G�ographe et g�opoliticien, Yves Lacoste est n� en 1929 au Maroc o� son p�re exer�ait la fonction de g�ologue. Au d�but des ann�es 1950, avec sa femme Camille Lacoste-Dujardin, anthropologue sp�cialiste des Berb�res, il travaille en Alg�rie o� il effectue sa premi�re th�se d�Etat sous la direction de Jean Dresch. Il prend contact, lors de ce s�jour, avec des militants anticolonialistes. Membre du PCF qu�il ne quittera qu�en 1956, il r�digera des articles pour la presse communiste alg�rienne, notamment sur Ibn Khaldoun qu�il fera par la suite conna�tre en France puis en Europe. Il cr�e au d�but des ann�es 1960 la revue H�rodote � qui existe encore � et lance un pav� dans la mare avec son ouvrage La g�ographie, �a sert d�abord � faire la guerre. Il r�introduit la g�opolitique en France, la d�barrassant de l�image de �science nazie�. Dans ce livre, il distingue trois g�ographies : 1) Scolaire et universitaire. 2) �spectacle� 3) �instrument de pouvoir�. Les deux premi�res cachent la troisi�me. Ce livre r�sulte de son s�jour au Vietnam en 1972 � l�issue duquel il a accus�, dans un article, les Etats-Unis d�avoir bombard� les soubassements des digues des deltas du fleuve Rouge afin de provoquer la destruction du barrage et de faire passer les morts pour les victimes d�une catastrophe naturelle. Yves Lacoste ajoute � la g�ographie les concepts de territorialit� et repr�sentations (id�es, perceptions, imaginaires collectifs). On ne peut pas, selon lui, consid�rer les facteurs g�ographiques hors du contexte politique. De m�me, il critique l�ob�issance des cartes aux seules lois �conomiques en dehors de la topographie et l�impact politique sur l�espace. Dans La question post-coloniale, une analyse g�opolitique (Fayard), son dernier ouvrage en date, Yves Lacoste va a contre-courant de l�approche inspir�e des postcolonial studies am�ricaines, elles-m�mes inspir�es des th�ories de la d�construction de Jacques Derrida et Michel Foucault. Ces approches, selon Yves Lacoste, consid�rent la colonisation et l�esclavage comme un p�ch� originel de l�Occident sans tenir compte des r�alit�s historiques qui d�clinent des situations sp�cifiques � chaque pays et � chaque �poque. Pour cela, Yves Lacoste d�crit la sp�cificit� de chaque colonisation et surtout de chaque lutte pour l�ind�pendance. Les colonisations de l�Inde et de l�Alg�rie, pour prendre deux exemples, ne peuvent �tre inscrites dans la m�me conclusion tant elles sont diff�rentes � tous points de vue. Comme les choses sont loin d��tre manich�ennes de sorte � entrer dans des sch�mas commodes, Yves Lacoste montre, dans ce livre iconoclaste d�une certaine mani�re, que l�immigration post-coloniale en France a �t� principalement alg�rienne. Il est difficile de r�pondre aux jeunes des banlieues qui se sont soulev�s en 2005 qui demandent pourquoi leurs parents, surtout les Alg�riens, patriotes, d�fendant l�ind�pendance de l�Alg�rie, sont venus d�s s�installer en France. La r�ponse � cette question est ce �non-dit (est) l�une des raisons profondes pour lesquelles la question post-coloniale prend depuis peu les formes d�une crise grave�. Yves Lacoste propose une relecture �rudite, rigoureuse et audacieuse du colonialisme et des ind�pendances, nourrie par une vie de r�flexion et de travail sur les enjeux g�opolitiques. Il r�pond ici � quelques-unes des questions que soul�ve la lecture de son livre. Interview r�alis�e par Arezki Metref
Le Soir d�Alg�rie : La question post-coloniale : de quoi parle-t-on ? Yves Lacoste : On a commenc� � parler de la question post-coloniale en France, bien apr�s l�ind�pendance de l�Alg�rie, et surtout depuis les grandes �meutes qui se sont produites en novembre 2005 dans la plupart des banlieues des grandes villes fran�aises. Le terme de �question� indique qu�il ne s�agit pas d�un fait pr�cis, mais d�un ensemble de ph�nom�nes plus ou moins bien d�finis sur lesquels, dans les m�dias, on s�interroge quant � leur nature pr�cise. Il ne s�agit donc pas de d�signer tous les changements (�conomiques, sociaux, d�mographiques, politiques, culturels) qui se sont produits depuis l�ind�pendance des colonies � celle de l�Inde date de 1946 � aussi bien dans les ex-m�tropoles coloniales que dans les pays qui ont �t� colonis�s. Dans chacun de ces derniers, on ne parle pas d��poque post-coloniale, on dit depuis l�ind�pendance. C�est dans les pays qui avaient des colonies, que l�on parle aujourd�hui de question post-coloniale. Ne pas confondre question post-coloniale telle que je la d�finis dans mon dernier