La proclamation de tamazight langue nationale puis l'officialisation de la célébration de Yennayer n'ont pas soustrait la question identitaire du champ du militantisme. Trente-huit ans après le Printemps berbère, les militants de la cause restent mobilisés pour éviter que le folklore n'enterre définitivement le long combat qui a précédé ces acquis. Nawal Imès - Alger (Le Soir)- Revendication centrale du mouvement de protestation né dans les années 1980 puis du Printemps noir, la reconnaissance de tamazight est aujourd'hui acquise. Les militants de la cause ne baissent, cependant, pas la garde. Les festivités commémorant le Printemps berbère, prenant de plus en plus le caractère institutionnel, le folklore n'est jamais bien loin, occultant l'histoire et les sacrifices ayant contraint le président de la République à institutionnaliser tamazight. En 2002 et en plein Printemps noir, Bouteflika proclamait la constitutionnalisation de tamazight. Dans un discours prononcé à Club-des-Pins en pleines négociations avec les aârouch, le président de la République annonçait que «reconnaître constitutionnellement tamazight comme langue nationale n'est que le parachèvement d'un processus consacré, et dans les faits et dans la pratique institutionnelle. Qui plus est, le préambule de la Constitution actuelle l'intègre sans ambages comme composante de l'identité nationale au même titre que l'arabité et l'islamité». Bouteflika n'omettra pas de préciser qu'il avait choisi cette voie plutôt que le référendum, jugé risqué car, disait-il à l'époque, pouvant déboucher sur un non. Une décision annoncée dans un contexte de contestation et avec la préoccupation d'organiser au plus vite des élections locales. L'enseignement de la langue devait alors être généralisé. Force est de constater qu'à l'exception de quelques villes, elle n'est que très peu enseignée. Les efforts du département de l'éducation se heurtent à des difficultés logistiques mais surtout à un manque de volonté et d'adhésion. Il aura fallu attendre douze longues années pour que le président de la République accède à une autre attente : celle de l'officialisation de Yennayer. En décembre dernier, il annonçait, lors d'une réunion du Conseil des ministres, sa décision de consacrer Yennayer journée chômée et payée dès le 12 janvier 2018. Le communiqué sanctionnant cette rencontre faisait savoir que Bouteflika «a enjoint au gouvernement de ne ménager aucun effort pour la généralisation de l'enseignement et de l'usage de tamazight, conformément à la lettre et à l'esprit de la Constitution tout en chargeant le gouvernement d'accélérer la préparation du projet de loi organique portant création d'une Académie algérienne de la langue amazighe». Explication du pourquoi de cette décision dans ce même communiqué. «Cette mesure comme toutes celles déjà prises au profit de notre identité nationale dans sa triple composante islamique, arabe et amazighe confortera l'unité et la stabilité nationales, alors que des défis multiples internes et régionaux nous interpellent», affirme le rédacteur du communiqué. Une semaine plus tard, le ministère de l'Intérieur émettait pour la première fois un communiqué en langue amazighe, afin d'annoncer le début des inscriptions pour l'accomplissement du Hadj. «Une mesure qui s'inscrit au titre de la mise en œuvre des décisions prises par le Président pour la promotion de l'amazighité.» Dans la foulée, il est annoncé l'émission prochaine de factures d'électricité en tamazight. Que pense Mouloud Lounaouci du chemin parcouru ? Répondant aux questions d'un journal électronique, il affirmait qu'«on est passé de la phase de la quasi-interdiction de l'amazighité à une ouverture en matière de langue, culture et identité, même si cette liberté est tout de même surveillée. Les citoyens parlent tamazight sans complexe, la langue a pénétré le système éducatif, au moins symboliquement, des instituts universitaires ont vu le jour, Yennayer est reconnu officiellement comme fête nationale». N. I.