Les Algérois abordés hier dans les rues de la capitale pour connaître leur avis sur la prochaine présidentielle se divisent en deux catégories de personnes : celles qui se désintéressent complètement de la vie politique, souvent des jeunes, et celles qui tentent, tant bien que mal, de se forger une opinion objective, «difficile à faire émerger tant les acteurs sont embourbés dans une démarche politicienne éloignée de toute analyse sérieuse», selon un monsieur approché pendant qu'il achetait son journal dans un kiosque. Bien entendu, la première catégorie est la plus nombreuse, en témoigne le sondage établi par l'association RAJ l'an dernier, établissant que moins de 1% des jeunes sont adhérents dans un parti, et que les élections présidentielles n'attirent que 40% d'entre eux, sans pour autant qu'ils aillent jusqu'au scrutin. Il y a indéniablement une distanciation de la population concernant la vie politique, de nombreux citoyens affirment ne faire confiance ni au pouvoir, ni à l'opposition, qu'ils considèrent comme complices dans des gesticulations de politique politicienne et d'opportunisme lancinant. Un ancien cadre du ministère des Transports sourit en pensant à l'opposition : «Regardez le chef de Hamas, il est tellement perdu qu'il ne voit plus clair, il est presque à plaindre ! Aucun d'entre eux (l'opposition) n'a de projet de société viable à nous proposer.» Mais s'agissant de la présidentielle directement, le monsieur considère toutefois que le pouvoir est plus sérieux que l'opposition, et que ce soit Ouyahia, Hamrouche, ou un cinquième mandat pour Bouteflika, le fond ne changera pas, car de nombreux paramètres trop complexes et trop importants conditionnent un tel rendez-vous politique. Il insiste également pour rappeler ses observations quant au désintérêt général de la population pour la politique et pour les élections ! Un autre citoyen interrogé sur la «presque» candidature de Ali Ghediri, se pose la question de qui est ce monsieur. Pour lui, le vide sidéral d'alternative ne dénote qu'une seule chose : «Aucun d'entre eux ne fait le poids face à Bouteflika, même dans cet état !» et s'en va avec un large sourire de satisfaction, ayant exprimé l'essentiel de sa pensée. A savoir quels sont ses sentiments profonds vis-à-vis du président de la République ou de toute la famille politique. Un mélange de rejet, de respect, d'orgueil, de rancune, de mépris et de frustration, saupoudrés d'une bonne dose d'ironie à l'algérienne émane de ces discussions spontanées avec les citoyens au sujet de cette échéance qui fait couler beaucoup d'encre, mais fait jaillir peu d'idées pertinentes. Nombreux sont les citoyens qui disent ne pas porter l'actuel Président dans leur cœur, mais qui tiennent à exprimer leur soutien avec sa situation surréaliste. L'empathie et la sensibilité des Algériens prennent le dessus sur les questions politiques, ce qui confirme encore leur désintérêt manifeste pour l'actuelle vie politique. Cependant, plusieurs d'entre eux, dont l'âge varie souvent entre 50 et 60 ans environ, ont catégoriquement rejeté les noms de Hamrouche et Benflis, préférant de loin l'actuel Président, malgré son état. A vrai dire, il semble que la pratique politique collégiale en cours convient parfaitement à la sociologie algérienne, sans vouloir évoquer le parcours global de l'homme d'Etat. D'autres qui sont catégoriquement opposés à un cinquième mandat avouent facilement qu'il n'y a aucune autre alternative à leurs yeux, mais restent sidérés et indignés d'une telle situation. Qu'ils soient étudiants, travailleurs, chômeurs ou même artistes de rue, la majorité des jeunes se sentent très éloignés de la politique et a fortiori de l'élection présidentielle à venir. Pour la plupart, ils ne savent même pas à quoi correspond la convocation du corps électoral. Leurs préoccupations sont bien plus immédiates, et ils ne considèrent pas que leur adhésion à la vie politique puisse changer quoi que ce soit. Nedjma Merabet