livre et les am�ricaines postcolonial studies (sans tiret entre post et colonial). Celles-ci sont apparues, plus t�t, dans les ann�es 1970 aux Etats- Unis dans les d�partements de litt�rature (et non d�histoire) de certaines universit�s. Les personnes qui ont lanc� postcolonial studies n��taient pas originaires de Cuba, de Porto-Rico ou des Philippines, des pays qui avaient �t� plus ou moins sous domination am�ricaine, mais principalement de l�Union indienne et d�autres anciennes colonies britanniques. Ces personnes ont surtout des pr�occupations philosophiques, et assez peu le souci de pr�cisions historiques ou g�opolitiques. La premi�re � avoir entrepris des postcolonial studies est Mme Gayatri Chakravorty (�pouse Spivak)) venue de Calcutta pour faire une th�se sur un grand po�te irlandais Yeats, prix Nobel de litt�rature qui avait r�clam� l�ind�pendance de son pays encore domin� par les Anglais. Mais Mme Gayatri s�est ensuite orient�e sur des consid�rations litt�raires et philosophiques beaucoup plus vastes, sous l�influence de philosophes fran�ais � la mode, Michel Foucault, Derrida, Deleuze, etc. qui ne s�int�ressent gu�re � la question de l�ind�pendance, mais surtout � l�influence culturelle des id�es occidentales, m�me dans des pays asiatiques qui n�ont jamais �t� colonis�s. Les postcolonial studies ne s�int�ressent pas tellement aux questions historiques et g�opolitiques, mais � des concepts � la mode difficilement d�finissables tels que la post-modernit�, le post-national, le post-industriel, le post-marxisme, le post-structuralisme, etc. Ces discours des postcolonial studies commencent � se r�pandre en France depuis 2005. Mais je n�en parle gu�re dans le livre que je viens de publier sur La question postcoloniale (avec un tiret entre post et colonial) et qui traite de probl�mes politiques tr�s concrets dans les Etats europ�ens qui ont domin� des pays colonis�s jusqu�� l�ind�pendance de ceux-ci. A mes yeux, la question g�opolitique de l�ind�pendance est capitale et c�est une grande diff�rence avec les postcolonial studies qui sont un discours tr�s g�n�ral. Dans les diff�rents Etats europ�ens qui furent des m�tropoles coloniales, ce que l�on appelle aujourd�hui la question post-coloniale ne s�est pas pos�e tout de suite apr�s les ind�pendances de leurs colonies, mais vingt ans plus tard. Cette question post-coloniale traduit dans les anciennes m�tropoles coloniales les difficult�s d�int�gration des enfants et petits-enfants des premiers immigrants venus des anciennes colonies. Ceux-ci sont venus dans leur ancienne m�tropole coloniale parce qu�ils parlaient la langue de leurs anciens colonisateurs. Les �migrants des anciennes colonies britanniques (devenues assez facilement ind�pendantes) sont venus en Angleterre o� ils eurent en principe les m�mes droits que les citoyens britanniques n�s en Grande-Bretagne. Les �migrants des anciennes colonies o� les colonisateurs parlaient fran�ais sont venus en France ou en Belgique. Les �migrants des anciennes colonies portugaises (o� les luttes pour l�ind�pendance furent tr�s dures) sont venus au Portugal. Dans les premiers temps, ces immigrations en provenance de ces ex-colonies ne pos�rent pas de grands probl�mes dans les ex-m�tropoles coloniales, car � cette �poque, il y avait encore de grands besoins de maind��uvre. C�est vingt � trente ans plus tard, alors que le ch�mage s�accroissait en Europe occidentale, que l�on commen�a � consid�rer que cette immigration en provenance des colonies pouvait poser des probl�mes : les petits-enfants des premiers immigr�s, lorsqu�ils �taient concentr�s dans certains quartiers, commenc�rent � manifester violemment contre les discriminations � l�emploi dont ils �taient victimes, bien qu�ils aient la nationalit� du pays europ�en o� ils sont n�s. En France, la premi�re de ces manifestations bruyantes et spectaculaires se produisit en 1981, aux Minguettes, un quartier populaire pr�s de Lyon, peu apr�s la victoire �lectorale de la gauche et l��lection � la pr�sidence de Fran�ois Mitterrand et l�on a pu croire alors que ces �meutes avaient �t� foment�es par des agents provocateurs pay�s par la droite. Ce n��tait, semble-t-il, pas le cas. Depuis, ces manifestations tumultueuses et le plus souvent nocturnes de �jeunes issus de l�immigration� postcoloniale se succ�dent, s�par�ment, jusqu'� novembre 2005 o�, pendant plusieurs semaines, elles se sont produites simultan�ment dans la plupart des quartiers populaires des banlieues. A noter que le terme de banlieue est trop g�n�ral, car