Rafik Lebdjaoui, Algeria-Watch, 30 juin 2019 Pendant que des millions d'Algérien.nes manifestent depuis le 21 février pacifiquement, réclamant de façon limpide un changement radical du système politique, les laboratoires du régime ne chôment pas. D'un vendredi à l'autre, ils fourbissent leurs stratagèmes pour affaiblir, diviser et ultimement anéantir la révolution populaire. Incapables de se renouveler ou de faire l'effort de l'originalité, les laboratoires usent des mêmes méthodes et du même personnel, sans inspiration nouvelle mais corvéable à merci. En ce 19e vendredi, nous avons effectivement assisté à des scènes étranges. Qu'est-ce qui justifie l'encerclement du siège du RCD, rue Didouche-Mourad à Alger, par un important dispositif des forces de police? Qu'est-ce qui justifie l'arrestation des quelques militants de ce parti ? Le même jour, une vidéo, diffusée sur Facebook, montrait le chef de cette fantomatique organisation; Mohcen Belabbes, manifester quasiment au pas de course à Alger, entouré de quelques militants. La vidéo ressemble étrangement à une mise en scène. Quel est le but de ces images diffusée sur les réseaux sociaux? Veut-on donner à ce parti une certaine notoriété, une crédibilité oppositionnelle et en faire le fer de lance des prochaines séquences politiques annoncées? La question mérite d'être posée. Beaucoup se rappelleront ces scènes des années 90 où Khalida Messaoudi-Toumi, Amara Benyounès et consorts faisaient mine d'affronter la police. On sait ce qu'ils sont devenus et quelle a été leur trajectoire rentière. Qui ne se souvient pas de cette scène loufoque où Said Saadi entouré de ses gardes du corps se faisait arrêter par la police? L'histoire semble se répéter, bégayer, avec les mêmes acteurs, usés et encore moins convaincants. Après avoir été complètement débordé par la révolte populaire, ces dernières semaines, le RCD s'est décidément montré très besogneux. Il a été au centre de ce regroupement appelé l'« Alternative démocratique » en réussissant le douteux exploit d'intégrer dans le jeu Ali Laksri, le soi-disant coordonnateur illégitime et discrédité du FFS. Quel est l'objectif de ce regroupement? Veut-on nous rejouer le film du « pôle démocratique » qui s'opposera au « pôle islamo-nationaliste » des années 90. Une réédition du scénario qui va nous entraîner dans une crise sans fin pour empêcher la réalisation des objectifs de la révolution populaire? Ces animateurs de théâtre d'ombres ont-ils l'intention de perpétuer le faux débat entre partisans d'une élection présidentielle et ceux d'une assemblée constituante désignée en saturant les médias d'interventions aussi massives que fallacieuses? Les jours prochains nous éclaireront sur les intentions des uns et des autres. L'interdiction du port du drapeau amazigh est clairement une provocation pour donner prétexte à la répression. Ce qui fut le cas, plusieurs manifestants ont été brutalement arrêtés et emprisonnés parce qu'ils portaient ce drapeau. L'objectif de cette opération est double : créer une dissension au sein du mouvement populaire d'une part, en convoquant les agents de la division qui saturent les réseaux sociaux, et terroriser les jeunes manifestants d'autre part. On peut imaginer la réaction d'un jeune homme de 20 ou 30 ans devant la possibilité de passer 10 ans de prison pour « atteinte à l'unité nationale ». Le dernier acte de la tentation répressive est l'arrestation indigne du commandant de l'ALN Lakhdar Bouregâa. En touchant à ce symbole authentique de la révolution algérienne du premier novembre, le régime lance un message clair : Nous ne reculerons devant rien pour nous maintenir au pouvoir. Nous ne respectons rien et n'avons aucun tabou, aucune limite. La tentation de la répression est lisible, les hommes du régime sont désemparés et ne savent pas comment mettre un terme à cette révolution populaire qui exaspère. Alors ils passent à la répression, le seul outil qu'ils maîtrisent à la perfection. Ce régime qui dirige le pays d'une main de fer depuis 57 ans refuse d'admettre qu'il doit céder la place parce que le peuple le vomit. Mais devant cette situation inédite où la population unie, solidaire et déterminée, les laboratoires ont usé de leurs vieilles ficelles de charlatanisme politique, entre prestidigitation et hypnotisme. Pendant plusieurs semaines, les discours de Gaid Salah caressaient la population dans le sens du poil pour visiblement l'amadouer et gagner du temps. S'en est suivie une série d'arrestations spectaculaires d'oligarques et d'anciens ministres, dont les malversations étaient connues de tous depuis très longtemps. Voyant que le mouvement populaire persiste dans ses revendications radicales, le régime est tenté de recourir à ce qu'il sait faire de mieux, son unique expertise : la répression. La reconfiguration du régime par élimination de ses branches les plus pourries ne trompe personne. Au contraire, la société entend plus que jamais vivre dans un Etat normal, ou les institutions sont fonctionnelles et les libertés garanties. Aucun aménagement de forme ne saurait suffire. Il doit être clair pour tous que la force tranquille des Algériens et leur détermination n'est pas prête à s'effacer. Aucune manœuvre ne pourra éteindre ce désir de liberté et de droit. La répression servira de deuxième carburateur aux Algériens pour se débarrasser de cette dictature perverse, corrompue et sans aucune once de morale.