Nadjib Belhimer https://www.radiom.info/ Mouloud Hamrouche n'a pas pris la peine de communiquer pour expliquer à l'opinion publique les raisons qui l'ont amenées à accepter l'invitation de Abdelmadjid Tebboune et ce qui a été dit lors de la rencontre. La Présidence a publié à ce sujet un communiqué qui ne diffère en rien avec celui diffusé après une rencontre similaire avec Abdelaziz Rahabi alors même que sa visite à la Présidence suscite plus de questions. D'autant que Rahabi a tenu à rendre public un communiqué qui ne se recoupe en rien avec celui de son hôte. Des raisons objectives amènent ceux qui suivent la chose politique à se demander sur la base de quelle évaluation Hamrouche a accepté l'invitation de Tebboune. Sa dernière position connue remonte au 5 octobre dernier quand, debout au seuil de sa maison, il a expliqué à ceux qui étaient venus lui demander d'être candidat aux présidentielles du 12/12 pourquoi il ne peut accepter cette proposition. « Même si j'étais élu demain et que je devienne président de cette manière, je ne pourrai rien faire » avait-il dit résumant sa vision des élections et de la manière d'agir du régime en Algérie. Une vision en cohérence avec ce qu'il avait dit à la veille de la présidentielle de 2014 quand il a refusé de commenter le quatrième mandat sous l'argument que l'élection en Algérie n'est pas un instrument de changement ou d'arbitrage en disant: « si je réponds à votre question, je trahirai l'analyse que j'ai présentée au début de cette conférence ». Un problème de cohérence Aujourd'hui, en décidant de répondre à l'invitation de Tebboune, Mouloud Hamrouche soulève des questions sur la cohérence de sa position avec son analyse qui s'est accomplie de manière sans précédent dans la contribution publiée dans les journaux El Watan et El Khabar du 4 septembre 2019 sous le titre « le système algérien est antinational… » à travers son jugement terrible sur le régime: « Le système algérien n'est pas un modèle et ne ressemble à aucun autre. C'est un non-système appelé système pour indiquer ses complexes négations. C'est un système liberticide, antipolitique, anti-militance, anti-gouvernance, anti-institutions, anti-organisation et antinational« . Sur la base de ce diagnostic, Mouloud Hamrouche a considéré que le Hirak était une opportunité historique pour sauver le pays, protéger l'armée et lancer ce qu'il a appelé le « projet Algérie » dont certains éléments ont été esquissés dans cette contribution. La position de Hamrouche sur les élections du 12/12 s'appuie sur un diagnostic précis qu'il avait détaillé un mois auparavant. A l'opposé en acceptant l'invitation de Tebboune, on peut dire, sans exagération, qu'il trahit l'analyse cohérente qu'il a constamment faite de la situation politique durant les dernières années. Il y a une impossibilité à concilier entre le fait de dire qu'un président élu ne peut rien faire et aller discuter avec un président sur ce qu'il faut faire. Qu'est-ce qui a changé qui fait que se réunir avec Tebboune devienne une opportunité de faire quelque chose? L'objectif du pouvoir: la fin du Hirak Il n'est pas possible de connaître les intentions du pouvoir mais il est possible de lire son comportement à travers les signaux qu'il émet. Ces signaux se reflètent d'abord dans la manière avec laquelle se sont déroulées les élections, ensuite dans la formation du gouvernement et enfin dans la feuille de route qui est mise en oeuvre. Et aussi à travers la persistance du verrouillage politique et médiatique, les atteintes aux libertés. Ces signaux réunis confirment une seule chose: le principal objectif du pouvoir est d'en finir avec la révolution pacifique. Une question pourrait être posée sur le lien de Mouloud Hamrouche avec tout cela? La réponse est que sa responsabilité tient au fait qu'il a déclaré que la poursuite du Hirak pacifique est une garantie pour le pays et une protection pour l'armée. Le calendrier de ces réunions, la manière dont elles sont organisées et annoncées, en font des éléments des efforts du pouvoir pour mettre fin à la révolution pacifique, laquelle subit une offensive sans précédent ciblant le moral des manifestants. Ces rencontres font partie d'une politique de fait accompli et de dépassement de l'impasse de la légitimité consacrée par les élections du 12/12 au lieu de la résoudre. On ne trouve chez le pouvoir aucun acte indiquant qu'il n'est plus « antinational » et que le besoin de la garantie de la révolution pacifique se soit estompé. Il reste une lecture optimiste à laquelle sont attachés ceux qui ont confiance en la pertinence de la vision de Hamrouche au sujet de la situation politique. Ceux-là justifient la rencontre par le fait que l'homme aurait des données sur une évolution dans la position du pouvoir ou dans son centre de gravité. Cette évolution pourrait être liée au changement dans les rôles des personnes influentes. Mais une telle lecture n'est également pas en cohérence avec l'analyse que fait Hamrouche du système politique et qui n'accorde pas une grande importance au rôle des personnes. Oublier l'idée de « l'homme providentiel » Tout cela conduit à penser que la rencontre de lundi pourrait n'être qu'une réponse à une invitation que son destinataire a estimé ne pouvoir refuser, peut-être pour des considérations liées à sa conception de l'Etat et de la position à avoir à l'égard de ses institutions. Mais même cette explication trop simpliste et naïve ne dispense pas d'évaluer le prix payé pour une préservation des formes; Une préservation qui renforce un pouvoir menant le pays vers le pire et qui adresse des faux signaux en direction d'une rue déterminée à résister aux manœuvres destinées à en finir définitivement avec le Hirak et renvoyer le pays à avant le 22 février 2019. En tout état de cause, ce qui se passe à travers ces rencontres confirme une fois de plus que la société est devant l'impératif de devoir dépasser l'idée de « l'homme providentiel » ou de la « personnalité consensuelle » qui pourrait résoudre les problèmes d'un seul coup. Ceux qui marchent dans un processus fondateur chaque semaine, ainsi que l'a dit une fois Hamrouche, doivent avoir compris qu'ils doivent forger leur destin par eux-mêmes. Et que s'ils veulent tirer profit des idées et des contributions, rien ne les contraints à être attachés aux personnes quand le comportement n'est pas en cohérence avec l'idée. Texte traduit par la Rédaction – Lire l'article original ici