les communes de banlieue doivent �tre distingu�es les unes des autres, selon qu�elles sont tr�s riches (comme Neuilly pr�s de Paris) ou habit�es par des classes moyennes, ou d�habitats populaires anciens ou modernes. A quoi reconna�t-on ce que vous nommez le �paradoxe fran�ais� dans l�appr�hension g�opolitique de la question post-coloniale en France ? C�est seulement depuis quelques ann�es que certains commencent � penser qu�il y a un paradoxe de la question postcoloniale en France. Durant les ann�es 1960-1970 , la plus grande partie de l�opinion fran�aise (� l�exception des �rapatri�s �) consid�rait comme normale la pr�sence en France d�Alg�riens install�s avec leur famille l� o� ils avaient pu trouver � se loger tant bien que mal (y compris dans les bidonvilles), car � l��poque les Fran�ais avaient encore beaucoup de mal � trouver un appartement. Les �harkis� qui avaient pu fuir l�Alg�rie en 1962 �taient retenus dans des camps , car le gouvernement du g�n�ral de Gaulle craignait qu�ils servent d�auxiliaires aux ultra-colonialistes de l�OAS. A bien y r�fl�chir aujourd�hui, cette installation en France de familles alg�riennes (les Marocains et les Tunisiens viendront plus tard) �tait assez paradoxale, apr�s la terrible guerre qui s��tait d�roul�e entre l�arm�e fran�aise et les combattants. On pouvait s�en f�liciter, ce fut mon cas, et y voir la preuve que des relations nouvelles s��tablissaient entre la France et l�Alg�rie. C��tait aussi le cas, plusieurs ann�es apr�s la Seconde Guerre mondiale, entre la France et l�Allemagne, mais de nombreux Fran�ais n�all�rent pas pour autant s�installer en Allemagne, ni des Allemands en France. Les �meutes de plus en plus nombreuses qui sont d�sormais men�es dans les banlieues fran�aises, principalement par des �jeunes issus de l�immigration �, sont la preuve que tout n�est pas apais� dans les relations franco-alg�riennes. Ces jeunes de parents alg�riens qui sont de nationalit� fran�aise, puisqu�ils sont n�s en France, se plaignent, non sans raison, de discrimination en mati�re d�emploi, de l�attitude de la police � leur �gard, mais ils �prouvent aussi un grand malaise affectif : ils ne comprennent pas pourquoi ils sont n�s en France, et pourquoi ils parlent la langue des colonialistes qui ont opprim� l�Alg�rie et martyris� tant de patriotes alg�riens. Ils ne comprennent pas pourquoi leurs grands-p�res sont venus en France juste apr�s la fin de la guerre d�Alg�rie. Le paradoxe encore tr�s peu connu de la question post-coloniale en France est qu�apr�s cette guerre si longue et si cruelle, ce sont des patriotes alg�riens, qui pour beaucoup avaient lutt� contre l�arm�e ou la police fran�aise, qui sont d�abord venus ou revenus en France. Il ne faut �videmment pas les confondre avec les harkis qui avaient �t� oblig�s de s�associer � l�arm�e fran�aise. Alors que l�on aurait pu penser qu�apr�s cette si cruelle guerre, les Alg�riens dans leur ensemble ne voudraient plus jamais venir en France ,ni m�me parler fran�ais ou entendre parler de la France, le paradoxe est que des patriotes alg�riens sont venus en France d�s 1962. Ils y ont profit� des lois d�amnistie promulgu�es par le g�n�ral de Gaulle, lois d�abord destin�es � passer l��ponge sur les crimes d�ultra-colonialistes contre des Alg�riens, mais aussi contre des Fran�ais qui avaient voulu la fin de cette guerre. Pour comprendre ce paradoxe, il faut tenir compte que la guerre d�Alg�rie a eu des aspects tr�s complexes et m�me contradictoires, tant du c�t� fran�ais que du c�t� alg�rien. L�Arm�e de lib�ration nationale (ALN) qui avait pu se constituer en Tunisie et au Maroc, sous le commandement du colonel Boumedi�ne avec des volontaires alg�riens et des armes fournies par les pays arabes, n�avait pas pu p�n�trer sur le territoire alg�rien, en raison des barrages �lectrifi�s �tablis par l�arm�e fran�aise. Lorsque ces barrages furent lev�s, l�ALN se heurta en juillet 1962, aux environs d�Alger, avec les combattants kabyles de la Wilaya III et une s�rie de malentendus provoqu�rent de violents combats, et l�ann�e suivante, une insurrection kabyle qui fut aussi bris�e. Pour �viter d��tre captur�s, des combattants de la Wilaya III choisirent d�aller en France et d�y attendre la venue d�un autre r�gime en Alg�rie, ce qui ne fut pas le cas, le colonel Boumedi�ne ayant pris le pouvoir en 1965. De surcro�t, d�autres Alg�riens parvinrent � partir en France. On sait �videmment qu�en 1954, le mouvement national alg�rien se divisa en deux tendances, celle du vieux parti PPA