grèce en 1923. Dans l'aire romaine qui s'islamisa à partir du VIIème siècle de l'ère chrétienne, comme le Maghreb et le Machrek arabes, c'est le calendrier hégirien qui rythmera dorénavant toutes les manifestations de la vie sociale, économique, politique ou religieuse. Cependant le calendrier hégirien, calendrier lunaire, a laissé subsister dans les campagnes, pour les travaux agricoles, le calendrier julien, calendrier totalement solaire, à tel point qu'il fut appelé El'am el filahi (l'année agricole) ou du nom romain de son premier mois yennayer ou par abréviation nayer. Vous voyez bien que yennayer n'est pas plus berbère qu'il n'est ... zoulou. Quant à la folklorique datation d'une pseudo ère berbère de 2963 après la montée sur le trône d'Egypte d'un Libyen (c'est ainsi que l'histoire dénommait les populations à l'ouest du désert égyptien), demandez à n'importe quel historien de nous donner un seul événement historique daté en fonction de cette ère et sur n'importe quel support (stèle, pierre tombale, omoplate, papyrus ...). Un journaliste, jouant sur le registre de la prudence, a cru déceler que jadis, yenayer a superposé (sic) le nouvel an julien sans se rendre compte de ce qu'il avançait : est ce que cette pseudo célébration existait avant l'occupation romaine de l'Afrique du Nord et que les populations indigènes ont cru bon d'en modifier la date et de s'en remettre au nouveau calendrier de l'occupant ? Alors quelle est sa preuve historique ? Voici un exemple de « superposition » de fête: Rome, au faîte de sa puissance, a brassé beaucoup de peuples mais, par effet de boomerang, les diverse croyances de ces peuples ont été introduites dans l'Empire et parmi elles le culte de Mithra, centre d'une religion à mystères, dieu perse tiré du culte arabe du soleil, Shamash et comme tel était fêté la nuit du 24 au 25 décembre, moment à partir duquel le jour commence à s'allonger et donc où la lumière commence à l'emporter sur les ténèbres. Ce culte resta longtemps vivace en Europe bien après que le christianisme, réussissant à subjuguer l'Empire, soit devenu la religion officielle de Rome. Après des efforts qui durèrent des siècles, l'Eglise, de guerre lasse, décida, pour éliminer le culte de Mithra, de superposer à sa fête, la Nativité et décréta ce jour naissance du Christ pour que cette fête, tout en restant, ait une signification chrétienne. Que le pouvoir veuille célébrer le nouvel an julien, pour affirmer sa colonisabilité envers Rome, il ne peut se cacher derrière la feuille de vigne berbériste L'histoire est chose trop importante pour être manipulée sans précaution. Abderrahman Benamara