Nous disposons de peu d�outils consensuels pour l��valuation de l��tat des libert�s syndicales, en dehors des documents p�riodiques du BIT � bien plus critiques qu�on ne le croit. Les organisations internationales d�veloppent pour leur part leurs propres param�tres de mesure, mais ils sont frapp�s de partialit� en raison de leur caract�re quelque peu militant. C�est le cas de l�une des plus influentes et repr�sentatives d�entre elles, la Conf�d�ration syndicale internationale (CSI) dont le si�ge est � Bruxelles et qui repr�sente 176 millions de travailleuses et de travailleurs au travers de 312 organisations nationales de 155 pays. Le �Rapport 2010 des violations des droits syndicaux dans le monde� de la CSI, en ligne depuis ce 9 juin(*), couvre 140 pays. Il recense 101 syndicalistes assassin�s en 2009 (soit une augmentation de 30 % par rapport aux ann�es pr�c�dentes), une �rosion des droits des travailleurs et une grave crise de l�emploi dans le monde (environ 50 % de la main-d��uvre mondiale occupe des emplois pr�caires). Abordant plus particuli�rement la situation des libert�s et droits syndicaux dans notre pays, le rapport rappelle que �de nombreuses actions de protestation des syndicats ind�pendants ont �t� r�prim�es par les autorit�s, en particulier dans les secteurs �ducatif et sanitaire �. Les membres les plus actifs de l�UGTA ne sont pas � l�abri de l�arbitraire antisyndical. Par souci d��quit�, le rapport de la CSI relate largement ce qu�ils endurent : �L'activisme de l'Union g�n�rale des travailleurs alg�riens (UGTA) a, de son point de vue, souvent �t� ignor� ou combattu par les employeurs�. Le droit d'organisation syndicale est �enfreint par des restrictions excessives et par l'intervention du gouvernement. Pour �tre reconnu, un syndicat doit repr�senter au moins 20 % des travailleurs dans une entreprise et doit obtenir l'autorisation pr�alable du gouvernement�. A ce stade de l�action syndicale, ce sont les manipulations occultes qui pr�occupent la CSI : �Certaines de ces organisations n'ont pas encore �t� en mesure de se faire enregistrer et n'ont donc aucune existence l�gale. Leurs noms sont parfois usurp�s par des dissidents soutenus par le gouvernement, dans le but �vident de porter atteinte � leur repr�sentativit�. � Les m�mes restrictions frappent plus durement le droit de gr�ve, �difficile � mettre en �uvre, car soumis � l�obligation pr�alable d'un scrutin secret de l'ensemble du personnel, ainsi que par la possibilit� offerte par la loi du 6 f�vrier 1990 aux autorit�s de recourir � la consultation de la Commission nationale d'arbitrage. Le gouvernement peut �galement interdire une gr�ve si elle peut provoquer une grave crise �conomique, ou la d�clarer action subversive ou terroriste si elle entrave le bon fonctionnement des services publics ou la libert� de circulation dans les lieux publics�. �Enfin, conform�ment � l'�tat d'urgence d�cr�t� en 1992, ces derni�res infractions sont passibles de peines lourdes, y compris d�emprisonnement pouvant aller jusqu'� 20 ans.� Les troubles sociaux enregistr�s jusqu�en fin 2009 sont directement associ�s � une �inflation (qui) avait atteint une moyenne de 5,7 % pour les 11 premiers mois de l'ann�e, alors que pendant la m�me p�riode, les prix des produits frais avaient explos� (ils ont enregistr� une hausse de plus de 21 %)�. Les syndicats ind�pendants �qui sont devenus de plus en plus repr�sentatifs dans les secteurs de l��ducation et de la sant� au cours des derni�res ann�es sont constamment r�prim�s�, selon la CSI, qui trouve qu�il leur est toujours aussi difficile de faire entendre leurs revendications par les autorit�s. Dans ces conditions, le dialogue social est une fiction d�autant plus av�r�e que �les organisations ind�pendantes, est-il encore �crit, ne sont pratiquement jamais consult�es�. Leur exclusion est manifeste s�agissant des �n�gociations salariales triennales tenues � la fin de l'ann�e�. L�hostilit� aux syndicats et au dialogue social est particuli�rement manifeste chez les multinationales op�rant dans le domaine p�trolier : �Les entreprises multinationales qui y op�rent bafouent en permanence la l�gislation du travail.