qui se d�nomma MNA et un nouveau parti, le FLN. On sait, h�las, que ces deux tendances se livr�rent � une lutte tr�s dure, attis�e par les services secrets fran�ais. Apr�s 1962, des partisans du MNA qui avait pu �chapper au FLN, partirent eux aussi en France. Beaucoup d�Alg�riens s�y trouvaient d�j� car leur nombre avait doubl� durant le temps de la guerre d�Alg�rie, le FLN ayant souhait� qu�ils aillent gagner de l�argent en France, pour alimenter ses finances. L� aussi, une lutte tr�s dure opposa les militants du FLN � ceux du MNA . Aussi beaucoup d��migr�s alg�riens ne sont pas retourn�s dans leur pays, pour �viter d�y subir un pouvoir aussi autoritaire, et ils se sont fix�s en France, en attendant que les tensions s�apaisent en Alg�rie. Les jeunes �issus de l�immigration alg�rienne� ne sont pas au courant de tout cela, car leurs p�res et leurs grands-p�res ne leur ont pas parl� de ces questions p�nibles que le gouvernement alg�rien a longtemps �vit� d��voquer. Plus r�cemment, � partir de 1992, les �v�nements tr�s graves qui se sont d�roul�s en Alg�rie jusqu�� la fin de la d�cennie, les chefs de l�arm�e alg�rienne s�opposant aux mouvements islamistes qui voulaient prendre le pouvoir, ont provoqu� un nouvel exode d�Alg�riens vers la France. Certes, depuis 1975 l�immigration n�y est en principe plus possible, mais elle continue de fa�on notable selon le principe du �regroupement familial� mis en place en 1976. La question post-coloniale se pose de fa�on tr�s diff�rente dans les autres pays d�Europe occidentale qui ont domin� des territoires coloniaux. En effet, les colonies britanniques et tout d�abord l�Inde � qui �tait par sa population, la plus importante de toutes les colonies � sont devenues ind�pendantes sans conflit majeur. D�s 1946, le gouvernement britannique a proclam� sa volont� de pousser l�Inde � devenir au plus vite ind�pendante et il a envoy� une importante d�l�gation mettre en �uvre cette d�cision, ce qui fut fait en 1947. Les Anglais ne voulaient pas se trouver m�l�s et avoir � intervenir dans les luttes qui commen�aient en Inde entre hindous et musulmans, ce qui a provoqu� la �partition� entre l�Union indienne et le Pakistan. Les colonies britanniques d�Afrique sont devenues ind�pendantes de la m�me fa�on et en 1960, le g�n�ral de Gaulle a d�cid� de faire de m�me pour les colonies d�Afrique tropicale. En France, la question postcoloniale se pose aussi de fa�on tr�s particuli�re en raison de la concentration dans certains quartiers d�une notable proportion d�origine immigr�e. Ce n�est pas le cas dans les autres exm�tropoles coloniales. Un des rep�res g�opolitiques de la filiation entre la question coloniale et la question post-coloniale, ce sont les �grands ensembles�, les banlieues. En quoi et de quoi sont-ils signifiants ? Le paradoxe de la question post-coloniale en France est qu�elle r�sulte pour une grande part de la forte concentration g�ographique des probl�mes qu�elle pose. Cette concentration dans ce que l�on appelle les �grands ensembles� de logements sociaux (HLM) ne r�sulte pas, quoi qu�en disent certains, d�une volont� de �ghetto�ser� les immigr�s et leurs familles. C�est bien plus la cons�quence de l��volution des probl�mes urbains en France. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il y avait en France une tr�s grande p�nurie de logements, non seulement � cause des destructions de la guerre, mais aussi parce que dans l�entre-deux-guerres, on avait tr�s peu construit en France, � cause du d�clin d�mographique. De ce fait, la main-d��uvre qualifi�e dans les m�tiers de la construction est pass�e dans d�autres activit�s et industries, et elle n�existait plus apr�s la guerre. Pour pallier cette tr�s grave p�nurie de logements et de main-d��uvre qualifi�e, on a d�cid� de construire en s�rie de grands groupes de logements (comptant parfois plusieurs milliers), des barres et des tours sur des terrains bon march�. Ceci a permis de baisser leur prix de revient, tout en leur donnant un tr�s bon standard d��quipement. Ces logements dont les loyers n��taient pas n�gligeables ont �t� attribu�s � des jeunes m�nages de classe moyenne. Jusqu�� ce que le gouvernement, � la fin des ann�es soixante, d�cide de favoriser le logement des familles nombreuses, en leur accordant des indemnit�s de logement au prorata du nombre de leurs enfants. Dans le m�me temps, les locataires des grands ensembles ont �t� inform�s que leur loyer serait d�sormais major�. Ils ont donc pr�f�r� acheter � cr�dit (sur 25-30 ans) un pavillon dans les