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Sidi El-Gourt !
Publié dans Le Soir d'Algérie le 08 - 08 - 2018

C'est décidé les enfants ! Tu seras Bouchi, mon fils. Et tu épouseras un Bouchi ma fille !
Wantoutri...
Emporté par l'enthousiasme suscité ces dernières heures par la restauration de la statue de Aïn-Fouara, à Sétif, je sifflotais dans ma voiture, heureux comme un pinson qu'il puisse y avoir comme ça, dans ma Principauté des temps forts de réaction. Et oui ! Ils auraient pu, là-haut, faire comme si de rien n'était, voire décorer Boumartou du titre honorifique de «Grand Ouvrier de Dézédie». Et... non ! Ils ne l'ont pas fait ! Tant mieux, me disais-je en mon for intérieur, tout n'est pas pourri en notre royaume qui n'a rien à voir avec le Danemark, et qui est même mieux que le Danemark comme dirait mon ami Doc Mytho ! C'est à ce moment précis de ma réflexion profonde sur l'art, sur le Saint El Khier et les seins qui l'entourent à nouveau que j'ai freiné brusquement, manquant me faire emboutir par la voiture derrière. Mon Dieu ! Quelle beauté ! Là, sur le bas-côté de la route, une autre œuvre, visiblement une stèle en train d'être érigée par un artiste. Ah ! Le rêve continuait. Sétif a fait des émules ! Le sculpteur n'en était qu'aux prémices de son travail. La préparation ! Il entassait méticuleusement des matériaux. De la matière, pour être plus précis. Bio, selon toute vraisemblance. Ce qui a ajouté à mon bonheur débordant. Une stèle
bio ! Le nirvana ! Je me suis donc arrêté, et j'ai regardé le génie à l'œuvre. Mes rendez-vous pouvaient attendre. Pas question de rater ça. L'homme plaçait des blocs de couleur brun-ocre les uns sur les autres, dans un ordre croisé afin d'en raffermir l'assise. Arrivé à bonne hauteur, un peu plus de deux mètres à vue de nez, il s'arrêta, fit deux pas en arrière et sembla satisfait du résultat. Enhardi par sa mine plutôt avenante, et dévoré par la curiosité, je lui posais la question qui me brûlait les lèvres : «Et ça représente quoi, Maître ?» Il prit le temps de se confectionner une prise de chique, la plaça bien au fond, dans la partie supérieure de sa lèvre et lâcha d'un trait, comme un crachat : «Ça représente un bénéfice net de 15 000 dinars d'ici la mi-journée. Au prix où est El-Gourt, et au nombre de bottes de foin que je viens d'aligner, je devrais avoir tout liquidé avant midi !» Je ne sais pas comment je me suis engouffré dans ma tutute, et par quel miracle j'ai réussi à mettre aussi vite autant de distance entre cette stèle bio et moi. Je sais par contre ce que j'ai fait sur le chemin du travail, sans même freiner une seule fois : fumer du thé en restant éveillé à mon cauchemar qui continuait.
H. L.


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