� Les autorit�s n�ont pas donn� suite aux protestations des travailleurs et des syndicalistes �contre des conditions de travail injustes, ils ont souvent �t� harcel�s, menac�s ou licenci�s par leurs employeurs�. La soci�t� britannique Compass, qui assure, sous contrat, la restauration et des services de soutien aux entreprises multinationales actives dans l'industrie p�troli�re et du gaz naturel, a licenci� Yacine Za�d peu apr�s la cr�ation d'une branche locale de l�UGTA et son �lection comme leader de la branche en d�cembre 2006. Au moins 10 autres membres de l'UGTA ont �galement �t� licenci�s. �La sant� de Myriem Mehdien, en gr�ve de la faim depuis le 10 novembre, apr�s avoir �t� injustement licenci�e par British Gas, a suscit� de graves pr�occupations � la fin de 2009. Avec le soutien de ses coll�gues, elle a refus� de se conformer � un changement radical dans ses heures de travail. Depuis plusieurs mois, elle a �t� l'objet de menaces et de pression. � Le 8 mars 2009, 200 travailleurs d�Orascom Telecom ont organis� un sit-in pour protester, notamment, contre l'absence de repr�sentation syndicale au sein de cette filiale du groupe �gyptien. Toujours chez les multinationales, au plus pr�s du pouvoir central, suite � la gr�ve des dockers du port d�Alger, qui s'est d�roul�e du 25 juin au 4 juillet, la nouvelle direction refuse de tenir parole et de r�int�grer 80 d'entre eux. 2009 aura n�anmoins �t� pour l�essentiel celle de l�action revendicative dans l��ducation nationale : �Les membres du Conseil national des enseignants contractuels (Cnec) �dont le nombre est estim� � au moins 30 000 et qui sont pour beaucoup en situation pr�caire depuis quinze ans �, ont �t� maltrait�s par les autorit�s pendant toute l'ann�e. De nombreux rassemblements tenus devant le palais pr�sidentiel ont �t� violemment dispers�s, notamment le 10 f�vrier, le 23 mars et le 5 ao�t. Au cours de la gr�ve de trois semaines des syndicats ind�pendants de l��ducation en novembre, les militants du Cnec ont �t� battus et arr�t�s pour interrogatoire. Le sit-in des enseignants contractuels s�est n�anmoins poursuivi. Le 4 d�cembre, �galement, non loin du palais pr�sidentiel, les policiers ont matraqu� les manifestants. Un manifestant a d� �tre �vacu� d�urgence � l'h�pital et 12 autres ont �t� arr�t�s et d�tenus pendant plusieurs heures.� Par ailleurs, les autorit�s sont suspect�es de vouloir r�duire au silence les syndicats ind�pendants : �D�but janvier, les autorit�s ont d�cid� de fermer le bureau r�gional du Syndicat autonome du personnel de l'administration publique (Snapap) � B�ja�a. Le 21 du m�me mois, � Constantine, �15 professeurs appartenant au Conseil national autonome de l'enseignement secondaire et technique des enseignants des �coles (Cnepest) ont �cop� de deux mois de prison avec sursis pour attroupement ill�gal.� La CSI revient enfin sur ce qu�elle appelle �la r�pression brutale de l�imposante gr�ve de l'�ducation � la fin de l'ann�e� : �Les autorit�s alg�riennes ont tent� d'emp�cher une gr�ve des syndicats d'enseignants en la d�clarant ill�gale.� Au nombre des organisations gr�vistes figuraient : le Satef, l�Unpef, le Cnepest, le Cnec et le Cla. �La gr�ve, qui s�est prolong�e du 8 � la fin novembre, a �t� l'une des plus imposantes dans le secteur ces derni�res ann�es. Plus de 500 000 enseignants l�ont appuy�e, for�ant les autorit�s � n�gocier avec leurs repr�sentants. Au cours de leurs manifestations, de nombreux militants, les femmes comme les hommes, ont �t� battus et arr�t�s. Dans un incident notable, enregistr� le 10 novembre, quelque 50 enseignants ont �t� arr�t�s.� En juin 2009, dans la wilaya de Mascara, 11 travailleurs du secteur de la sant�, y compris plusieurs membres de l'UGTA, ont �galement �t� suspendus. La combativit� des fonctionnaires ne doit pas faire de l�ombre aux dures conditions de travail et d�organisation dans le secteur �conomique, notamment priv�. Dans le public, la CSI enregistre quelques faits marquants. Le 14 avril, 320 travailleurs de diff�rents chantiers de l'entreprise publique Sonatro, dont 22 syndicalistes de la section locale de l'UGTA, ont �t� licenci�s pour �abandon de poste�, parce qu�ils avaient pris part � �des actions de protestation et de d�nonciation des conditions de travail inhumaines, le non-paiement des arri�r�s des salaires et plus g�n�ralement de la mauvaise gestion et de la faillite programm�e de leur entreprise (�) Le 15 juillet, l'un des gr�vistes licenci�s est d�c�d� chez lui des suites d'une crise cardiaque�. Le m�me m�pris est affich� � l�endroit d�autres structures locales de l�UGTA, comme chez Electro-Industries, � Azazga (dans la wilaya de Tizi-Ouzou), o� �apr�s deux mois de manifestations (mars et avril), les travailleurs ont obtenu l'accord des pouvoirs publics pour remplacer leur directeur�. Dans le secteur priv� national, le droit syndical est pour l�essentiel une fiction. �La Mecque des r�volutionnaires semble bien renier ses lettres de noblesse militante. Chaque jour qui passe l�enfonce un peu plus dans le reniement. Pour aller o� ? Et le sait-elle ? A. B. (*) Pour lire le rapport (disponible en anglais) : http://survey.ituc-csi.org