Aujourd'hui, cette élection présidentielle, rejetée faut-il le signaler par le hirak et qui intervient dans un climat particulièrement tendu, n'a pas réussi à capter remarquablement la classe politiques. L'ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, vient de lancer un pavé dans la mare de la prochaine élection présidentielle, qui se prépare, le moins qu'on puisse dire, dans un contexte politique national des plus délétères. Comptant de nombreux admirateurs de sa politique d'ouverture au lendemain des événements d'Octobre 1988, qui ont permis au pays de rompre avec l'ère du parti unique et de s'engager dans l'aventure démocratique, dont on sait aujourd'hui ce qu'il reste de ses maigres acquis, le réformateur, comme on aime l'appeler dans certains microcosmes politiques algérois, a dû plus d'une fois répondre aux appels de ses partisans qui le sollicitaient pour se lancer dans la course à la présidentielle ou, tout au moins, de daigner jouer un rôle pour aider à trouver la solution de sortie de crise. «Je dois vous dire que même si je suis élu Président, je ne pourrai rien faire dans les conditions actuelles», a-t-il déclaré tout de go samedi dernier devant la foule venue lui demander de se porter candidat à la présidentielle du 12 décembre prochain. Hasard de calendrier ou pas, Mouloud Hamrouche, qui s'exprimait ainsi, faut-il le remarquer, un 5 Octobre, date anniversaire du soulèvement populaire de 1988 ayant emporté le régime uniciste sous le président Chadli Bendjedid, a tenté d'expliquer à l'opinion son refus de s'inscrire dans la démarche du pouvoir en place, qui cherche à faire de ce prochain rendez-vous électoral la seule solution à la crise. Le tout se déroulant dans une ambiance marquée par des arrestations de manifestants et de militants politiques qui ont investi le terrain des luttes démocratiques depuis le fameux 22 février dernier, qui a fait tomber Bouteflika. Le refus de celui qui est considéré comme le «père des réformes démocratiques» s'ajoute à celui de plusieurs autres personnalités politiques, à l'instar d'Ahmed Taleb Ibrahimi, Ahmed Benbitour ou Abdelaziz Rahabi, qui, tous, ont décidé de tourner le dos à ce processus électoral. Tout comme le plus gros de la classe politique de l'opposition, allant de l'Alternative démocratique jusqu'aux plus importants partis du courant islamiste, à savoir le FJD de Djaballah et le MSP de Makri. Ainsi, si pour Hamrouche les conditions de la tenue d'une élection propre et transparente, qui ouvrirait la voie à un changement de système, ne sont pas réunies, pour d'autres la réponse à la crise politique qui mine le pays depuis longtemps doit passer à tout le moins par un dialogue sincère, garantissant l'atteinte des objectifs majeurs tracés par le hirak, à savoir le changement du tout au tout du système politique algérien. Parmi ceux qui sont contre la tenue de cette élection dans les conditions actuelles, il y a tout d'abord ceux qui plaident pour un processus constituant, comme c'est le cas des partis du Pacte pour l'alternative démocratique (FFS, RCD, MDS, PLD, UCP, PST, PT, RAJ et LADDH), estimant que pour aller vers une élection transparente et légitime, il faudrait réformer, entre autres, la Constitution. Comme il y a également ceux qui ont pris position en faveur de la tenue d'une élection présidentielle en premier lieu, mais sous conditions, à l'instar des partis islamistes MSP et FJD, ainsi que, par exemple, l'ancien ministre Abdelaziz Rahabi. Ces derniers, signataires de la «plateforme de Aïn Benian», ont émis un nombre de «préalables» devant être mis en œuvre avant tout processus électoral, à savoir, entre autres, l'ouverture des champs politique et médiatique et la libération des détenus d'opinion. Ce qui n'a pas été concrétisé jusque-là. Coordinateur de cette «plateforme», Abdelaziz Rahabi a clairement rejeté la présidentielle. «Je voudrais informer que je ne suis pas candidat à la prochaine élection présidentielle, remercier et exprimer ma gratitude à ceux qui m'ont demandé de le faire ainsi qu'à ceux qui militent pour une solution politique globale et consensuelle à l'impasse politique que connaît notre pays, l'Algérie», avait-il écrit le 25 septembre dernier. Par ailleurs, dans le camp de ceux qui défendent l'option de cette élection comme un moyen de dépasser la crise actuelle, on compte Ali Benflis de Talaie El Hourriyet, qui faisait partie de la «plateforme de Aïn Benian». Défendant la thèse de la présidentielle en premier lieu, ce dernier avait déclaré, le 26 septembre dernier, dans son allocution d'ouverture de la session ordinaire du comité central de son parti, qu'il avait la «ferme conviction» que «l'élection présidentielle est la voie la plus rapide et la plus efficace pour réaliser les aspirations de la révolution démocratique en termes de changement de régime politique, de transition démocratique et d'élaboration d'une nouvelle Constitution de la République, des aspirations que tout candidat à la présidence de la République se doit de prendre en charge dans le mandat présidentiel de transition que les Algériennes et les Algériens lui auront confié». Benflis a estimé qu'«avec la création de l'Autorité nationale indépendante des élections, et les amendements apportés à la législation électorale, et en dépit de quelques lacunes dont le caractère n'est pas déterminant, les conditions que nous avons posées sur le plan institutionnel, légal et procédurial de l'élection présidentielle ont été globalement satisfaites et garantissent au peuple algérien, la libre expression de sa volonté et l'élection du futur président de la République, en toute souveraineté». Même s'il reste, ajoute-t-il, «à réunir les conditions politiques et à créer un environnement politique serein et apaisé, pour convaincre le citoyen de se rendre aux urnes et enregistrer une participation électorale qui investit le Président élu de la légitimité et de la confiance nécessaires pour mener à bien la réalisation des aspirations populaires». Autre candidat à la candidature pour cette élection, l'ancien Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune. Donné comme étant le candidat du pouvoir, celui-ci n'a fait aucune autre déclaration après celle prononcée lors du retrait des formulaires de candidature, où il a seulement affirmé qu'il axera sa campagne sur les questions d'ordre économique. En dehors de ces deux personnalités, ce sont globalement les partis de l'ex-alliance présidentielle, et de quelques autres «petites» formations ayant été de fervents soutiens au Président déchu, qui plaident pour la tenue de cette élection. Le dernier à s'être prononcé est TAJ qui a décidé, avant-hier, «de participer au scrutin présidentiel et de mandater son bureau politique pour définir les modalités et les mécanismes de sa participation». En somme, il ne fait aucun doute aujourd'hui que cette élection présidentielle, rejetée faut-il le signaler par le hirak et qui intervient dans un climat particulièrement tendu, n'a pas réussi à capter la classe politique de l'opposition. Ce qui à coup sûr, même dans le cas où elle va se tenir, va poser un problème de légitimité du «Président élu». Une légitimité pourtant nécessaire pour le rétablissement de la confiance entre gouvernants et gouvernés.