A seulement huit mois des élections présidentielles d'avril 2019, les partis de la majorité présidentielle multiplient les rencontres bilatérales entre eux-mêmes, mais aussi entre chacun d'eux et les autres partis, tant proches du pouvoir que se proclamant de l'opposition. Et la cadence s'est vraiment accélérée cette dernière semaine avec, comme thème dominant à chaque fois, «le cinquième mandat». Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Tout s'accélère, en fait, après le sommet du 30 juillet dernier, au palais du gouvernement, entre le Premier ministre et secrétaire général du Rassemblement national démocratique Ahmed Ouyahia, et le secrétaire général du Front de libération nationale, Djamel Ould-Abbès. Un sommet à l'issue duquel les deux hommes ont réaffirmé, publiquement, leurs positions par rapport aux présidentielles et leur soutien au candidat Abdelaziz Bouteflika. Ce tête-à-tête à lui seul, ajouté en plus à la sortie «musclée» du chef d'état-major de l'ANP, vice-ministre de la Défense nationale, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, feront d'ailleurs exploser en plein vol, «l'initiative» du parti islamiste, le MSP, dont les desseins sont diamétralement opposés ! Il faut être sacrément naïf pour croire que Djamel Ould-Abbès et Ahmed Ouyahia aient agi «spontanément», engageant de lourds appareils comme le FLN, le RND et tout le gouvernement, sans l'aval ou instruction directe du patron, en l'occurrence Abdelaziz Bouteflika lui-même. Si l'initiative du MSP appelle (appelait ?) ouvertement à une «transition», sous contrôle de l'armée et qui se fera, nécessairement, sans, voire à l'encontre de Abdelaziz Bouteflika, la réplique des partis du pouvoir ne s'est pas trop fait attendre. «Disons que l'initiative de nos frères du MSP a eu le mérite, peut-être, de mettre un peu de dynamique sur la scène politique, estimait Ahmed Ouyahia, lundi dernier, à l'issue de la rencontre au sommet, entre son parti le RND et le parti TAJ de Amar Ghoul. En fait, les partis du pouvoir ont non seulement réussi à faire avorter le projet du MSP mais à contre-attaquer sur l'essentiel : la candidature de Bouteflika. Ce point précis, ainsi que le rôle de l'ANP, avaient constitué les seules questions de divergence entre chacun des trois partis de la majorité présidentielles, à savoir le FLN, le RND et le TAJ avec le MSP qu'ils ont rencontré séparément, en même temps que le «liant cardinal» entre les trois partis précités. C'était également le cas, hier mardi, à l'occasion du sommet bipartite entre le FLN et le TAJ. «Beaucoup de choses nous unissent, nous le FLN et le parti TAJ. D'abord la ligne nationaliste inspirée de la déclaration de Novembre 1954, mais aussi notre fidélité au président de la République», dira le SG du FLN dans son allocution d'ouverture. Le président de TAJ dira, à son tour, exactement la même chose à propos de son hôte du jour : «Nous partageons presque tout avec le FLN. D'abord la ligne ‘'novembriste'' mais également notre fidélité totale, indéfectible et permanente au président de la République». L'un comme l'autre feront comprendre, chacun à sa manière, que la question de la candidature de Abdelaziz Bouteflika pour sa propre succession en 2019 est une formalité tranchée depuis longtemps déjà ! «A TAJ, nous avons dépassé cette histoire de candidature (...) Nous en sommes au stade de préparer la campagne électorale. Voire, sommes déjà en campagne électorale. Nous sommes en train de préparer la victoire de notre Président aux prochaines élections». Cette déclaration de l'ancien ministre Amar Ghoul a le mérite de la clarté. Relancé sur cette même question lors du point de presse organisé à l'issue de la rencontre d'hier, Ghoul réaffirmera encore : Oui ! Nous le disons avec fierté et tête haute. Oui, nous sommes en pleine campagne électorale pour la candidature du Président (...) Nous menons cette campagne avec un bilan éloquent, de vingt ans de réalisations dans tous les domaines( ...) Et d'ailleurs, je tiens à remercier le FLN pour l'immense travail qu'il a effectué en dressant un bilan exhaustif des quatre mandats du Président». Pour sa part, Djamel Ould-Abbès rappellera que le FLN était le premier parti à appeler pour un cinquième mandat. «C'est le vœu de l'ensemble de nos militants. Bouteflika est le président du parti, mais le FLN n'est pas partisan du monopole. Lorsque le Président se présentera, il sera le candidat de tous». Une déclaration qui rappelle si bien celle de Ahmed Ouyahia prononcée la veille, lorsqu'il recevait le même Amar Ghoul : «J'ai l'intime conviction que le rang de ceux qui vont soutenir le 5e mandat va grossir de manière considérable dans les semaines à venir !» Le patron du FLN qui avait tranché la question dès février dernier affirmera, sur ce même plan, que «les élections présidentielles de 2019 sont, certes, importantes mais ne sont qu'une échéance électorale. Une étape. Le plus important, c'est l'avenir. C'est la feuille de route 2020-2030 tracée par le Président Abdelaziz Bouteflika pour l'Algérie». Cela se passe de tout commentaire. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, en cet été 2018 et à seulement huit mois des présidentielles, la candidature de Abdelaziz Bouteflika n'est non seulement plus un tabou, mais la seule publiquement projetée sur la scène politique et médiatique pour le moment et qui fait l'objet d'une large campagne, tant par les partis du pouvoir et ses organisations de masse comme l'UGTA, que par le gouvernement... K. A.