L'ONG de lutte contre la corruption Transparency International (TI) a rendu public, le mercredi 21 février 2018, son Indice de perceptions de la corruption dans le secteur public (IPC) pour l'année 2017. C'est la 21e édition de l'IPC : 180 pays y figurent dont l'Algérie (178 pays dans l'IPC 2016). L'analyse des résultats montre que la répression exercée contre les ONG et les médias est associée à des degrés élevés de corruption. L'IPC, qui célèbre son 25e anniversaire cette année, révèle des faits troublants. En effet, malgré́ des actions de lutte contre la corruption à travers le monde, la plupart des pays progressent trop lentement, on constate ainsi que nombreux sont ceux qui n'ont fait que peu ou pas de progrès au cours des six dernières années. Une analyse plus approfondie de l'indice met en avant une constatation encore plus alarmante et montre que les pays dont les niveaux de protection des journalistes et des organisations non gouvernementales sont les plus faibles sont aussi ceux où les taux de corruption sont les plus élevés. L'indice classe 180 pays et territoires selon leurs niveaux perçus de corruption au sein du secteur public sur la base d'appréciations d'experts des secteurs privé et public. Cet indice utilise une échelle de 0 à 100 dans laquelle 0 correspond à un pays extrêmement corrompu et 100 à un pays sans corruption. Cette année, plus des deux tiers des pays enregistrent une note inférieure à 50, la note moyenne étant de 43. Ces six dernières années, un certain nombre de pays ont sensiblement amélioré́ leur note sur l'IPC. C'est notamment le cas de la Côte d'Ivoire, du Sénégal et du Royaume-Uni. Par contre, plusieurs pays dont la Syrie, le Yémen et l'Australie ont vu leur note baisser substantiellement. Cette année, la Nouvelle-Zélande et le Danemark obtiennent les meilleures notes, soit 89 et 88 respectivement. La Syrie, le Soudan du Sud et la Somalie se classent en bas de l'échelle, avec les notes respectives de 14, 12 et 9. La région la plus performante est l'Europe de l'Ouest, avec une note moyenne de 66. Les régions les moins performantes sont l'Afrique subsaharienne (note moyenne de 32) et l'Europe de l'Est-Asie centrale (note moyenne de 34). Chaque semaine, un journaliste est tué dans un pays très corrompu À partir de l'analyse des résultats de l'Indice, Transparency International a examiné de plus près les rapports qui existent entre les niveaux de corruption, la défense des libertés des journalistes, et l'engagement de la société civile. Il se trouve que la quasi-totalité́ des journalistes tués depuis 2012 l'ont été́ dans des pays très corrompus. «Aucun activiste ou journaliste ne devrait craindre pour sa vie lorsqu'il dénonce la corruption», déclare Patricia Moreira, directrice de Transparency International. «Vu les mesures de répression qui sont actuellement exercées partout dans le monde contre la société civile et les médias, nous devons faire plus pour protéger ceux qui s'expriment ouvertement.» Réunissant des données provenant du Comité pour la protection des journalistes, l'analyse montre qu'au cours de ces six dernières années, 9 sur 10 journalistes tués l'ont été dans des pays dont la note à l'Indice de perception de la corruption est inférieure à 45. Cela signifie qu'en moyenne, chaque semaine, au minimum un journaliste est tué dans un pays très corrompu. De plus, parmi les journalistes tués, un journaliste sur cinq enquêtait sur des faits de corruption. Malheureusement, dans la plupart des cas, justice n'a pas été rendue. Les travaux menés par Transparency International en collaboration directe avec plus de 100 de ses sections nationales ont confirmé les liens étroits qui existent entre la corruption et la liberté́ de la presse. Le Brésil, par exemple, qui affiche la note de 37 à l'indice de cette année, a été́ témoin de l'assassinat de 20 journalistes au cours des six dernières années. Ciblés pour leurs enquêtes, notamment sur des phénomènes de corruption au sein d'administrations locales et sur la criminalité́ liée au trafic de stupéfiants, les journalistes sur place au Brésil risquent chaque jour leur vie par le simple fait d'exercer leur métier. Relation entre corruption et réduction du champ d'activité́ de la société civile Transparency International s'est également penchée sur les rapports qui existent entre le niveau de corruption et le degré́ de faculté́ dont jouissent les organisations de la société civile à travailler sur et influencer