Résumé : À ma naissance, mon père finira de son côté par prendre la mer. C'est ma grand-mère qui est chargée de veiller sur la famille. Quand j'eus mes 14 ans, elle décide de m'emmener avec elle en voyage… 80eme partie Lors de mon premier voyage, ma grand-mère Yasmina me fera visiter l'Europe. Elle avait déjà parcouru quelques villes françaises et quelques pays avec mon grand-père au début de leur mariage, mais c'est avec moi-même qu'elle apprécia le plus ses déplacements à travers le continent. Nous passâmes un agréable séjour en Belgique, avant de partir pour Paris, où des cousins nous reçurent à bras ouverts. Je découvris les merveilles de la capitale française. Mais quand je demande à ma grand-mère de faire un tour à Marseille, elle refusa net. - Non ! Tu te rendras à Marseille quand tu seras en âge de voyager seule. Je compris dès lors que cette ville lui rappelle trop de souvenirs. Mon oncle Mohamed nous avait appris, entre-temps, que l'immeuble où Yasmina et Mouhoub avaient résidé venait d'être démoli. Une entreprise commerciale a été érigée à sa place. Ma grand-mère hoche la tête à cette nouvelle. Pour elle, c'était clair. Il était écrit qu'elle ne devait plus revoir cette ville, où elle avait connu des jours heureux. 1988 – MON COUSIN FAYçAL Aussi loin que remontent mes souvenirs, je me revois, pas plus grande que trois pommes, avec ma robe blanche à petits pois et des rubans dans les cheveux. J'étais à la maternelle. Tous les matins, trottinant derrière ma grand-mère, mon petit sac d'écolière sur le dos, je donnais la main à mon cousin Fayçal. Le petit neveu de ma grand-mère vivait chez nous depuis déjà une année, en attendant de rejoindre ses parents, partis pour s'installer en France. Fayçal avait hérité des traits de notre arrière-grand-père Mohamed. Blond aux yeux bleus, la démarche sûre, il avait de longs cheveux couleur de blé qu'on coiffait en queue de cheval afin qu'ils ne retombent pas sur ses yeux. Fayçal m'aimait beaucoup et partageait avec moi ses bonbons, ses chocolats, ses jeux, ses livres, etc. Mais j'étais l'enfant terrible et capricieuse. Jalouse de voir ma grand-mère s'occupait de lui, je ne ratais aucune occasion pour le bousculer, le faire tomber, déchirer ses cahiers ou casser ses crayons de couleur. Même à l'école, alors qu'on partageait la même table, je trouvais le moyen de gribouiller ses cahiers ou de maculer ses livres. J'aimais voir les institutrices le gronder, ou lui asséner des coups sur les mains, lui reprochant d'avoir sciemment sali ses affaires. Dans la cour de l'établissement, je m'arrangeais toujours pour lui chaparder quelques friandises, alors que je gardais précieusement mon goûter pour l'avaler plus tard, à l'abri des regards. Quelle méchante fille j'étais ! Egoïste et sans cœur. Fayçal ne m'en voulait jamais. Bien au contraire, il tentait de me consoler par tous les moyens, quand je recevais une raclée, ou quand, pour me punir de mes bêtises, ma grand-mère refusait de m'emmener en promenade. Nous avions respectivement cinq et six ans et, souvent, nous partagions nos jeux et nos lectures. Fayçal travaillait bien à l'école et s'appliquait avec moi à tracer les lettres majuscules que ma grand-mère nous apprenait. Deux années plus tard, alors que nous entamions notre deuxième année au primaire, Fayçal partit rejoindre ses parents en France. Je me rappelle que ce jour-là, j'avais pleuré comme je ne l'avais encore jamais fait. Bien que j'avais déjà des frères et sœurs, Fayçal était pour moi ce compagnon avec qui j'aimais tout partager quand il ne faisait pas office de souffre-douleur.C'était un véritable déchirement qu'on nous éloignait l'un de l'autre, alors qu'on commençait à grandir. (À suivre) Y. H.