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La derni�re
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 05 - 2010


Savoir raison garder...
Par Mourad N.
D�cid�ment, les gens qui ont un francparler, un savoir-faire et des accointances avec des v�rit�s qui d�rangent ont peu de chances de figurer sur les palmar�s de la reconnaissance, en ce bas monde... Le clap de fin du Festival de Cannes en est t�moin et ce n�est pas Rachid Bouchareb, rentr� � Paris avant m�me la c�r�monie de cl�ture de dimanche, qui esp�rait r�compense, lauriers ou palme pour �le ramdam� suscit� par son Hors-la-loi,qui dira le contraire.
Zapp� par un jury pr�sid� par un Tim Burton des plus fantaisistes (Johnny Deep, son acteur f�tiche, le d�crit comme �tant l�impr�visible agit� du bocal du cin�ma fantastique), notre Franco-Alg�rien qui est loin du Tha�landais (Palme d�or) ancr� dans les fantasmes de la transmigration post-mortem des �mes entre hommes, plantes, animaux et fant�mes (!) aura donc fait les frais des r�alit�s pas toujours reluisantes d�s qu�un pneu est crev� et que la jante coloniale r�appara�t � l�aune d�un pass� lourd � dig�rer par les nostalgiques du �temps b�ni des colonies�... En crevant l�abc�s (et donc le pneu gonfl� � l�air du politiquement correct) avec la subtilit� que lui conf�re son statut d�artiste mondialement reconnu par ses pairs, Bouchareb ne pouvait qu�abonder dans le sensible et d�licat registre humaniste. D�ailleurs, outre Indig�nes et son c�t� �libert� � tout prix� (salu� par Chirac, him self...), il est un Little S�n�gal d�avril 2001 qui situe sans fioriture ni bavure notre cin�aste dans la case � �pines, celle du cin�ma dit militant. Aussi, quand Hors-la-loi farfouille et tripatouille dans la grande histoire de la guerre d�Alg�rie via la petite histoire d�une famille spoli�e, destructur�e et d�chir�e � l�image d�une fratrie d�boussol�e entre un bidonville de Nanterre, des bas-fonds de Pigalle et un �noble art� (la boxe) loin d��tre sportif, il est presque normal que �a d�mange et d�range les adeptes de �la colonisation positive�. Ce film, bien que non prim� � Cannes, restera caillou dans la chaussure des politiciens r�fractaires � la v�rit� des choses, celle qu�il faudra t�t ou tard expliciter aux g�n�rations montantes, et ce, des deux c�t�s de la M�diterran�e. Et outre le caillou et ses tabous, comment ne pas saluer ce film et ce qu�il aura charri� comme casseroles plus ou moins dr�les sur les signaux divers et vari�s de la t�l�.
Canal+, le professionnalisme en plus...
Le plateau du �Grand journal� de Michel Denisot (en clair et en plein air...) aura �t� le rendez-vous � ne pas rater tout au long de cette quinzaine. Passage oblig� pour toute la jet-set du cin�ma, ce plateau sous ses airs d�contract�s et bon enfant par moments �tait en fait le plus pr�par�, le plus inform� et le plus � m�me de nous scotcher � l�heure de l'acc�s prime time. Et tout compte fait, il est normal que cette cha�ne soit payante n�en d�plaise aux infatigables �pirates� que nous sommes... Les De Caunes, Philippe Gildas et autres trublions du �Nulle part ailleurs� avaient donn� le ton, il reste respect� par l��quipe de Denisot pas du tout press�e de se d�faire des �Guignols de l�info�.
Chafia Boudra�, Debbouze et les autres...
