Le régime de Bachar al-Assad a organisé hier ses premières municipales depuis 2011, un scrutin qu'il a été en mesure de tenir dans la majeure partie du territoire syrien à la faveur des succès militaires enregistrés au cours des dernières années de guerre. Plus de 6 550 bureaux de vote ont ouvert hier à 7h locales (4h GMT) et sont restés ouverts jusqu'à 19h (16h GMT) dans les régions tenues par le régime, soit près des deux-tiers du pays. «Plus de 40 000 candidats sont en lice pour 18 478 sièges dans toutes les provinces», a indiqué l'agence de presse officielle syrienne Sana. Le dernier scrutin municipal avait été organisé en décembre 2011, au début de la guerre qui ravage le pays depuis plus de sept ans et a entraîné la mort de plus de 360 000 personnes et l'exil de millions d'habitants. La majorité des candidats sont affiliés au parti du président Assad, le Baas, ce qui laisse certains habitants sceptiques. Dans la capitale Damas, qui est toujours restée sous le contrôle du gouvernement, de nombreuses affiches recouvrent les murs, la plupart du temps avec des candidats sortants briguant un nouveau mandat. Fonctionnaire âgé de 42 ans, Mohammad Kabadi va voter pour un candidat de son quartier. «Je sais exactement pour qui je vais voter, il est jeune, actif et sa victoire apportera de bonnes choses aux habitants», explique-t-il. «Changement pour le mieux» Dans l'après-midi, les médias étatiques n'avaient communiqué aucune information sur le taux de participation. Les autorités n'ont rien dit non plus sur le nombre d'électeurs appelés à voter. En raison du conflit, aucun recensement de la population n'a pu être mené ces dernières années et quasiment toutes les régions ont connu des combats au lourd coût humain et ayant poussé la population locale à fuir. Dans les régions reconquises par le régime au terme d'offensives dévastatrices, notamment dans la ville de Deir Ezzor dans l'est, ou encore l'ex-bastion rebelle de la Ghouta orientale près de Damas, les électeurs n'avaient qu'un seul mot à la bouche : reconstruction. «Je suis optimiste. Le prochain conseil va reconstruire la ville après les importantes destructions causées par des années de guerre», lance Mohamed Tah, 36 ans, à Deir Ezzor. Le pouvoir a repris fin 2017 le contrôle de toute la ville, occupée en grande partie par les jihadistes du groupe Etat islamique (EI). Dans la localité de Jisrine, dans la Ghouta orientale, où le bureau de vote a été installé dans une école, quelques électeurs ont fait le déplacement, comme Abou Haïtham, 64 ans. «Nous espérons que ces élections vont apporter un changement pour le mieux, que les rues seront refaites et le service d'électricité amélioré», dit-il. Des villages entiers de la Ghouta ont été presque entièrement détruits par les bombardements du régime et de son allié russe, qui a finalement reconquis la région en avril. Les nouveaux conseillers municipaux devraient avoir davantage de responsabilités, notamment dans les domaines de la reconstruction et du développement urbain, érigées comme l'une des priorités par le président, dans un pays où des villes entières ne sont plus que des champs de ruines. «Pourquoi voter ?» La télévision d'Etat syrienne a montré des électeurs déposant leur bulletin dans l'urne dans des bureaux près de Damas et dans les villes côtières de Lattaquié et Tartous (ouest), bastions traditionnels du président Assad. «Pourquoi voter ? Soyons honnêtes, est-ce que quelque chose va changer ?», lance Houmam, un Syrien de 38 ans travaillant à Damas dans le quartier de Mazzé. «Tout le monde sait que les résultats sont connus d'avance pour un parti dont les membres gagneront dans un processus qui ressemble davantage à une nomination qu'à une élection», ajoute-t-il. Le conflit en Syrie a débuté en mars 2011, avec la répression par le régime de manifestations réclamant des réformes démocratiques dans le sillage du Printemps arabe. Une partie des opposants a alors pris les armes puis le conflit s'est complexifié avec l'implication de puissances et mouvements étrangers, ainsi que d'organisations jihadistes comme le groupe Etat islamique (EI). En difficulté dans les premières années, le président Assad a reconquis de larges portions du territoire grâce à l'intervention militaire, depuis 2015, de son allié russe. La principale région qui échappe encore à son contrôle se trouve dans la province d'Idleb (nord-ouest), où la population vit dans la crainte d'une offensive des troupes gouvernementales soutenues par la Russie. Outre les municipales, le régime a organisé, depuis le début de la guerre, des législatives en 2016 dans les parties du pays qu'il contrôlait. La dernière présidentielle a eu lieu en 2014. Bachar al-Assad, qui a succédé en 2000 à son père Hafez al-Assad, avait été réélu pour un mandat de sept ans.