Les manœuvres de diversion et d'émiettement du front populaire à l'œuvre depuis plusieurs semaines sur les réseaux sociaux et les médias semblent faire long feu. Les manipulations visant à diviser les manifestants sur des bases régionales ou linguistiques ne trouvent pas d'écho au sein du mouvement populaire. Au contraire, plus que jamais, les manifestants sont très nombreux à proclamer l'unité du peuple et réitérer le rejet de tout sectarisme. Les mobilisations extrêmement importantes du 14 juin constituent avant tout un démenti pédagogique à tous ceux qui tablent sur leur usure progressive. La résolution populaire ne faiblit pas, au contraire. Le message est bien sur destiné à ceux qui tentent de réduire, habilement et à moindre frais, la détermination du peuple à se débarrasser de la dictature et à sa volonté de recouvrer les libertés publiques et l'Etat de droit. Il est clair que les incarcérations de personnalités civiles de premier plan du régime issu du coup d'Etat du 11 janvier 1992 ont réjoui l'opinion dans son unanimité. Il est sans doute utile de rappeler au passage qu'Ahmed Ouyahia a occupé des fonctions exécutives dans les années 90, bien avant l'ère Bouteflika, sous la conduite criminelle des janviéristes néolibéraux. Ces hiérarques sont particulièrement détestés par le peuple tant pour leur arrogante malhonnêteté que pour ce qu'ils infligés comme souffrances à toute une société. Pour ce qu'ils représentent aussi en termes de violence sociale, de gabegie, d'arbitraire et d'incompétence. Toutefois, pour spectaculaires – et salutaires – qu'elles soient, ces arrestations n'ont pas eu l'effet psychologique escompté par les centres de décision. D'abord parce ces coupe-jarrets ne forment qu'une partie des coteries délinquantes qui ont dévasté le pays. D'autres courent toujours et ont pignon sur rue. Ensuite, parce que tous ont compris que cette séquence judiciaire a aussi pour but de démobiliser l'opinion. La population, peu disposée à se satisfaire du sacrifice de quelques boucs-émissaires, a occupé plus massivement que jamais ce vendredi les rues des villes sur toute l'étendue du territoire. Le maintien de ce niveau très élevé de mobilisation est un signal clair aux « décideurs » de l'ombre : le peuple ne se satisfera pas de replâtrages ou d'une simple reconfiguration du régime sur des bases un peu moins mafieuses. Des manœuvres et tractations sont en cours, conduites par des officiers de l'état-major, en vue de la formation d'un gouvernement plus présentable que celui bricolé au lendemain des premières manifestations. Ces discussions ne doivent pas aboutir à un pur recyclage de pseudo-opposants ou d'individus écartés des sphères de pouvoir sous le règne des Bouteflika-s, comme cela semble être le cas. Les militaires pour confirmer le sérieux de leurs intentions, doivent nécessairement désigner des interlocuteurs neufs et crédibles en leur sein ou parmi les cercles civils qui peuvent les représenter. Toute amorce de dialogue politique en vue de la transformation politique du pays ne peut être assumée que par des personnalités indépendantes et reconnues comme telles par la population. Le recours à des faux-fuyants pour perpétuer ce quasi-Shogunat sous la conduite duquel l'Algérie continue de se diriger vers des horizons incertains est la pire des options. Les seigneurs de la guerre et les maîtres actuels du temps politique sont tenus de prendre en compte cette réalité : le peuple algérien est engagé résolument dans la voie de la démocratie, il n'en déviera pas.