L'émir du Qatar a demandé hier aux autres Etats du Golfe de respecter la «souveraineté» de son pays et averti que même lorsque les crises politiques régionales passent, elles laissent des «traces durables». Depuis 17 mois, un grave différend oppose le Qatar à l'Arabie Saoudite et trois de ses alliés qui accusent le petit mais richissime émirat gazier de flirter avec des groupes islamistes, dont les Frères musulmans, et de se rapprocher de l'Iran. L'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, a jugé «vraiment regrettable» que cette crise ait révélé l'incapacité du Conseil de coopération du Golfe (CCG) «à réaliser ses objectifs et à répondre aux aspirations des peuples» de la région. Selon lui, cela a affaibli le CCG, dont le rôle régional et international a été «marginalisé» du fait de la tourmente diplomatique. Il a expressément demandé à ses rivaux régionaux de ne pas «s'ingérer» dans les affaires des autres pays. «La sécurité et la stabilité de nos Etats du Golfe et des Etats arabes ne seront pas assurées en cherchant à saper la souveraineté des Etats ou à s'ingérer dans leurs affaires intérieures», a-t-il déclaré lors d'un discours annuel devant le Conseil de la Choura, un organe consultatif. Après avoir appelé au dialogue, il a ajouté : «L'Histoire nous apprend que les crises passent mais que leur mauvaise gestion laisse derrière elle des traces durables». Le 5 juin 2017, l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l'Egypte ont rompu leurs relations diplomatiques avec Doha et ont imposé un embargo au Qatar qui a dénoncé des tentatives de «mise sous tutelle» de sa politique étrangère, voire de «changement de régime». Le CCG comprend l'Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar. Le Koweït et Oman n'ont pas rompu leurs liens avec le Qatar. Le Koweït a même tenté plusieurs médiations, sans succès. Dans son discours, cheikh Tamim a déclaré qu'en dépit de la crise du Golfe, l'émirat resterait le plus grand exportateur mondial de gaz naturel liquéfié et que Doha avait multiplié les accords énergétiques, mentionnant de nouveaux contrats avec la Chine. «Nos exportations de pétrole et de gaz n'ont pas été affectées par l'embargo», a-t-il ajouté. L'émir a admis que les préparatifs pour accueillir la Coupe du monde de football en 2022 au Qatar n'étaient «pas faciles» en raison de la situation politique régionale, mais que Doha avait fourni les «fonds nécessaires» aux organisateurs du tournoi. Le Qatar dépense environ 500 millions de dollars par semaine pour des projets directs ou indirects liés au Mondial-2022. Cheikh Tamim, 38 ans, au pouvoir depuis 2013, a également adressé un avertissement à la population du Qatar, affirmant que la richesse de l'émirat devait être associée à des valeurs éthiques et morales. «Le haut niveau de vie doit être accompagné par le développement de valeurs», a-t-il dit, ajoutant que si cela n'était pas le cas, «un Etat de corruption sociale» pourrait émerger.