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Jean-Pierre Filiu, spécialiste du monde arabe : “En Algérie, Gaid Salah entend rester le maitre du pays”
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 05 - 12 - 2019


https://www.lejdd.fr/International/Maghreb
INTERVIEW – Dans deux semaines, les Algériens devront se choisir un nouveau président. Jean-Pierre Filiu, historien et professeur à Sciences-Po Paris, publie un essai, Algérie, une nouvelle indépendance, dans lequel il raconte comment le pays est parvenu à une impasse.
A 12 jours de l'élection présidentielle algérienne, tout indique que le mouvement de protestation populaire, le Hirak, boycottera massivement ce scrutin. Pour faire comprendre comment on en est arrivé à une telle impasse, le spécialiste du monde arabe et professeur à Sciences-Po Paris Jean-Pierre Filiu publiera jeudi Algérie, une nouvelle indépendance aux Editions du Seuil. En avant-première de cette parution, il revient ici sur les racines de cette confrontation entre la rue et le régime et essaie d'éclairer les pistes de sortie de crise.
Qu'est-ce qui vous a amené à publier ce livre important alors que votre zone de prédilection est davantage le Moyen orient?
J'avais déjà mis l'Algérie en avant dans un essai paru en 2015 Les Arabes, leur destin et le nôtre* sur l'histoire partagée entre les peuples français et arabes. Puis en 2018, dans Généraux, gangsters et djihadistes* j'avais consacré une partie du livre à la “matrice algérienne” des autoritarismes arabes. Cela fait des années que j'associe les soulèvements démocratiques dans le monde arabe à une lutte pour l'autodétermination, lutte contre les régimes qui ont détourné l'indépendance postcoloniale à leur profit exclusif. Et c'est très précisément ce qui se déroule en Algérie depuis le 22 février, avec ces foules qui défilent tous les vendredis (et tous les mardis pour les étudiants) pour reprendre en main leur propre destin. Car l'été 1962 de la libération du colonialisme français fut aussi celui où l'Armée des frontières, venue du Maroc et de la Tunisie, a écrasé la résistance intérieure, jetant les bases du régime militaire toujours en place. Les manifestants exigent aujourd'hui que “l'indépendance du peuple” succède enfin à “l'indépendance du territoire” acquise en 1962.
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Pourquoi dans ce cas, les protestataires n'ont-ils pas structuré leur mouvement pour prendre au mot le régime et se présenter au suffrage?
Tout processus d'émancipation collective prend du temps. La population algérienne s'est redécouverte dans la rue et apprend à vivre ses différences dans une forme inédite d'identité heureuse. Le Hirak, littéralement le “mouvement” de contestation, ne veut pas promettre de grand soir comme s'il allait régler à lui seul tous les problèmes du pays. Les manifestants demandent une authentique transition démocratique, ils ont déjà obtenu la démission de Bouteflika et un premier report des élections. Ils considèrent qu'aucune des conditions d'un scrutin transparent n'existe et que la présidentielle ne vise qu'à restaurer le statu quo. Face à eux, le régime a tombé le masque en la personne du chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah. Alors qu'il n'est officiellement que vice-ministre, ce général s'exprime chaque semaine comme s'il était le véritable maître du pays. Ce qu'il est et entend bien rester, derrière la façade d'un nouveau président élu.
Dans cette situation de blocage, que peut-il donc se passer après le 12 décembre, surtout si l'abstention est massive?
Il faut rappeler que le régime porte l'entière responsabilité de ce blocage. Il a perdu un temps précieux durant les 90 jours d'intérim constitutionnel assuré par Abdelkader Bensalah, le président du Sénat qui a succédé en avril à Bouteflika. Les différentes tendances de l'opposition ont alors mis en avant des propositions de sortie de crise, mais Gaïd Salah a refusé tout geste d'apaisement. C'est ainsi que, depuis la fin en juillet du mandat légal de Bensalah, l'Algérie est sortie du cadre constitutionnel, s'installant dans un Etat de fait plutôt que dans un Etat de droit. Il était dès lors impossible pour le mouvement populaire de participer à cette présidentielle sans cautionner la perpétuation du régime. Mais dans le même temps, les manifestants se sont réappropriés les dates-symboles de l'histoire algérienne : le 5 juillet, fête nationale de l'indépendance, et le 1er novembre, anniversaire du début de la guerre de libération, où ils ont scandé leur refus de ce qu'ils considèrent comme une nouvelle mascarade électorale.
