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La prison, et ses imams-geôliers
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 10 - 2018

L'Arabie Saoudite, on y revient encore ne serait-ce que pour un pèlerinage puisque le régime wahhabite a la mainmise sur les sanctuaires de l'Islam, et qu'il n'entend pas desserrer son emprise. Certes, la monarchie finira tôt ou tard par sacrifier quelques-uns de ses dogmes religieux, comme annoncé bruyamment par l'homme fort du moment, mais sans lâcher le pactole. Que valent Boukhari, Mouslim, Ibn Taymia, et autres cheikhs voués à l'obsolescence, à côté de la manne financière que constituent les «Lieux saints», et lieux de rédemption proclamés ? Depuis des siècles, et de façon plus massive et plus efficiente ces dernières décennies, des religieux manipulateurs, au service des pouvoirs politiques, imposent leur vision de l'Islam. «Les religieux constituent un danger par leur proximité avec les hommes du pouvoir, et ces derniers représentent aussi un danger, par leur proximité avec les religieux» : cette pertinente formule est de Chahinez Ouazir, auteure égyptienne de La théologie emprisonnée.(1) Le livre publié l'année dernière a connu un certain succès lors de sa présentation au Salon du livre du Caire, qui reste vaille que vaille le plus grand rendez-vous du livre arabe. Pour cette raison sans doute, et faute d'intérêt de la part des traducteurs potentiels, l'ouvrage ne connaîtra sans doute pas la consécration qu'il mérite. Outre le fait qu'il est écrit par une femme, ce qui suppose un certain courage, voire de la hardiesse dans un pays comme l'Egypte, le livre constitue une attaque frontale contre «Al-Azhar». L'université millénaire déjà ciblée comme citadelle du conservatisme, opposée à la rénovation du discours religieux prônée du bout des lèvres par Sissi, est omniprésente, même en n'étant citée qu'une seule fois. On en finit avec Al- Azhar en quelques phrases : «Al- Azhar de quel siècle, celui des Fatimides, des Ayoubides, les Azharis qui penchent vers le soufisme, ou ceux qui inclinent au wahhabisme ?». Pour Chahinez Ouazir, l'intégrisme et la violence, que vit l'Egypte, et avec elle le monde musulman, sont la conséquence des choix dictés par des religieux, affublés du titre de «cheikh ». Les théologiens se sont donc emparés abusivement de cette appellation, réservée à l'origine et dans son sens étymologique, aux vieux, aux plus sages, et aux chefs de clans, ou de tribus. L'auteure montre comment les premiers théologiens, suivis par leurs disciples, se sont enfermés à double tour, et emprisonné les musulmans avec eux, dans une prison sans fenêtres. Elle aborde tour à tour la manière dont s'est construit le dogme dominant, dénonçant l'utilisation de titres ronflants pour désigner les geôliers de l'Islam, tels «cheikh-al-islam», ou «rénovateur du siècle». Détournement de sens : ils se réclament d'une sourate («Al-Fatir»), et n'en citent qu'un seul verset (28) qui parle de savants (Ulémas), et s'adresse plus à des scientifiques qu'à des religieux. Après s'être tressés les lauriers du chef, les théologiens ont imposé une règle quasiment intransgressible, celle de l'unanimité des «savants», qui évoque implicitement les quatre maîtres du sunnisme. Le principal argument de Chahinez Ouazir est de nature historique puisqu'elle observe que les fondateurs des quatre écoles de jurisprudence n'ont pas vécu à la même époque. Ils n'ont pu donc se réunir, discuter, et confronter leurs points de vue, pour obtenir l'unanimité sur des questions théologiques, et cette unanimité est donc une simple clause de style. Pour mieux illustrer son propos, l'écrivaine cite l'épisode de l'utilisation de l'eau courante acheminée par tuyaux, et robinets, que les Egyptiens appellent jusqu'à nos jours «Hanafiate». Pourquoi ? Parce que l'école chaféite, suivie par la malékite, avait interdit l'utilisation de ces robinets, et proclamé que toutes les ablutions faites par ce moyen étaient illicites. En réalité, il se trouve simplement que les porteurs d'eau à domicile appartenaient au rite chaféite, et craignant pour leur gagne-pain, ils avaient suscité cette fatwa interdisant l'eau courante. Le rite hanafite n'ayant pas d'adeptes, ni d'intérêts dans la corporation des porteurs d'eau, avait légalisé les robinets, rattachant ainsi son nom à cette innovation, qualifiée d'hérésie par les autres écoles. L'écrivaine n'oublie pas aussi de consacrer un chapitre au prêche du vendredi, qui n'est plus cantonné aux mosquées, mais s'impose dans les quartiers, et immeubles alentour par hauts-parleurs. De même que ces prêches, ces sermons, et autres sujets religieux se transmettent par d'autres moyens comme les fichiers audio et vidéo, ainsi que les chaînes satellitaires, diffusant le discours dominant. Chahinez Ouazir note une ressemblance quasi parfaite entre les prêches du vendredi, que ce soit au niveau du contenu, ou du ton utilisé par l'imam, à commencer par l'introduction archiconnue. La conclusion est aussi identique puisqu'elle consiste généralement à implorer Dieu pour toutes sortes de sujets, en réservant la part belle aux ennemis.(2) Ce qui est remarquable aussi dans les discours de l'immense majorité des prêcheurs du vendredi, c'est le ton comminatoire, et le rejet, ponctués par des éclats de voix, et des coups de colère. «Il ne m'est jamais arrivé d'entendre un prêche qui évoque des choses positives, donne des raisons d'espérer, et inspire un peu d'amour, et ouvre le cœur des fidèles», dit-elle. «Et le plus grave, ajoute-t-elle, c'est qu'il n'y a pas un seul fidèle qui ose interrompre l'imam lorsqu'il profère des insanités, puisque cela ne se fait pas. Il faut attendre, à la limite, la fin de la prière, mais entretemps le prêche a produit son effet». On appréciera la profession de foi, en introduction au livre : «Louange à Dieu qui m'a donné l'énergie de comprendre, et de maîtriser mon incompréhension. Louange à Dieu qui m'a beaucoup donné». Un avertissement sans doute nécessaire, mais pas nécessairement suffisant, à l'adresse de ceux qui sont prêts à dégainer anathèmes et excommunications. Pour l'instant, seuls des amis bien pensants lui ont conseillé de faire preuve de prudence.
A. H.
(1) La théologie emprisonnée (Sidjn-Al-Fiqh) - Chahinez Ouazir – Editions Battana. 2017. Le Caire. Remerciements à notre amie Fatiha Belkacem qui m'a ramené ce livre, sachant qu'il ne sera pas disponible tout de suite en Algérie.
(2) En général, les ennemis sont les juifs et les chrétiens, mais les exigences de la guerre du Yémen, et du conflit avec l'Iran, ont ajouté à l'imprécation wahhabite un passage contre les Chiites criminels (Al-Rawafidh almoudjrimine).


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