grands lotissements qui �taient en construction dans la grande banlieue. Aussi, en tr�s peu de temps, le peuplement des grands ensembles a compl�tement chang�, les premiers occupants �tant remplac�s par des familles ayant un grand nombre d�enfants, c�est-�-dire principalement des familles immigr�es, notamment d�origine alg�rienne. Ce sont, en effet, des Alg�riens qui ont longtemps form� la majeure partie de l�immigration maghr�bine en France. Pour cette population nouvelle des �grands ensembles�, les premi�res ann�es ont �t� favorables. Mais � partir de 1975, le ch�mage a beaucoup augment� et il s�est particuli�rement fait sentir dans les �grands ensembles� et pour beaucoup de familles la ressource a �t� fournie par les �allocations familiales� qui versent des sommes importantes quand il y a six ou sept enfants. Mais ceux-ci, apr�s avoir grandi, ont rencontr� les difficult�s du ch�mage et n�ont gu�re trouv� de travail � l�ext�rieur. Les �grands ensembles� ont donc connu une forte croissance d�mographique, une tr�s forte proportion de jeunes qui ne vont gu�re � l�ext�rieur, un surpeuplement des logements qui peu � peu se sont d�grad�s. Sont apparues, presque dans chaque grand ensemble, des �bandes de jeunes� plus ou moins rivales, qui ont chacune �leur� territoire et qui ne veulent surtout pas que s�y exerce une autre autorit� que la leur, surtout s�il s�agit de la police. Des incidents �clatent, sous des pr�textes divers, qui tournent � l��preuve de force avec la police. Celle-ci n�aime pas intervenir dans ces �grands ensembles� dont elle ne conna�t pas la topographie souterraine (les caves) et o� elle est expos�e � des jets de divers mat�riaux du haut des tours. Pour manifester leur col�re, les �jeunes�ont pris l�habitude syst�matique de mettre le feu � la nuit �a se voit mieux � aux automobiles gar�es au pied des tours et des barres. Les cha�nes de t�l�vision filment ces �v�nements spectaculaires, ce qui a pour effet de faire croire � l�ensemble de l�opinion que les �jeunes issus de l�immigration � sont incontr�lables, et ce qui a aussi pour effet d�accro�tre la discrimination dont ils se plaignent. Le fait qu�ils aient pris l�habitude, dans les stades, de siffler La Marseillaise, au d�but des comp�tions de football, est tr�s peu appr�ci� par l�ensemble des Fran�ais, d�autant que le parti d�extr�me droite tire argument de ce genre d�incidents. Toutes les populations �issues de l�immigration� ne sont pas d�origine alg�rienne (les Marocains sont d�sormais plus nombreux) et toutes ne vivent pas dans les �grands ensembles� que nombre de familles souhaitent quitter. Il y a environ 700 grands ensembles en France, ce qui fait � peu pr�s quatre � cinq millions d�habitants, soit presque la moiti� du total approximatif de la population issue de l�immigration : cinq millions de musulmans d�origine maghr�bine auxquels s'ajoutent presque autant de gens en provenance d�Afrique sub-saharienne qui sont aussi pour beaucoup des musulmans. Le nombre des uns et des autres s�accroissant par le �regroupement familial�. Il ne faut pas n�gliger les personnes d�ascendance africaine venues des Antilles et de la R�union, et ne pas oublier les Vietnamiens. A propos de ceux-ci, on peut se reposer d�une autre fa�on la question suivante : la gravit� de la question post-coloniale en France r�sulte-t-elle de la duret� et de la longueur de la guerre d�Alg�rie? La guerre du Vietnam (1947-1954) dura autant et elle fut aussi tr�s dure. On sait qu�elle se termina par la victoire spectaculaire et indiscutable de Dien Bien Phu sur le corps exp�ditionnaire fran�ais. La conf�rence internationale de Gen�ve divisa alors le Vietnam en deux moiti�s, l�une au nord, laiss�e aux communistes, l�autre au sud qui passa sous influence am�ricaine. Les catholiques du nord qui, avec les Fran�ais, avaient combattu les communistes, s�exil�rent au sud. Quelques-uns partirent en France, mais il n�y eut alors que tr�s peu de Vietnamiens � venir en France. D�abord, � cause de l��loignement et surtout parce qu�ils voulaient avec les Am�ricains continuer de combattre contre les communistes, ce qui fut le cas jusqu�� la victoire communiste de 1975. Beaucoup de Vietnamiens anti-communistes all�rent aux Etats-Unis, d�autres vinrent en France. Ils y furent bien accueillis et on les logea � Paris dans un groupe d�immeubles qui venaient tout juste d��tre achev�s (pr�s de la place d�Italie). Ces Vietnamiens qui �taient notamment des Chinois fortun�s du Vietnam rachet�rent bient�t ces immeubles puis les commerces voisins : d�o� la formation d�un v�ritable quartier chinois et d�un centre commercial chinois tr�s actif. Th�oriquement, cette immigration sino-vietnamienne est elle aussi post-coloniale, mais diff�r�e de trente ans apr�s la fin de la colonisation fran�aise. Ces sino-vietnamiens progressent discr�tement dans d�autres quartiers (o� fonctionnent plus ou moins clandestinement des entreprises et des commerces chinois), mais ne connaissent pas les difficult�s des autres immigrations post-coloniales en France. Les conflits entre les jeunes des ghettos et la police sont-ils des affrontements qui restent dans le droit fil des conflits coloniaux ? La comparaison est souvent faite dans des journaux et des discours d�extr�me-gauche et les �jeunes� des grands ensembles en sont persuad�s. Mais personnellement, je ne le crois pas, car c�est oublier la violence qu�avaient les conflits coloniaux. Dans les luttes pour l�ind�pendance, les indig�nes n�ont aucun droit face aux troupes coloniales et celles-ci agissent pour tuer. Et plus elles tuent d�adversaires et plus elles sont f�licit�es. Cela n�a rien � voir avec les incidents qui se d�roulent dans les banlieues entre les forces de police et les jeunes qui sont officiellement fran�ais. Ils re�oivent au pire des coups de matraque, s�ils sont bless�s, ils sont imm�diatement transport�s � l�h�pital ; s�ils sont arr�t�s, ils ont bient�t pour les d�fendre un avocat ; compte tenu de leur jeunesse, s�ils sont convaincus de d�lits graves, c�est dans un tribunal pour enfants qu�ils sont jug�s. Dans ces �meutes, la mort dans un affrontement avec la police, d�un �jeune� de banlieue, fait tr�s exceptionnel jusqu�� pr�sent, provoque � juste titre dans les m�dias de gauche un v�ritable scandale et le gouvernement est fort embarrass� devant l�opinion fran�aise et internationale. Mais il me para�t tr�s abusif et m�me dangereux de laisser entendre qu�aujourd�hui ces affrontements avec la police de jeunes d�origine maghr�bine sont la cons�quence de ce qu�ont subi les patriotes alg�riens dans leur lutte pour l�ind�pendance. Qui sont aujourd�hui les �indig�nes de la R�publique� ? En janvier 2005, un groupe de jeunes intellectuels �issus de l�immigration� ont publi� un manifeste dans lequel ils d�non�aient les discriminations dont sont victimes l�ensemble des jeunes eux aussi �issus de l�immigration �. Selon ce manifeste, ces �jeunes� seraient aujourd�hui trait�s en France comme les indig�nes �taient autrefois trait�s dans les colonies. L�expression �les indig�nes de la R�publique� fait choc d�autant plus qu�elle souligne la contradiction avec les principes de Libert�, d�Egalit� et de Fraternit� auxquels se r�f�re la R�publique fran�aise. Mais il est faux et dangereux de pr�tendre que les personnes �issues de l�immigration� et de nationalit� fran�aise sont trait�es comme l��taient autrefois les indig�nes dans les colonies fran�aises. Ceux-ci n��taient pas citoyens fran�ais et pendant longtemps ils n�ont eu aucun des droits des citoyens fran�ais, et notamment pas de droit de vote. Ce fut, entre autres, longtemps le cas en Alg�rie, qui �tait en principe trois d�partements fran�ais officiellement, mais en fait une colonie. Les �indig�nes n�y avaient pas le droit de vote (ils n�avaient donc pas � faire le service militaire), ils n��taient pas citoyens fran�ais, mais �sujets fran�ais�. Cependant en 1947, le nouveau statut de l�Alg�rie les a proclam�s citoyens fran�ais, mais pour �lire les d�put�s � une Assembl�e alg�rienne, soi-disant autonome, les Europ�ens et musulmans �taient divis�s en deux �coll�ges�. Les musulmans �lisaient le m�me nombre de d�put�s que les Europ�ens, alors que les premiers �taient presque dix fois plus nombreux que les seconds. L�in�galit� �tait donc �vidente. En France, les personnes �issues de l�immigration � et de nationalit� fran�aise ont les m�mes droits que tous les autres Fran�ais, droit de vote (mais pour le moment elles ne votent gu�re, ce qui est dommage), allocations familiales importantes pour les familles nombreuses, indemnit�s de ch�mage. Les immigr�s qui ne sont pas de nationalit� fran�aise et qui ne sont pas des �clandestins� b�n�ficient d�ailleurs aussi des allocations familiales et indemnit�s de ch�mage. Tout cela n�existait gu�re autrefois dans les colonies. Le manifeste des indig�nes de la R�publique se termine par l��vocation des �massacres de S�tif� qui ont suivi les �meutes du 8 Mai 1945, le jour de la fin de la Seconde Guerre mondiale, o� de nombreux volontaires alg�riens, marocains, tunisiens, africains