Pas un mot de plus, pas une phrase qui blesse, que de l�amour dans la bouche de notre L�la A�ni, Chafia Boudra�, lors de la conf�rence de presse internationale d�apr�s-projection en mi-journ�e du vendredi ! Son r�le de m�re battante et combattante dans Hors-la-lois�est retrouv� magnifi� par la s�r�nit� de l�actrice, du coup, porte-drapeau de la fresque romanesque voulue par Bouchareb. Jamel Debbouze pour sa part aura �t� �gal � lui-m�me, c�est-�-dire brouillon, sympathique et tr�s �promotion� pour le film qu�il consid�re r�ussi bien s�r et tr�s �scors�sien�. Lors du prochain film de Bouchareb, il sera sans nul doute dans le casting, le trublion consid�r� persona non grata par nos services consulaires en 2007... pas rancunier, l��poux de M�lissa Theuriau (Zone interdite sur M6) qui s��tait permise le 30 ao�t de l�ann�e derni�re d�envoyer une bonne vol�e de bois vert � Brice Hortefeux (ministre de l�Int�rieur) � propos de ses chiffres erron�s sur la s�curit� en banlieue, le Jamel copain d�Anelka et de... Zizou redemandera s�rement un visa pour Alger et l�, on verra si nos autorit�s savent vraiment s�parer le bon grain de l�ivraie. A suivre...
Canal Alg�rie, toujours � la tra�ne
L�on s�attendait � une r�action m�diatique de la part de notre ch�re et unique ENTV. Elle est venue gr�ce � �Questions d�actu� d�Ahmed Lahri. Un plateau respectable avec Ahmed Rachedi ( L�opium et le b�ton...), le red chef Abdelkrim Ghozali de la Tribune et un �crivain, Redouane Tabbet, auteur d�un livre sur le 8 Mai 45. A l�entame de l��mission, promesse aura �t� faite quant � un traitement cin�matographique et historique de la question d�actu par le s�millant pr�sentateur... Apr�s le VTR de deux minutes (des images du film Hors-la-loi) et le duplex invitant le bon vieux Ren� Vautier � s�exprimer sur la non-r�compense du film, que de minutes � attendre de vaines r�ponses � la question cin�matographique ou historique. Pour Ren� Vautier, le jury de Cannes serait franco-fran�ais et c�est dommage car, international il aurait recompens� Bouchareb comme au bon vieux temps de son Avoir vingt ans dans les Aur�s. Ahmed Lahri aura subtilement corrig� le tir en essayant de replacer les choses dans leur contexte d�actualit� � d�battre selon les crit�res du moment pr�sent mais en vain, on sera rest� sur notre faim avec le lin�aire qui colle � la peau d�une ENTV � combien orpheline depuis les Abdou B, Fodhil Boumala et autres esprits critiques mieux � m�me de relever les d�fis et d��lever le niveau des d�bats en leur temps d�ouverture �ph�m�re...
C�est dans l�air du temps...
Un dernier mot pour dire que des pieds-noirs n�ont pas manqu� � l�appel de �C dans l�air� d�Yves Calvi sur F5 en ce m�me lundi de Pentec�te. Benjamin Stora, Rapha�l Drai, Jean Viard (sociologue) et Kader Abderrahim (institut des relations intercommunautaires) se sont bien d�marqu�s des harkis et des nostalgiques de l�Alg�rie fran�aise de sortie � Cannes. Ils ont clairement analys� les ressentiments n�s d�une guerre qui n�osait pas dire son nom et ils ont clairement soulign� le caract�re passionnel des amours et des nondits entre la France et l�Alg�rie. Aux politiques d�en tirer les cons�quences et � nos scotch�s inv�t�r�s de savoir raison garder. La Palme d�or des tabous est loin d��tre d�cern�e...

