El Watan, 24 octobre 2009 Si le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales ne s'est pas hasardé à minimiser la gravité des émeutes sociales qui ont secoué, deux jours durant, Diar Echems, un quartier populeux de la capitale, il a par contre laissé planer des doutes concernant l'origine de la colère des habitants. Tout au moins, Noureddine Yazid Zerhouni a insinué que les événements auraient pu être moins dramatiques et moins violents si des repris de justice n'avaient été de la partie. Le ministre de l'Intérieur a d'ailleurs, dans un point de la situation établi jeudi, en marge d'une visite à la clinique des Glycines, un établissement hospitalier appartenant à la police nationale, appelé les familles et les jeunes de cette cité à « ne pas se laisser influencer » et à « faire preuve de patience » car, a-t-il soutenu, « la question nécessite quelques semaines ou quelques mois ». Dans la foulée, il a indiqué que 15 personnes ont été présentées devant la justice, parmi lesquelles figuraient des repris de justice. Et le décor est planté. Pour éviter de refaire les bourdes commises pendant la « gestion » des événements de Kabylie, M. Zerhouni s'est bien gardé de qualifier les émeutiers de « voyous » ou de voir derrière les émeutes de Diar Echems la main de l'étranger. Toutefois, sa décision de revoir le rôle des associations de quartier afin que ces dernières puissent accomplir leur mission avec « plus d'efficacité et de crédibilité » montre que les autorités sont encore incapables de décrypter une demande sociale autrement que comme une tentative de déstabilisation. Une déstabilisation et des manipulations que ses services n'ont pas pu prévenir ou désamorcer à temps. Cette propension des responsables qui consiste à chaque fois à voir des ennemis partout prouve que beaucoup d'entre eux n'ont aucune connaissance des réalités sociales et économiques du pays. Si ce n'est pas le cas, le discours tenu par les officiels à l'égard des contestataires d'El Madania ne peut être perçu autrement que comme du mépris et traduit une indifférence à l'égard de la douleur de la population. Un repris de justice, donc quelqu'un qui a déjà payé sa dette à la société, n'aurait-il pas le droit de demander un logement décent et de manifester dans la rue pour être entendu ? Il faut croire que non ! En agissant ainsi, les autorités font non seulement une grave erreur de jugement mais ils contribuent assurément à attiser la colère d'une population plus qu'excédée de voir s'instaurer une Algérie à deux vitesses : celle des riches et des privilégiés et, bien entendu, celle des pauvres et des laissés-pour-compte. Au regard de la dégradation de la situation sociale, le ministre de l'Intérieur ainsi que l'ensemble du gouvernement doivent s'attendre à revivre d'autres scénarios analogues à celui vécu le semaine dernière, y compris dans la capitale. Comme la plupart des grandes villes, Alger est ceinturée par une multitude de bidonvilles et de quartiers populeux ; tels des bombes à retardement, ils peuvent exploser à tout moment. C'est le cas particulièrement de Diar El Kef ou de La Casbah. La liste est encore longue. Et plutôt que de songer à apporter uniquement des réponses sécuritaires à des problèmes éminemment sociaux ou, plus grave encore, d'essayer de faire dans la diversion, le gouvernement devrait descendre de son nuage, cesser de duper la population avec de fausses statistiques et commencer sérieusement à régler les problèmes de gens. Laisser la situation en l'état, c'est assurément courir le risque de faire basculer durablement la société dans la violence.