Après la victoire des Verts, une banderille plantée dans le nombril des égyptiens, le vieux raïs du Caire tente de reprendre la main face à son opinion en proférant des menaces à peine voilées contre l'Algérie. Les observateurs, qui guettaient candidement un geste d'apaisement du Caire, après une semaine d'un déchaînement pharaonique d'hystérie contre l'Algérie, en sont pour leurs frais. Le président Hosni Moubarak, au lieu de recadrer raisonnablement les choses, car après tout il ne s'agit que d'un match de football, certes gagné par l'Algérie, a préféré emboucher, lui aussi, les trompettes de la guerre. Ses propos hier devant les députés, convoqués pour une séance de thérapie cathartique collective, ne sont pas moins dénués d'hostilité que ceux de ses deux enfants qui traitaient, vendredi dernier, les algériens de “terroristes”. “Le bien-être de nos citoyens à l'étranger relève de la responsabilité de notre pays, nous nous assurons que leurs droits soient respectés et rejetons les violations (...) qui sont commises à leur égard”, a-t-il insisté en menaçant que l'Egypte ne fera pas preuve de laxisme envers ceux qui portent atteinte à la dignité de ses citoyens. Même si l'Algérie n'est pas citée explicitement, usages diplomatiques obligent, les allusions belliqueuses du raïs égyptien sont claires comme l'eau du Nil. Et d'où la question de savoir pourquoi le recours à la rhétorique de la guerre de la part du raïs égyptien, alors que Amr Moussa avait appelé “au calme et à la raison”. Au demeurant, Moubarak n'avait pas d'autre choix que celui de monter sur ses grands chevaux pour être en phase avec la déception populaire provoquée par la défaite de son équipe contre notre pays. Être en phase, mais surtout tenter par des propos forts d'anesthésier, de dépasser le traumatisme collectif signé Antar Yahia en invoquant devant les députés le mythe de la puissance égyptienne. Car cette illusion de puissance et de leadership dans le monde arabe est une vieille ficelle que le clan Moubarak utilise comme un argument marketing pour vendre l'intronisation du fils Djamal. Il se trouve qu'elle est sérieusement rongée, particulièrement cette année 2009 que l'on peut considérer comme une “annus horibilis” pour le régime égyptien qui a ramassé bien des gamelles, alors qu'il est en besoin de soigner sa vitrine. Et pour cause, sa tentative de placer son ministre de la Culture Ahmed Hosni à la tête d'une instance internationale comme l'Unesco s'est soldée par un échec inattendu. L'activisme de la machine diplomatique égyptienne et le jeu de coulisses de Abou El-Gheth et Djamal Moubarak pour placer Ahmed Hosni s'est lamentablement enrayé face à la toute-puissance (vraie celle-là) du lobby juif mené par le très médiatique philosophe Bernard Henry Lévy (BHL). Avec le tsunami d'insultes qui continue à se déverser sur l'Algérie, on se doit finalement de reconnaître que Mohamed Bédjaoui avait raison de maintenir sa candidature. L'échec de conquérir l'Unesco, surtout que le mandat d'El-Baradaïa à la tête de l'AIEA est arrivé à son terme, est mis par une bonne partie de l'intelligentsia égyptienne indépendante au débit du président Moubarak, qui s'est entêté à maintenir envers et contre tous la candidature de son barbouze de ministre de la culture, alors que d'autres intellectuels plus respectables pouvaient être présentés. D'ailleurs, le président Sarkozy avait insisté auprès du président Mobarak pour le convaincre de changer de candidat. Après avoir perdu l'Unesco, qui pouvait lui offrir une visibilité, un prestige international, le régime égyptien reporte tous ses espoirs sur le sport, cet opium des peuples, en organisant la coupe du monde juniors de football au Caire le mois d'octobre dernier. C'est une autre “nakba”. L'équipe des pharaons portée par un public rendu ivre par la puissante machine médiatique échoue dans sa tentative de passer au troisième tour en se faisant balayer par son homologue du Costa Rica. Après ces deux revers, restait la coupe du monde pour apporter de l'oxygène au régime. Et là encore, la machine médiatique, notamment les chaînes privées, dont on dit qu'elles sont contrôlées par le clan Moubarak, joue le jeu à fond en faisant croire aux égyptiens que la qualification n'était qu'une formalité. Le président Moubarak, lui-même, n'hésitait pas à se rendre personnellement au stade pour suivre une partie des entraînements des camarades de Aboutrika. Il avait décrété la qualification en coupe du monde “affaire nationale”. C'est dire tout l'inversement politico-symbolique autour de cette compétition sur lequel le clan Moubarak misait tant. Mais là aussi nouvelle “nakba”. D'autant plus insupportable qu'elle est le fait de l'équipe algérienne que les responsables sportifs égyptiens, lors du tirage au sort, se demandaient à peine à quelle sauce ils allaient la manger. L'issue de cette confrontation a tourné au cauchemar pour les égyptiens dont les responsables, en panne d'alternative, trouvent en l'Algérie le mouton de David pour continuer à cultiver le mythe de la puissance égyptienne.