El Watan, 20 novembre 2009 Les deux dernières confrontations opposant l'équipe nationale de football à son homologue égyptienne ont finalement d'énormes enjeux politiques. Les régimes des deux pays, en difficulté face au marasme social dans lequel vivent leurs populations respectives, misaient gros sur ce match décisif pour atténuer la pression sociale qui pèse sur eux et redorer leur blason. Ce rendez-vous sportif était alors une aubaine à saisir. Pour cela, tous les moyens étaient bons. La manipulation politique de ce match a commencé d'abord en Egypte. Le système Moubarak, qui a même assisté à une séance d'entraînement de son équipe à la veille de la rencontre l'ayant opposé à l'Algérie, samedi dernier au Caire, a osé plus en organisant une agression contre la délégation algérienne (joueurs, officiels et supporters). Le foot étant l'opium des peuples, les autorités égyptiennes voulaient offrir aux leurs une qualification directe qui leur ferait oublier leurs problèmes et leur misère. Mais la tentative a échoué. Il fallait alors revoir la stratégie en tentant de calmer le jeu en prévision du match d'appui qui s'est déroulé mercredi dernier à Khartoum (Soudan). La rencontre a été remportée par l'Algérie. Et les autorités égyptiennes, notamment le fils du président Hosni Moubarak, qui s'échauffe pour remplacer son père à la tête du pays, verse dans l'insulte et l'invective contre les Algériens pour désigner à sa population « l'ennemi commun ». Le jeu était clair : il faut à tout prix distraire les Egyptiens et les mobiliser autour de la famille Moubarak pour maintenir en place son système, quitte à provoquer un froid politique avec l'Algérie. Dans cette « guerre sportive », le régime algérien a remporté la bataille. C'est le président Bouteflika qui en bénéficie le plus. L'attachement des Algériens à leur équipe nationale, sa mobilisation avant et après ce match pour encourager les camarades de Karim Ziani, ont été largement exploités pour distribuer des honneurs au chef de l'Etat pour « son engagement en faveur de l'équipe et des supporters ». La chaîne de télévision nationale, l'ENTV, s'est chargée de la mission de récupération politique. « Le premier héros est son excellence le président de la République », lancent des journalistes de la chaîne nationale. Les cameramen et les journalistes de l'ENTV semblent instruits de chercher, dans la foule qui a accueilli les Verts à leur retour du Soudan, les portraits du chef de l'Etat et de montrer tous les messages le soutenant… même pour un quatrième mandat. D'une victoire footballistique à une nouvelle mandature ! Le pont aérien organisé pour transporter des milliers de supporters à Khartoum était présenté comme une preuve de courage politique. N'est-il donc pas un devoir pour les autorités d'aider les supporters pauvres à aller encourager leur équipe qui joue pour une qualification au Mondial hors de ses bases ? Décidément, la joie et la fête en Algérie ne sont pas pour le peuple. Le deuxième gagnant de cette aventure est le Soudan de Omar El Béchir. Sous le coup d'un mandat d'arrêt international décidé par la CPI pour crimes contre l'humanité, le président soudanais a gagné des points au niveau continental et régional. En accueillant cette rencontre, le président El Béchir a voulu montrer un visage « d'homme de paix ». Il a d'ailleurs même tenté de réconcilier les Algériens et les Egyptiens avant le match de mercredi dernier. La réconciliation n'a pas eu lieu, mais pour les supporters algériens, Omar El Béchir est devenu un héros.