Anachronismes et combats d'arri�re-garde
Par Boudjema� Meziane
L'actualit�, � travers le Festival de Cannes, me sert et me comble au-del� de mes esp�rances ! J'�tais, depuis de longues ann�es, � la recherche de la formule ou du discours qui me permettrait de me faire entendre aussi bien des miens que de mes amis d'autres convictions religieuses, philosophiques ou politiques, et de faire comprendre aux uns et aux autres qu'il n'est pas sain de ressasser constamment les aigreurs et les susceptibilit�s, si l'on a un r�el d�sir de vivre ensemble dans le respect et la tol�rance. Il faut croire que ce d�sir n'existe pas r�ellement et que tol�rance et respect sont, h�las, deux termes qui semblent vid�s de leur sens. Au moindre z�phyr, les armadas prennent la mer pour s'en aller imposer la bonne voie, la bonne m�thode et le bon choix, par l'intimidation, par les armes s'il le faut. Lors de l'�pisode des �caricatures du Proph�te�, je m'�tais rendu, malgr� une blessure r�elle et vive, � l'argumentation de certains hommes de qualit� et de bonne volont�. En l'occurrence, la le�on �tait la suivante : la France est un pays la�c qui prot�ge les cultes et les croyances. Il n'est pas question de s'y conduire comme si le pays �tait conquis ou � convertir (Christophe Barbier). En outre, la tradition, en France, est de privil�gier la libert� d'expression et de cr�ation (Nicolas Sarkozy). Nous devions donc tout faire pour que les cr�ateurs et tous ceux qui ont quelque chose � dire puissent non seulement le dire, mais �galement dans la forme qui leur convient (Jean Daniel). Nous avons bien tent� de faire valoir qu'il ne s'agissait pas de �libert� d'expression�, mais de provocations ; que libert� se conjuguait avec respect et responsabilit� : nous nous sommes rendus, alors que nous voyions bien que, par exemple, aux yeux de la Justice, le respect d� � la police �tait sup�rieur au respect d� au sacr� divin (Delfei de Ton). Nous avons donc rang� nos exigences et nos r�criminations et admis que lorsqu'on est tol�r� dans un pays, on devait se soumettre aux lois de ce pays et faire de Dieu une affaire priv�e, personnelle. Mais les faits sont t�tus et ont une f�cheuse tendance au revenez-y ! A Cannes, lors de ce Festival 2010 dont tous les observateurs soulignent le caract�re exceptionnel, des acteurs et un r�alisateur, tous Fran�ais mais portant l'�tiquette ind�l�bile �Issus de l'immigration� ont le mauvais go�t d'�voquer les souffrances de leur peuple d'origine, comme ils avaient d�j� eu le mauvais go�t de le faire avec un film ( Indig�nes) consid�r� d�j� comme attentatoire � l'honneur de la France, parce qu'il �voquait les soldats indig�nes mais faisaient l'impasse sur la Grande Arm�e d'Afrique (constitu�e d'Europ�ens). Curieusement, le film �mut le Pr�sident d'alors, Jacques Chirac, qui d�cida d�aligner les pensions des soldats indig�nes (en r�alit�, il en restait bien peu encore vivants...) sur celles de leurs compagnons d'armes europ�ens. L'erreur dit-on est humaine, mais la r�cidive est diabolique ! Pourquoi, d�s lors, �la ramener� encore avec les massacres de 1945, dans le Constantinois, en particulier � S�tif et � Guelma ? Est-ce pour formuler une nouvelle demande de repentance, demande � laquelle on sait les Fran�ais hostiles et m�me ferm�s ? Pour rappeler le caract�re d�mesur� et sauvage de la r�pression (qui dura plusieurs semaines et fut probablement � l'origine de la radicalisation du mouvement nationaliste alg�rien qui, d�s lors, et jusqu'en 1962, exigea l'ind�pendance et non plus une hypoth�tique assimilation �nergiquement refus�e) ? Pour r�pondre, une fois de plus, � ceux qui continuent d'affirmer que la colonisation fut un bienfait, alors que l'actuel pr�sident de la R�publique affirma qu'elle fut une �faute�, et d�non�a le syst�me colonial comme �injuste�? Les conjectures sont nombreuses. Une chose et s�re : les blessures de la colonisation