les politiques publiques. Se basant sur des données du World Justice Project (WJP - Projet de justice mondial), l'analyse montre que la plupart des pays qui affichent de mauvaises notes au regard des libertés civiques ont tendance également à avoir des degrés élevés de corruption. «Les campagnes de dénigrement, les actes de harcèlement, les actions en justice et les obstacles bureaucratiques sont autant d'outils auxquels certains gouvernements ont recours pour tenter de faire taire ceux qui luttent contre la corruption», ajoute Patricia Moreira. «Nous exhortons les gouvernements qui se cachent derrière des lois restrictives à les révoquer immédiatement et à promouvoir une plus grande participation citoyenne.» La Hongrie, qui a vu son indice tomber de 10 points ces six dernières années, passant de 55 en 2012 à 45 en 2017, représente l'un des exemples les plus alarmants de la réduction de la liberté́ d'action de la société civile en Europe de l'Est. S'il est promulgué, un projet de loi récemment soumis au Parlement pourrait restreindre l'activité́ des ONG et révoquer leur statut caritatif. Il en découlerait des conséquences catastrophiques pour nombre de groupes de la société civile déjà̀ affectés par les contraintes que leur a imposées une loi précédente stigmatisant les ONG sur la base de leurs structures de financement. Pour visualiser les résultats, veuillez visiter : www.transparency.org/cpi2017 LSC L'Algérie recule de la 108e à la 112e place Le score et le classement de l'Algérie dans l'IPC 2017 sont désastreux : 3,3 sur 10 et la 112e place (108e place dans l'IPC 2016), soit un très net recul par rapport à l'IPC 2016. Pour rappel, l'Algérie avait obtenu dans l'IPC 2016 la note de 3,4 sur 10 et la 108e place (sur 178 pays classés). En 2015, la note de 3,6 sur 10 et la 88e place ; en 2014 la note de 3,6 et la 100e place ; en 2013 la note de 3,6 sur 10 et la 94e place ; en 2012 : 3,4 sur 10 et la 105e place ; en 2011 la note catastrophique de 2,9 sur 10, la même que celle de 2010, et la 112e place, reculant de 7 places par rapport au classement de 2010. L'Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) note, encore une fois, sans être surprise, qu'en matière de lutte contre la corruption, «il n'y a aucun progrès pour l'Algérie, faute de volonté politique». L'AACC, d'ailleurs, s'interroge : «Comment peut-il y avoir des progrès quand nous avons une très mauvaise loi anticorruption (20 février 2006), et plus grave encore, quand cette loi n'est pas appliquée notamment en matière de déclaration de patrimoine des ‘‘agents publics'' ? Comment peut-il y avoir des progrès en l'absence d'une politique de protection des dénonciateurs ? Comment peut-il y avoir des progrès quand nombre de ces ‘‘agents publics'' restent impunis face à de gros scandales de corruption ? Comment peut-il y avoir des progrès quand la justice ne fait aucun effort pour déclencher des poursuites lors d'affaires de corruption publiées par la presse ?» A quand une loi sur le droit à l'information gouvernementale en Algérie ? Justement à propos de presse, selon Coralie Pring du département «Recherche» de Transparency International, «l'IPC 2017 s'est penché sur la relation entre corruption et liberté de la presse dans chaque pays. On a également choisi de se concentrer sur d'autres variables, par exemple la capacité de la société civile à influencer le pouvoir politique ou le droit qu'ont les particuliers à exprimer librement leur opinion». Pour l'AACC, il est temps que les pouvoirs publics consacrent effectivement le «droit à l'accès à l'information gouvernementale pour tous les citoyens, étape indispensable pour la prévention de la corruption. Dans la nouvelle Constitution de mars 2016, l'article 51 évoque «l'obtention des informations, documents, statistiques et leur circulation sont garanties au citoyen» : un projet de loi annoncé par le ministère de la Justice mais qui se fait attendre. Pour l'AACC, «le droit d'accès à l'information gouvernementale pour tous pourrait contribuer à faire des Algériens des citoyens à part entière et non plus entièrement à part». Djilali Hadjadj À propos de l'Indice de perception de la corruption Créé́ en 1995, l'Indice de perception de la corruption, publication phare de TransparencyInternational, est le premier indicateur mondial des niveaux de corruption au sein du secteur public. Il présente un instantané́ annuel du degré́ relatif de corruption en classant les pays du monde entier.