Le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, a commenté, jeudi dernier, les émeutes qui ont secoué le quartier de Diar Echems. Il s'est déplacé à la clinique des Glycines pour s'enquérir de l'état de santé des policiers blessés lors de ces émeutes et leur rendre hommage, estimant que ces derniers ont fait preuve de retenue et de sang-froid. “Aucun blessé n'a été signalé parmi les citoyens”, déplorant, toutefois, “beaucoup de blessés” dans les rangs du service de maintien de l'ordre. Le ministre a affirmé que quinze personnes ont été interpellées lors de ces émeutes, parmi lesquelles cinq repris de justice qu'il accuse d'être les meneurs et qui ont été mis sous mandat de dépôt, alors que quatre mineurs ont été remis à leurs parents et six autres mis en liberté provisoire. “Nous avons les moyens de reloger les véritables habitants de Diar Echems. Seulement, l'opération de relogement doit se concrétiser dans un climat serein et organisé”, a déclaré M. Zerhouni à la presse. M. Zerhouni a appelé les familles et les jeunes de cette cité à “ne pas se laisser influencer” et à “faire preuve de patience” car, a-t-il soutenu, “la question nécessite quelques semaines ou quelques mois”. La sortie du ministre de l'Intérieur, si elle constitue la première réaction officielle aux émeutes et un appel au calme, n'en contient pas moins des points d'interrogation. La première a trait aux limites de cette politique de colmatage et de fuite en avant dans la gestion du dossier de l'habitat précaire et des bidonvilles. Si l'Etat a les moyens de reloger tout le monde, pourquoi doit-il attendre que les gens sortent dans la rue pour le faire ? Le ministre reconnaît que l'Etat avait pris sur lui, depuis 2001, de reloger tous les habitants des bidonvilles et autres habitations précaires et que l'opération suivait son cours. Or, lui-même avoue que la gestion de ce problème n'est pas toujours facile, en utilisant, à plusieurs reprises, le vocable de “véritables habitants”. Il a rappelé que le quartier de Diar Echems devait bénéficier, par le passé, d'un programme de réhabilitation semblable à celui dont ont bénéficié les habitants de Diar El-Kef, au lendemain des inondations de Bab El-Oued. Mais, selon M. Zerhouni, une partie des habitants de Diar Echems avait refusé cette option. Il paraît que les habitants seraient, aujourd'hui, d'accord pour cette solution. Quoi qu'il en soit, l'épisode de Diar Echems et la réponse du gouvernement, par le biais de M. Zerhouni, remettent sur le tapis toute la problématique de la gestion du dossier des bidonvilles et de l'habitat précaire. Faut-il absolument construire une baraque pour prétendre à un logement social ? Depuis Chadli Bendjedid, l'Etat a toujours juré son intention d'éradiquer les bidonvilles. Des campagnes ont été lancées, mais n'ont duré que le temps d'une campagne. Les bidonvilles se sont réinstallés un peu partout. La crise du logement aidant, beaucoup de personnes ont érigé des logements de fortune sur les toits des immeubles, dans les caves, dans les couloirs. Enfin, partout. L'absence criante de l'autorité publique a facilité l'implantation de nouveaux bidonvilles, alors que le commerce des baraques n'est un secret pour personne. Bon nombre de bénéficiaires de logements sociaux les ont revendus pour rebâtir des baraques. La politique suivie depuis plus d'une trentaine d'années déjà en matière de prise en charge de l'habitat précaire a montré toutes ses limites et encouragé les gens à bâtir davantage de bidonvilles, étant sûrs de bénéficier de logements sociaux, un jour ou l'autre. Toutes les lois, tous les dispositifs mis en place ces dernières années n'ont pas réussi à infléchir le business des bidonvilles. Il est vrai que ce ne sont pas seulement les habitants de ces bâtisses qui en tiraient profit, mais aussi des élus locaux et des agents de l'administration qui se sucrent. Car, au-delà du sempiternel problème de relogement, c'est la gestion de la crise du logement qui est à revoir. Le président Bouteflika avait reconnu la difficulté de gérer ce dossier, dans la mesure où les logements sociaux ne vont pas nécessairement à ceux qui en ont besoin et dont certains ont bénéficié de trois, voire de cinq logements sociaux. La tension sur les logements sociaux, à Alger, mais aussi dans les grandes villes fait que chaque distribution de quotas donne lieu à des protestations. Qui doit en bénéficier en priorité ? Celui qui habite dans un bidonville ? Ou celui qui habite dans une habitation précaire ? Celui qui a déposé sa demande durant les années 1960 ? Ou celui qui attend son logement pour se marier ? Le programme d'un million de logements paraît gigantesque. Celui que l'Etat compte lancer pour le quinquennat en cours l'est également. Bâtir deux millions de logements en dix ans, c'est un énorme effort consenti par l'Etat. Mais cela ne représente qu'une goutte dans l'océan des attentes d'une population résignée à dépendre des quotas de l'administration. Les formules telles que l'AADL, le Fnops et autres promotions immobilières ont toutes buté sur des hésitations et autres blocages bureaucratiques. L'Etat-providence pourra-t-il continuer éternellement à gérer cette bombe à retardement ?