«Monsieur Churchill serait-il en train de dormir pendant que je parle?», s'est interrogé un jour un député britannique à l'intérieur de «House of Commons» (la Chambre des Communes du Royaume Uni) «si seulement!» lui répondit rapidement l'intéressé avec diplomatie. Une boutade qui n'a pas tardé à faire rire tous les présents, y compris le député lui-même. En effet, devant celui qui s'écoute parler, on peut être tenté de fermer discrètement les paupières, c'est désobligeant certes, mais c'est bien humain après tout. Sinon dans le cas contraire, mieux vaut quitter carrément les lieux pour ne plus supporter l'insupportable. C'est presque ce qui se passe aujourd'hui chez nous. Depuis le début de la crise, le chef d'Etat-major fait des discours «indirects» à la nation, alternant promesses, mises en garde et menaces, au point de prendre le relais d'un pouvoir politique fragile et illégitime, presque effacé de la scène politique. Aucun écho favorable de la part de la rue n'est parvenu à ses oreilles, à part les grands cris de consternation et de rejet d'une énième mascarade électorale. Rejet aussi d'un système corrompu ayant atteint ses limites, d'une classe politique dépassée par le temps et les événements, de la tutelle des militaires qui fourrent leur nez partout, après avoir été évincés du jeu pendant près de vingt ans, d'une opposition qui ne fait plus le poids devant les professionnels de magouilles, de rentiers au bras long qui infestent les appareils d'Etat et pillent les richesses de la collectivité. En tentant de téléguider de loin un processus révolutionnaire qui lui échappe, le chef d'Etat-major semble jouer le rôle d'un chef d'orchestre qui a la partition de la musique dans la tête, à défaut d'avoir vraiment la tête dans la partition! Perdu dans ses desseins aux tenants obscurs, il cherche maintenant une voie de sortie dans un labyrinthe qu'il a créé lui-même, en osant s'adresser au peuple et s'imposer, au fil des semaines de protesta, comme l'unique interlocuteur d'un système voué aux gémonies par l'ensemble des Algériens. Comment devrait-il faire dorénavant alors que le plafond des revendications populaires monte de semaine en semaine? Il va de soi que tous les messages transmis jusque-là au peuple par l'Etat-major sont estampillés sur l'enveloppe: «retour à l'envoyeur». Preuve en est que ce dernier est déterminé à aller jusqu'au bout dans sa revendication démocratique du changement radical du système de gouvernance et d'une mise à jour de l'Etat face aux défis de la modernité et de la démocratie. Si les Algériens ont pris à bras le corps leur destin devant l'histoire, en serait-il autant pour le chef d'Etat-major et le reste du système? Wait and see! Kamal Guerroua