Le 10e Sommet des Brics (pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) s'est tenu du 25 au 27 juillet en Afrique du Sud. C'est le troisième événement majeur de l'année 2018, après les Sommets du G7 et de l'OCS, tenus en juin dernier, le premier au Canada, le second en Chine. Le Sommet du Groupe des 7 (G7), réuni les 8 et 9 juin 2018 au Canada, a confirmé que la relation entre Washington et ses alliés européens est loin de retrouver la sérénité d'antan : «En quelques secondes, vous pouvez détruire la confiance avec 280 caractères sur Twitter», a amèrement déploré le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas, en réaction au refus de Donald Trump de parapher le communiqué final du Sommet. Pour nombre d'experts, au sein même de l'empire états-unien, cette issue était prévisible : «L'idée même de convergence, symbolisée par le G20, a été pulvérisée sous les tensions de la récession mondiale, l'échec de l'éveil arabe, le révisionnisme russe et chinois et le populisme occidental. Des questions fondamentales sur l'avenir de l'ordre international sont de retour sur la table. Les plus grandes nations du monde doivent encore coopérer, mais ce sera beaucoup plus difficile qu'avant», rappelle Thomas Wright de Brookings Institution, l'un des plus anciens think tanks américains spécialisé dans la recherche et la formation dans les domaines des sciences sociales, un an avant la tenue du G7.(*) Peu après la fin du G 7 de juin 2018, la ville de Qingdao, sur la côte de la mer Jaune, abritait le 18e Sommet de l'Organisation de coopération de Shanghaï (OCS) — les 9 et 10 juin — avec deux nouveaux membres à part entière de l'organisation depuis juin 2017 : l'Inde et le Pakistan. L'OCS est devenue une organisation couvrant plus de 60% de la surface du continent eurasien, près de la moitié de la population mondiale et plus de 20% du PIB mondial. Ce qui est officiellement consacré comme étant «l'esprit de Shanghai» incarne les nouvelles valeurs hors occidentales : confiance mutuelle, intérêt commun, égalité, concertation, respect des diverses civilisations et poursuite d'un développement commun. Elles figurent dans la Charte de l'Organisation de Shanghai, une organisation régionale globale fondée en 2001 par la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie, le Tadjikistan et l'Ouzbékistan, puis élargie à huit Etats membres. Le leimotiv inaltérable des pays émergents demeure l'avènement d'un monde multipolaire envisagé avec force lors du Sommet de Shanghai et réitéré à l'occasion du fiasco occidental qui a marqué le dernier G7. L'ambition affichée du dixième Sommet de Johannesburg est de «renforcer la collaboration des Brics en vue d'une croissance inclusive et d'une prospérité partagée». Créé en 2009 puis agrandi en 2011 avec l'adhésion de l'Afrique du Sud, le groupe des Brics réunit des économies émergentes et acteurs politiques de premier plan. Les pays membres des Brics rassemblent aujourd'hui plus de 40% de la population mondiale. A l'occasion du Sommet de Johannesburg, la Russie a plaidé pour un nouvel ordre monétaire international. Son ministre russe de l'Economie, Maxime Orechkine, a insisté sur le fait que la rencontre pourrait permettre d'aborder la nécessité de se détacher de la devise américaine : «Dans tous les pays des Brics, on comprend de plus en plus qu'il faut s'orienter activement vers des échanges hors dollar.» La Chine, face aux menaces qui pèsent sur ses exportations vers les Etats-Unis, a quant à elle plaidé pour renforcer la coopération au sein des Brics dans une situation qu'elle a estimée être «la pire guerre commerciale de l'histoire». «Les pays membres du Brics devraient approfondir leur partenariat stratégique et renforcer la coopération dans des domaines tels que le commerce, l'investissement, les finances et l'interconnectivité», a déclaré jeudi 26 juillet le Président Xi Jinping.(**) «Nous devons libérer l'énorme potentiel de notre coopération économique», a-t-il ajouté, appelant à des partenariats économiques plus étroits pour une prospérité partagée au sein de la famille des Brics. La Chine mènera un projet visant à renforcer la coopération en matière de ressources humaines, inviter des experts des cinq pays à élaborer un plan pour travailler ensemble à une nouvelle révolution industrielle et améliorer la compétitivité des marchés émergents et des pays en développement, a indiqué M. Xi. «Il est important pour les pays Brics de continuer à poursuivre le développement axé sur l'innovation et de renforcer la coordination sur les politiques macroéconomiques», a encore indiqué M. Xi. A cet effet, ils disposent d'un outil de taille : le mode de coopération «Brics Plus» mis en place lors du Sommet de Xiamen qui s'est tenu en Chine le 2 septembre 2017, a-t-il rappelé, précisant que le «cercle d'amis» du Brics devrait être continuellement élargi. «Les pays du Brics devraient renforcer la coopération pour faire de la seconde décennie dorée une réalité», a souhaité M. Xi. Dans une déclaration commune le même jour, les Présidents russe Vladimir Poutine, chinois Xi Jinping, sud-africain Cyril Ramaphosa, brésilien Michel Temer et le Premier ministre indien Narendra Modi ont fait part de «leur inquiétude concernant les effets des mesures de politique macro-économique prises dans certaines grandes économies avancées». Un nouveau monde se dessine. A. B. (*)Thomas Wright, The New World Divide, Brookings, 12 juillet 2017, https://www.brookings.edu/blog/order-from-chaos/2017/07/12/the-new-world-divide/?utm_campaign=Foreign%20Policy&utm_source=hs_email&utm_medium=email&utm_content=54248289 (**) An Baiie, "Xi charts BRICS cooperation", China Daily, 27 juillet 2018. http://www.chinadaily.com.cn/a/201807/27/WS5b5a2a10a31031a351e9069b.html