avaient courageusement combattu notamment pour la lib�ration de la France. C�est ce qu�a rappel� r�cemment le beau film Indig�nes et j�avais regrett� qu�� la fin, il ne fasse aucune allusion � ces �meutes de S�tif. Les massacres qui ont suivi sont un �pisode tragique et scandaleux dans l�histoire des relations de la France avec l�Alg�rie et il me para�t juste et utile de le rappeler. Mais il faut les replacer pr�cis�ment dans le contexte. Il faut rappeler que d�s 1940, la grande majorit� des Fran�ais d�Alg�rie ont �t� tr�s favorables au r�gime du mar�chal P�tain. Ils ont approuv� des mesures plus graves que celles qui ont �t� d�cid�es en France contre les Juifs d�Alg�rie (sauf �videmment que ceux-ci n�ont pas �t� d�port�s par les Allemands). Lorsque apr�s le d�barquement am�ricain en Afrique du Nord, le g�n�ral de Gaulle a install� � Alger le gouvernement provisoire de la R�publique fran�aise, il a supprim� les mesures d�cid�es par P�tain, au grand m�contentement des Europ�ens d�Alg�rie. Ils ont �t� encore plus m�contents lorsque de Gaulle a promis aux Alg�riens musulmans qu�ils deviendraient apr�s la guerre citoyens fran�ais, pour encourager nombre de jeunes Alg�riens � combattre pour la France, ce qu�ont fait beaucoup d�entre eux. Ceux-ci, la guerre �tant termin�e, devaient regagner l�Alg�rie et ils y auraient r�clam� ce qu�avait promis de Gaulle. Mais celui-ci, en ao�t 1944, avait regagn� Paris lib�r�, avec son gouvernement et le 8 mai 1945, les Europ�ens d�Alg�rie et les autorit�s militaires laiss�es sur place ont tir� pr�texte des �meutes de S�tif pour mener une terrible r�pression, afin de dissuader � l�avance les soldats d�mobilis�s qui allaient revenir de France, d�exiger l�application des r�formes promises par de Gaulle. Celui-ci n�a gu�re �t� inform� des massacres qui se produisaient alors en Alg�rie et apr�s coup, la commission d�enqu�te qu�il envoya pour faire la lumi�re sur ce drame, fut emp�ch�e d�agir. Il faut rappeler ce drame de S�tif et expliquer tout cela. Contrairement � ce que proclament les �Indig�nes de la R�publique� ce n�est pas la France qui a massacr� des Alg�riens, c�est un groupe de colonialistes qui avaient �t� favorables au r�gime de Vichy qui �collaborait� alors avec le r�gime hitl�rien. Sur quoi se basent les repr�sentations g�opolitiques du colonialisme dans l��re postcoloniale ? Aujourd�hui, en France, dans l�ensemble de l�opinion, le colonialisme fait l�objet de graves critiques, parce que les Fran�ais dans leur grande majorit� ont �t� soulag�s par la fin de la guerre d�Alg�rie et parce que d�s l�ind�pendance de l�Alg�rie, ils ont repouss� toute id�e d�intervenir dans les affaires de l�Alg�rie. Aussi on ne veut plus entendre parler en France de la colonisation et le plus souvent l�id�e qu�on s�en fait est tout � fait simpliste. On ignore que la plupart des conqu�tes coloniales furent en v�rit� assez faciles et qu�elles se sont faites (notamment en Inde) avec la complicit� de notables indig�nes qui ont profit� des changements juridiques introduits par la colonisation, pour s�approprier les terres ; ils n�avaient auparavant que le pouvoir de lever l�imp�t au nom du souverain. Ce ne fut cependant pas du tout le cas en Alg�rie et la conqu�te de celle-ci par une grande partie de l�arm�e fran�aise fut beaucoup plus longue et plus difficile que dans la plupart des autres pays. La lutte des Alg�riens pour l�ind�pendance fut, avec celle des Vietnamiens, la plus longue de toutes et une des plus meurtri�res. L��cho des probl�mes politiques externes retentit en France. Comment agit-il ? Le probl�me g�opolitique ext�rieur qui a le plus d��chos dans les banlieues fran�aises est �videmment le probl�me isra�lo-palestinien. Vous parlez d�une singularit� g�opolitique de la Kabylie. Qu�est-ce � dire ? La singularit� g�opolitique de la Kabylie r�sulte de causes anciennes et de causes r�centes. Parmi les causes anciennes, il faut d�abord tenir compte que la Grande Kabylie ou Kabylie du Djurjura, est un massif montagneux (900-1000 m�tres d�altitude) extr�mement peupl� , avec des densit�s de population de l�ordre de 200 habitants au kilom�tre carr�, ce qui serait d�j� tr�s important dans une r�gion rurale de plaine bien cultiv�e. Le massif de Grande-Kabylie est intens�ment cultiv� (oliviers, figuiers) par une population paysanne habitant de gros villages. Deuxi�me originalit� g�opolitique, la Grande- Kabylie se trouve relativement proche du centre politique qu�est Alger, depuis la domination turque au XVIe si�cle et malgr� cela