Piquer une barre chocolatée dans une superette, subtiliser une pièce dans le portemonnaie des parents, chaparder un fruit dans un jardin privé avec une bande de copains, des petits larcins commis par la plupart d'entre nous dans l'enfance. Entre fous rires, punitions, regrets, il reste toujours ces souvenirs qu'on n'hésite pas à se raconter lorsqu'on se retrouve entre amis. PAR SORAYA NAILI Samira, 28 ans «Piquer quelque chose dans une boutique, c'est tellement excitant ! Quand j'avais 10 ou 11 ans, j'ai commis plusieurs fois ce genre de larcins. Jamais seule, mais toujours accompagnée d'une bande de camarades. A la sortie de l'école, vers 16h, nous nous engouffrions comme de sages petites filles dans une épicerie pour acheter des friandises. Notre budget était maigre, alors il fallait trouver un plan. Pendant que l'une d'entre nous occupait le vendeur, un septuagénaire avec des lunettes à gros verres, nous piquions pleins de chocolats, bonbons et sucettes. Nous ressortions de l'épicerie les poches bien garnies et partagions notre butin en gloussant. Il nous arrivait aussi de visiter les boutiques de cosmétiques. Avec discrétion, nous y subtilisions des bâtons de rouge à lèvre, des vernis à ongle, des fards à paupières. Des petits articles faciles à cacher dans la poche. La peur bloquait notre respiration, mais c'est cela qui rendait ce jeu excitant. On détalait ensuite en rigolant comme des folles. C'est vrai que nos parents nous ont appris que voler était un acte répréhensible, «qui vole un œuf vole un bœuf» rappelle aussi le dicton, mais c'était une sorte de jeu pour nous. Cela n'a duré qu'une courte période. Nous avons fini par stopper ces larcins de crainte de se faire chopper. N'empêche, ces bêtises nous ont laissé de bons souvenirs qu'il nous arrive d'évoquer lors de nos retrouvailles.» Amir, 32 ans «Je faisais les courses avec ma mère à la supérette. J'avais environ 5 ans. En passant devant les rayons de confiserie, j'ai demandé à maman une barre chocolatée. Elle m'a dit de la prendre et de la mettre dans le panier des emplettes. Dès qu'elle a tourné le dos, j'en ai profité pour m'emparer d'un second chocolat que j'ai glissé furtivement dans la poche de mon blouson. J'avais un peu peur au moment de passer à la caisse. Mais tout s'est bien passé. Sur le chemin du retour, j'ai dégusté mon chocolat. Le premier. Quant au second, je l'avais bien caché. Un peu plus tard dans l'après-midi, je me suis réfugié dans ma chambre. J'ai retiré l'emballage et l'ai englouti rapidement de crainte de voir maman débouler dans ma chambre. Malheureusement pour moi, l'emballage est resté sur mon lit. Ma mère l'a découvert. Elle m'a interrogé sur la provenance de ce deuxième chocolat qu'elle n'avait pas acheté. J'ai dû lui avouer mon vol à l'étalage. Elle m'a juste dit de l'accompagner à la supérette. Elle s'est excusée auprès du vendeur et a réglé l'achat. Je pense qu'elle a voulu me donner une leçon. Il n'y a eu ni coups ni cris de sa part. Elle m'a juste expliqué que je ne devais plus jamais voler quoi que ce soit. Je n'ai jamais oublié cette honte et bien sûr l'envie de piquer des friandises sur les étals ne m'a jamais repris.» Yacine, 29 ans «J'avais 7-8 ans et lorsque mon argent de poche se volatilisait trop vite, je piquais de quoi tenir jusqu'à la semaine d'après dans le porte-monnaie de ma mère. Ce n'était pas très difficile. Elle le posait n'importe où. Elle ne s'est jamais doutée de quelque chose. Je volais juste de quoi m'acheter des caramels, des chips, des jus... Mon pouvoir d'achat s'est sensiblement amélioré avec cette méthode que je pensais infaillible. Un jour, mon petit frère m'a surpris la main dans le sac. Pour acheter son silence, je lui ai promis de lui donner tout mon argent de poche. Il n'a rien voulu entendre et a tout balancé à mes parents. J'ai reçu la raclée de ma vie. Et plus d'argent de poche pendant un mois ! Autant dire que je fus vacciné à vie, ce jour-là. Aujourd'hui j'en ris mais sur le moment, j'ai passé un très mauvais quart d'heure.» Riad, 45 ans «On allait avec ma bande de copains chaparder des fruits dans des vergers privés. Des nèfles, des grappes de raisin, des pommes, des poires, des figues. On grimpait aux arbres, agiles comme des singes mais le ventre noué par la peur. Parfois le propriétaire nous pourchassait. Alors on courait à perdre haleine. On se calmait pendant deux semaines environ et on repartait faire des cueillettes interdites. Par la suite, le propriétaire a pris un gros chien loup. Ses aboiements terrifiants ont eu raison de nos escapades. On a laissé tomber ce verger pour un autre bien plus sécurisé. Ce chapardage nous a laissé un souvenir impérissable.» Larcins d'enfants dont on ne mesure pas la gravité lorsque l'âge de raison n'est pas encore là. Ces bêtises laissent un goût d'interdit qu'on se repasse en boucle sans jamais en piper mot à nos enfants de peur qu'ils s'en inspirent !