sont encore ouvertes et vivantes, celles de la guerre le sont encore plus (on se souvient en particulier de la Bataille d'Alger , qui fut g�n�ralis�e, en 1956- 1957, � l'ensemble de l'Alg�rie). Apocalypse now, n'est-ce pas le martyr des pauvres soldats yankees au Viet Nam? Raisonnablement, on ne peut pas exiger des victimes qu'elles �voquent les souffrances de... l'ennemi ! Or, c'est exactement ce qu'on exige de nos saltimbanques : qu'ils �voquent les victimes europ�ennes (comme ils auraient d� �voquer la Grande Arm�e d'Afrique). L�, ce n'est pas raisonnable ! De nombreux grands hommes nous ont appris qu'on choisissait toujours les siens et qu'on n'avait d'ailleurs m�me pas le choix ! Qu'observe-t-on ailleurs, dans les contextes les plus durs, les plus douloureux? Ils sont nombreux les exemples d'artistes et intellectuels, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud, en Isra�l, � avoir pris le parti des Indiens, des Africains ou des Palestiniens, parce qu'ils consid�raient, en leur �me et conscience, que c'�tait juste. Et ils le faisaient � leurs corps d�fendant, contre la pens�e dominante et pour la dignit� des hommes. Je pense � Marlon Brando, � Andr� Brink ou � Johnny Clegg, � Avraham Burg ou � David Grosman. Et la liste est bien longue ! Que disent les com�diens et leur directeur ? Qu'ils ont voulu r�aliser une fiction, un �polar�, selon la formule de Djamel Debbouz. Ni un film historique (l'histoire est archiconnue de ceux qui se sont donn� la peine de s'informer !), ni un documentaire, ni une th�se philosophique sur la violence et la bonne conscience... Pourquoi alors ce d�cha�nement d'indignation et de vocif�rations ? Pourquoi ressortir de la naphtaline ces calots, ces k�pis et ces planches de d�corations qui, pour nombre d'Alg�riens (dont je suis...), sont encore synonymes de terreur, de violence, d'arbitraire et surtout de morgue, de sentiment de sup�riorit� de la part de gens qui pensent. (Dieu leur pardonne !) qu'ils ont le monopole de l'humanit�, de l'intelligence et de la v�rit� ? Vous n'�tes pas des dieux, nous ne sommes pas des b�tes. Vous avez toujours eu du mal � le comprendre, tant pis pour vous. Les mots sont des pistolets charg�s, a dit un philosophe. Mais en entendant une dame �gar�e au milieu de la manifestation parler de fascisme, je n'ai pu m'emp�cher d'�voquer certaines images de... barricades... Qu'est-ce, apr�s tout, que cette volont� acharn�e d'avoir raison contre la raison et de vouloir museler toute forme d'expression et d'opinion parce qu'elle blesse notre vanit� ou notre sensibilit� ? Il y a tr�s peu encore, on reprochait ces attitudes aux autres ! La grande majorit� des manifestants n'avait pas vu le film ! Seul M. Luca semblait l'avoir visionn�. On aurait aim� qu'il entonn�t le chant de la solidarit� avec la libert� d'expression... A quoi bon le voir, d'ailleurs ; �la cause� a toujours �t� entendue : l'arm�e fran�aise, comme la police fran�aise, c'est la femme de C�sar. Les soup�onner est un scandale absolu, intol�rable. Ce qui m'int�resserait � travers cette �vocation, c'est de conna�tre le sentiment de ceux qui se lev�rent nagu�re comme un seul homme pour Redeker, Philippe Val ou les caricaturistes danois, pour d�fendre la libert� et en particulier la libert� d'expression et de cr�ation. Je suis certain que leur concert sera aussi assourdissant, aussi unanime et aussi rassurant. Peut-�tre d�nonceront-ils aussi certains anachronismes et combats d'arri�re-garde dont on peut constater que les Arabes et les musulmans n'ont finalement pas le monopole... D�tail croustillant, mais c'est un d�tail : celui qui d�fendait la libert� d'expression �tait un � harki qui claironnait : �Ils ont qu'� aller faire �a chez eux, pas en France.� Comme si c'�tait une cochonnerie. Cela prouve, s'il en est besoin, qu'il n'y a pas pire pros�lyte qu'un converti...


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