les Kabyles ont gard� leur ind�pendance, ils ont conserv� leur langue berb�re et refusaient de payer l�imp�t. Aussi les Kabyles �taient-ils retranch�s dans leurs montagnes et ne descendaient dans les plaines avoisinantes que pour labourer, semer des c�r�ales et faire la moisson, en �tant organis�s de fa�on guerri�re pour repousser le pouvoir qui chercherait � s�emparer de leur moisson. Malgr� cet apport, les Kabyles n�avaient pas assez pour nourrir cette importante population montagnarde et ils avaient une importante activit� artisanale et presque industrieuse (bijoux, sabres, socs de charrue, tissus, de l�huile, des figues s�ch�es, etc.) qu�ils allaient vendre dans diverses r�gions du pays. La Grande-Kabylie n��tait donc pas une r�gion isol�e, elle avait de nombreux contacts notamment avec Alger et les Kabyles avaient une solide r�putation guerri�re. C�est ce qui a dissuad� les Fran�ais d�attaquer la Grande- Kabylie, et ils ne l�ont fait qu'en 1857 apr�s que la totalit� de l�Alg�rie ait d�j� �t� sous leur domination. Mais la conqu�te de la Grande-Kabylie s�est faite de fa�on tr�s diff�rente de celle de la plupart des r�gions d�Alg�rie. Dans celles-ci, les troupes fran�aises ont impos� leur domination � coups de massacres, de destructions de r�coltes et de b�tail pour briser la r�sistance des populations qui, � l��poque, vivaient surtout sous la tente pour suivre les d�placements de leurs troupeaux, et celles-ci ont repris � plusieurs reprises leur r�sistance. Elles ont �t� presque totalement an�anties dans la partie occidentale d�Alg�rie, o� Abd el-Kader a men� la guerre. Par contre, apr�s que les Fran�ais eurent mass� des troupes nombreuses autour de la Grande-Kabylie, leur offensive a �t� courte et brutale, et apr�s qu�ils eurent transport� des canons � un point dominant du massif (Larba� N�ait Iraten) d�o� ils pouvaient bombarder tous les villages sur les autres sommets, les tribus kabyles ont d� faire leur reddition. Elles se sont r�volt�es en 1871, lors de la crise que provoquait chez les Fran�ais la chute du Second Empire, mais elles ont �t� vaincues. L�autre originalit� g�opolitique de la Grande-Kabylie, c'est qu'elle est presque la seule r�gion d�Alg�rie o�, � la fin du XIXe si�cle, des �coles primaires fran�aises ont �t� implant�es et o� un assez grand nombre d�enfants ont appris � parler fran�ais, � lire et � �crire en fran�ais. Cela aura d�importantes cons�quences car de ce fait les Kabyles qui savaient un peu le fran�ais ont �t� les premiers � aller travailler en France. En effet, dans les autres r�gions d�Alg�rie, y compris Alger, les Europ�ens ne voulaient pas que les �indig�nes� apprennent le fran�ais. Ce refus paradoxal s�explique par le fait qu�un grand nombre de petits colons qui avaient plant� de la vigne (apr�s que le vignoble fran�ais eut �t� d�truit par un insecte, le phylloxera) ont �t� ruin�s, lorsque se sont effondr�s les prix du vin apr�s la reconstitution du vignoble fran�ais. Les petits colons ont �t� en quelque sorte prol�taris�s et ils sont partis vers les villes et surtout vers Alger pour y avoir quelques emplois dans des commerces ou des bureaux. C�est pourquoi ils voulaient �viter la concurrence des Arabes et que ceux-ci sachent lire et �crire en fran�ais. Comme en Kabylie, il n�y avait gu�re de colons, ceux-ci ne purent pas s�opposer � la cr�ation des �coles, comme ils le faisaient dans les autres r�gions d�Alg�rie. Aussi, des Kabyles furent parmi les premiers Alg�riens � aller travailler en France et ils y furent aussi parmi les premiers � participer au d�but du mouvement qui r�clamait l�ind�pendance de l�Alg�rie. Les premiers instituteurs alg�riens furent pour la plupart des Kabyles et parmi leurs enfants, nombre d�entre eux devinrent professeurs ou m�decins. Mais les Kabyles ont eu ensuite un r�le tr�s important dans le mouvement d�ind�pendance et dans la guerre de lib�ration. La Grande-Kabylie avait une forte importance strat�gique en raison de sa proximit� d�Alger, de l�importance de sa population et de ses opinions politiques. Mais, malheureusement, cela explique aussi les heurts en 1962 aux environs d�Alger entre l�ALN et les maquis de Kabylie (Willaya III) et la r�volte de Kabylie en 1963, ce qui, par la suite, a �t� une des causes du mouvement r�gionaliste kabyle� Il s�agit � mon sens non pas d�un mouvement s�paratiste, car le sentiment d�unit� nationale alg�rien est tr�s fort. Par contre, � partir de 1991-92, la Grande- Kabylie a �t� la r�gion la moins touch�e par le mouvement islamiste et par le GIA.