Un média international, la BBC «s'intéresse» au football algérien. Pas en termes de performances sportives de ses équipes mais au sujet du phénomène de corruption qui a atteint des niveaux insoupçonnables. Un «regard» qui risque de provoquer un «démantèlement» des réseaux dormants qui mettent en péril l'existence du sport-roi en Algérie. C'est un documentaire de 7 minutes et 31 secondes qui a été diffusé hier en ligne appuyé par un article toujours dans l'édition électronique du site britannique. Son auteur dit avoir travaillé sur le sujet pendant trois ans (saisons 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018), en s'appuyant sur des témoignages de présidents, de footballeurs, d'arbitres et des intermédiaires. «Tous ont requis l'anonymat», précise-t-il. Peu de témoignages vidéo, des dessins et caricatures, mais des bandes sonores où l'on entend les «explications» de ces fous du football. Car, à en croire l'enquête menée par la BBC qui a déjà débusqué des arbitres corrompus en Afrique (Ghana et Nigeria notamment), «l'Algérien est un passionné» des choses du football. C'est pourquoi, constate l'enquêteur de la BBC, «tout le monde peut intégrer le circuit pour arranger les matchs» des différents championnats. «Il n'est pas demandé à celui qui interfère dans les résultats des rencontres d'avoir des connaissances en football, juste quelques «amis» et des subterfuges faciles à acquérir auprès des initiés», assure la BBC qui dit que ses enquêteurs qui ont agi en secret avaient sollicité les acteurs du football en Algérie sur la «stratégie» menée dans ces pratiques. «C'est une corruption systématique et structurée sans que personne ni aucune institution ne puisse intervenir», conclue l'équipe de la BBC qui s'appuie en ce sens sur l'aveu, toujours sous couvert de l'anonymat, d'un ancien dirigeant qui était membre au sein de la Fifa. «Le football algérien a atteint un point de non-retour», affirme cet ex-haut responsable qui tranche que «désormais le football n'est plus un simple jeu». La BBC qui ne livre pas les noms de ces messieurs qui tractent dans le monde des corruptibles en Algérie du football, s'amusera, par la suite, à dresser un tableau des tarifs appliqués pour chaque rencontre de football. Des «tarifs» à toutes les «sauces» ! A titre d'exemple, un penalty offert par un arbitre corrompu dans un match d'importance, un derby notamment, rapporterait l'équivalent de 6 500 Livres sterling, soit 1 million de nos dinars. Le double de ce montant, soit 13.000 Livres sterling, est réclamé pour un nul alors que la victoire est monnayée à 50 000 Livres sterling. Un «agent agréé» pense même être en mesure de «vendre» un match à 68 000 dollars, l'équivalent de 8 millions de dinars algériens. «Et les tarifs «flambent» à la fin de chaque saison», rapporte la BBC qui précise que ces «arrangements» ne concernent pas seulement les équipes «seniors» des deux Ligues dites professionnelles mais également les rencontres de jeunes catégories. Le tout, devant une incroyable impunité, les institutions butent sur la loi du silence imposée aux acteurs du football qui veulent se débarrasser de ce «fardeau».«Il n'y a pas de place pour les champions, un jour, ils seront tous des victimes (de ce fléau, ndlr)», fait savoir la BBC qui, suivant le témoignage d'un «arrangeur de matchs», avance que «la saison 2018/2019 ne sera pas épargnée». Une menace que la FAF de Kheïreddine Zetchi semble prendre en charge «sérieusement». «L'assainissement du football est une priorité pour la nouvelle équipe dirigeante de la fédération», plaide l'ancien patron du PAC. Ceci d'autant plus que la Fifa suit «de près» l'évolution de la «chose» comme le laisse entendre un de ses porte-paroles, contacté par la BBC. «La question de la corruption dans le football nous préoccupe. C'est un dossier que nous prenons très au sérieux car nous croyons que protéger l'intégrité du football est la priorité des priorités. En tout cas, nous continuons à recueillir les données à ce sujet, lesquelles informations ont été déjà transmises aux organes et services spécialisés de la Fifa», confie-t-il. La BBC croit savoir, à cet effet, qu'une commission d'enquête rattachée au Conseil d'Ethnique et la commission de discipline de la Fifa est déjà actionnée, tout «témoignage» supplémentaire doit être transmis sur la plateforme de dénonciations (BKMS) élaborée en 2013 par l'instance faîtière du football. En tout état de cause, le football algérien est dans l'œil du cyclone. Zetchi qui a refusé de riposter aux «allégations» de la BBC, se contentera de répondre que «les informations rapportées par la BBC sur le phénomène de corruption au sein du football algérien sont antérieures à mon mandat en tant que président de la FAF. L'avènement du professionnalisme a fragilisé nos clubs et la réalité du football national», dit-il avant de conclure : «La FAF doit vérifier les témoignages sur lesquels votre enquête s'est appuyée, à savoir des allégations de témoins anonymes». M. B.
