L'Algérie semble être entrée dans une nouvelle phase de lutte contre le phénomène des harragas. Les pouvoirs publics ont reçu visiblement instruction de mettre le paquet pour tenter de faire face à une situation extrêmement sensible. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Cette lutte se mène sur plusieurs fronts. Et pour atteindre leur objectif, les services concernés ont décidé de frapper au «cœur» en mettant en place un plan destiné au démantèlement des réseaux de passeurs. Dans l'une de ses récentes déclarations, le responsable du dossier de l'immigration clandestine auprès du ministère de l'Intérieur a d'ailleurs évoqué le sujet, assurant que de grandes révélations allaient avoir lieu très prochainement. Des «prises» importantes ont déjà eu lieu il y a un peu plus d'une semaine notamment sur les hauteurs d'Alger, nous dit-on, où se trouvait le repaire de passeurs très actifs dans la région de l'Algérois. D'autres opérations de même nature sont en cours un peu partout à travers les zones sensibles. Des procès ont même eu lieu, permettant d'apprendre davantage sur les méthodes utilisées et le coût des «voyages» en mer organisés par ces réseaux. Conscient des limites du «tout répressif», Hassen Kacemi a récemment avoué l'échec de tous les moyens utilisés jusque-là pour faire face au phénomène. Ce dernier évoquait notamment les menaces d'emprisonnement ou les amendes qu'encourent les candidats à l'émigration. «Les images de ces Algériens qui périssent en mer sont très douloureuses. Il faut explorer de nouvelles voies, manières, de gérer le phénomène.» Une mission de sensibilisation a ainsi été confiée aux imams qui ont axé, hier, une partie de leur prêche du vendredi sur le sujet. Sur sa page Facebook, le ministre des Affaires religieuses a posté un message dans lequel il rappelle que «la Méditerranée, ce cimetière à ciel ouvert comme les bateaux de la mort sont devenus un cauchemar pour les familles algériennes (...) exposer sa vie au danger est contraire aux préceptes, valeurs et principes de l'islam, c'est un péché». Interrogés par des journalistes, plusieurs imams ont affirmé avoir fréquemment abordé le thème ces dernières semaines en raison de l'aggravation de l'augmentation de la tendance à l'émigration clandestine. Cette situation semble être à l'origine du changement observé dans le discours de Mohamed Aïssa. Il y a près d'une année, celui-ci avait, en effet, déclaré que «ce n'est pas en décrétant l'acte haram que le problème sera résolu (...) les mosquées sont mobilisées surtout dans les régions les plus touchées et le fonds de la zakat sera utilisé pour aider les jeunes chômeurs (...) mais c'est surtout un discours d'espoir qui peut faire avancer la situation». Hier, dans plusieurs mosquées d'Alger, une pensée particulière a été accordée aux victimes de la mer recensées ces dernières semaines. En l'espace de quinze jours, près d'une cinquantaine de personnes, toutes candidates à l'émigration clandestine, ont trouvé la mort lors d'incidents survenus à bord de leur embarcation de fortune. Parmi ces derniers, une famille entière. Les événements ont choqué les Algériens. A l'APN, des députés indépendants tentent de mobiliser les élus pour mettre en place un projet d'octroi d'une pension de 18 000 DA aux chômeurs. Sur le terrain, les gardes-côtes et éléments chargés de la surveillance du littoral redoublent de vigilance depuis un moment. Des communiqués émanant du ministère de la Défense font régulièrement état de tentatives d'émigration clandestine déjouées. Hier, annonçait la même source, 83 personnes ont été empêchées de prendre la mer à travers trois zones différentes : Oran, Annaba et Aïn-Témouchent. A. C.