De notre bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari Fédérica Mogherini, politique extérieure de l'Union européenne, demande la parole. Elle lui est accordée. Italienne, altière et soucieuse de l'intérêt européen, elle met en garde les chefs d'Etat et de gouvernement réunis autour d'elle. «Le contournement, dit-elle, des arrêts de la Cour de justice de Luxembourg sont difficiles et difficilement acceptables». Elle assène encore : «Il est de notre devoir de le préciser au Maroc, nous ne pouvons pas inclure le Sahara Occidental dans des accords avec lui. Ce n'est pas possible. Ça nous coûtera cher. N'importe quel tribunal ordonnera des saisies et nous paierons de fortes amendes.» Et de conclure : «La Cour de justice européenne ne nous demande pas d'interpréter le droit, mais de l'appliquer. Faut-il vous rappeler, mesdames et messieurs, que les juges, nos juges, ont considéré le Sahara Occidental "distinct" et "séparé" du Maroc.» Puis le rituel «Je vous remercie». La chancelière Merkel, le président de la Commission Jean-Claude Juncker, le Belge Charles Michel, pourtant pas réputé pour son courage politique, les Espagnols, les Portugais, les Grecs semblent acquiescer. Personne ne sollicite d'intervention pour répondre à Fédérica Mogherini... L'on s'achemine, donc, vers un consensus au sommet autour du droit, de l'application des décisions de justice prononcées par la magistrature suprême, siège Luxembourg-City... Les présents au consulting de haut niveau sont sur le point de passer à d'autres points de l'ordre du jour... Macron, le Président français fait une mise au point et revendique la parole. Il relève «l'importance» du sujet (Sahara Occidental, ndlr) et sa sensibilité aux yeux d'un «partenaire essentiel» (sans doute pense-t-il au Maroc) pour proposer que le «dossier soit discuté par la Conférence des chefs d'Etat». Façon polie pour renvoyer la belle Mogherini se faire voir ailleurs... Merkel ne peut pas s'opposer à une approche formelle, d'autant que Macron n'a pas abordé la question fondamentale mais a simplement renvoyé à plus tard la prise de décision... Dans l'esprit du chef d'Etat français, l'essentiel est de ne pas laisser l'Union européenne se saisir de l'affaire donc dessaisir la France. La Françafrique est, certes, malmenée, mais fait de la résistance... Les gorges profondes bruxelloises ne nous disent pas, pas encore, si la chancelière allemande attend Macron au tournant du Sahara Occidental ou pas. Macron sur la question sahraouie est plus vieille France que nouveau monde. C'est ainsi que les Français ont peu à peu perdu sur tous les champs de bataille. Viêtnam, Algérie, Liban, Syrie, Libye, et sans doute, demain, Sahara Occidental... A. M.