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Comment en sortir et avec quels interlocuteurs?
Il n'y a pas, à mon sens, d'autre solution que de revenir au dialogue et au droit. Les portes sont restées ouvertes du côté de l'opposition, mais la libération des détenus d'opinion doit s'accompagner de la garantie des libertés publiques, à commencer par les libertés de manifestation et d'expression. S'il y a enfin dialogue, je ne doute pas que se coaliseront les mouvements nécessaires pour mandater une délégation, même si le régime a tout fait pour saboter l'esprit collégial des animateurs du Hirak. Tant qu'il n'y aura pas de sincérité dans l'acceptation du régime de dialoguer avec ce mouvement populaire qui a su rester pacifique, civil et citoyen, on ne sortira pas du blocage.
Comment jugez-vous l'attitude officielle de la France au travers de la formule “ni indifférence, ni ingérence”?
Les autorités françaises sont coincées par un régime algérien qui agite en permanence l'épouvantail de l'ingérence néocoloniale. Toute déclaration critique de Paris sur la crise algérienne serait donc contre-productive et je comprends cette forme de prudence officielle. Beaucoup moins en revanche, le silence des intellectuels français, du monde de la culture ou même de la classe politique. Je ne vois pas en quoi s'interroger sereinement sur l'avenir d'un pays si proche de la France pose problème en soi. Ce serait au contraire une occasion extraordinaire de solidarité avec le peuple algérien, qui s'est senti tellement abandonné lors de la décennie noire.
Faites-vous partie de ceux qui veulent rouvrir pour autant le débat “qui tue qui” en Algérie qu'on a connu pendant cette fameuse décennie noire du terrorisme?
Tel n'est pas mon propos. Je souligne, en revanche, que le régime a soldé cette guerre civile par un double processus d'amnistie et d'amnésie. Les islamistes dits “repentis” ont ainsi pu se recycler dans le système, alors que les victimes de la terreur se voyaient opposer un déni de justice. C'est donc une nouvelle forme de violence qui a été imposée par Bouteflika au nom de la “concorde” à une société déjà traumatisée. Mais les jeunes à l'avant-garde du Hirak n'ont pas connu la décennie noire et refusent d'être bridés par les séquelles de cette tragédie. Cela leur permet ainsi d'interroger sans tabou l'histoire de leur pays et de revendiquer l'héritage des véritables héros de la guerre de libération. On disait de ces jeunes qu'ils étaient dépolitisés, mais leur soif d'apprendre, loin de la propagande dont on les a abreuvés, est fascinante.
Existe-t-il selon vous un risque que l'Algérie rebascule malgré tout dans la violence après la présidentielle du 12 décembre?
Je préfère n'envisager que les scénarios optimistes. En outre, si les généraux avaient choisi d'utiliser la force, ils l'auraient fait depuis longtemps. Il ne faut cependant rien exclure. Mais le Hirak a démontré un impressionnant sens des responsabilités, il a prouvé sa capacité à mobiliser pacifiquement des millions de personnes, malgré une montée de la répression destinée à provoquer un dérapage. Le régime a beau se persuader que tout redeviendra comme avant le 13 décembre, il est incapable de sortir seul de la crise. En dépit de la manne pétrolière, il a déjà plongé le pays dans le marasme économique, en décapitant le patronat, remplacé par des administrateurs de l'Etat dans les grandes entreprises.
La crise peut-elle connaitre alors un essoufflement?
Je ne crois pas. La population a compris qu'elle perdra tout le fruit de sa mobilisation si elle relâche la pression. L'Algérie est riche de cadres compétents et patriotes capables de regarder vers l'avenir et non plus dans le rétroviseur. Tout dépend de l'attitude à leur égard du régime. Il faut que Gaïd Salah cesse de verrouiller toute possibilité d'ouverture. Si un dialogue s'enclenche, des partenaires émergeront de façon naturelle et consensuelle afin qu'une dynamique civile finisse par prévaloir.
*Les deux ouvrages aux Editions de la Découverte


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