L'élection présidentielle qui devait se tenir en avril 2019 n'aura tout simplement pas lieu. Une situation politique inédite que le pouvoir a bien préparée depuis quelques semaines en vue de permettre à Abdelaziz Bouteflika de contourner l'épreuve électorale et demeurer à la tête de l'Etat au-delà de son actuel mandat qui devait s'achever à la fin du mois d'avril prochain. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Selon une source sûre, il ne s'agit pas d'un report à proprement parler de l'élection présidentielle, puisque aucune échéance de rigueur ne sera fixée à cet ajournement, comme le réclame le parti islamiste le MSP, de Abderrezak Makri. Ce dernier propose, en effet, un report de la présidentielle pour une période d'une année. Or, Bouteflika et l'ensemble de ses soutiens parlent, eux, et depuis des mois, de «continuité», de «poursuite du programme des réformes du Président». L'un des partis de la coalition présidentielle, à savoir le TAJ de Amar Ghoul, suggère si bien ce scénario à travers son initiative portant «conférence pour un consensus national pour poursuivre et approfondir les réformes initiées par le Président Bouteflika». Dans son dernier message en date, à l'occasion de la réunion gouvernement-walis, du 28 novembre dernier, Bouteflika en personne insinuait un tel scénario lorsque, en effet, il affirmait que «les grands enjeux qui interpellent l'Algérie ne résident pas dans la succession de personnes ou de responsables (…)». Depuis quelque temps, il est loisible de constater, par ailleurs, que le terme d'«élection présidentielle» ou alors de «cinquième mandat» a complètement disparu du lexique et du langage des partis de la coalition ou des autres soutiens de Bouteflika parmi les grandes organisations de masse, comme l'UGTA. Cela, au moment où, comme par hasard aussi, l'idée «du consensus national», ou «conférence nationale» revient de manière récurrente dans le discours des partis de la coalition. Hier, par exemple, cela était le thème dominant du premier congrès du parti TAJ de Amar Ghoul. Ce dernier a, tout bonnement, mis ce congrès sous le thème : «Ensemble pour un consensus national pour relever les défis et construire l'Algérie». Il insistera longuement, durant tout le congrès, sur la nécessité «d'aboutir à un consensus national» et sur «une conférence pour un consensus national sous le haut patronage du Président Abdelaziz Bouteflika». Le nouveau patron du FLN, Moad Bouchareb, prendra la parole au nom des partis de la coalition présents à ce congrès pour, entre autres, «réitérer la disponibilité des partis de la coalition à discuter autour de toute initiative pour une proposition politique». Il va sans dire que les partis de la coalition sont instruits dans le sens de préparer le terrain, dans son volet politique, au scénario de l'annulation du rendez-vous électoral. Ce sera, vraisemblablement, sous la forme d'une «conférence nationale» qui va plaider la «continuité» bien sûr, pour donner sa légitimité politique à un scénario pour le moins imprévu. Mais ce ne sera pas tout. L'on ne peut, en effet, opter, sans risque, pour cette solution extrême, pour que Bouteflika puisse demeurer à la tête du pays, sans une légitimité de droit. Une légitimité constitutionnelle que ne permet pas l'actuelle loi fondamentale du pays, pourtant révisée en profondeur en 2016. D'où, selon notre source, la décision de Abdelaziz Bouteflika et de son plus proche entourage de procéder à une nouvelle révision constitutionnelle, très limitée, cette fois, et «qui prévoit deux amendements seulement», nous confie notre source. L'un de ces deux amendements concernera, certainement, l'article traitant du seul cas de figure prévoyant une prolongation du mandat du président de la République. Un cas de figure limité à une seule situation : «En situation de guerre.» Cette révision de la Constitution se fera, comme en 2016 et 2008, à travers une séance plénière spéciale des deux Chambres du Parlement. Certainement, après le renouvellement partiel de la composante du Conseil de la Nation. Il va de soi, aussi, qu'une telle lourde décision, celle de prolonger un mandat présidentiel sine die, n'aurait jamais été possible sans le seul « consensus national» qui compte en Algérie, celui qui a toujours déterminé les grandes orientations politiques du pouvoir en Algérie , à savoir entre la présidence et l'armée. «Il n'y a aucune dissension entre la présidence et l'état-major sur cette question», nous révèle, en effet, notre source. C'est dire que, malgré les affirmations de certains médias publics, jeudi dernier, l'annulation – c'est le mot — du rendez-vous électoral d'avril prochain est loin d'être une simple «propagande» ou «manœuvre» émanant d'une quelconque partie tapie dans la périphérie du pouvoir ou au sein de l'opposition, mais bel et bien un projet du pouvoir. Une affaire d'Etat... K. A.