Pour ce troisième acte de la mobilisation populaire anticinquième mandat, la rue à Tizi Ouzou a connu une affluence plus importante que les précédentes. C'était comme si l'attitude intransigeante du pouvoir qui est perceptible à travers les déclarations et mises en garde répétées de Gaïd Salah, et celle contenue dans la lettre attribuée à Bouteflika et adressée aux Algériens à la veille de ce 8 mars sont venues cimenter et booster la mobilisation, au lieu de dissuader les citoyens de sortir dans la rue. Hier, une foule immense que l'on pourrait évaluer à plusieurs centaines de milliers a envahi la ville. Il était moins de quatorze heures, quand des groupes de manifestants avaient commencé à prendre place devant le campus Hasnaoua de l'UMMTO. Ils sont venus de partout : de Aïn-el-Hammam, Azazga, Larbaâ-Nath-Irathene, des Ouacifs, de Ouaguenoun, de Tigzirt, et, bien sûr, de tous les quartiers de la ville et des banlieues périphériques comme Draâ-Ben-Khedda, Tadmaït, Tizi Rached... Le parcours habituel de la marche ne tarda pas à prendre les contours d'une foule compacte, joyeuse et colorée par les innombrables drapeaux aux couleurs nationales et le jaune, vert et rouge de la bannière amazighe. Ils étaient des masses, tous âges confondus, beaucoup de femmes et de familles, accompagnées de leurs enfants, à envahir les artères principales de la ville, sur un parcours qui s'étendait sur près de trois kilomètres. Apparentés à des organisations politiques (beaucoup de cadres et d'élus locaux du RCD et du FFS), syndicales ou corporatistes acquises à la cause du peuple ou simples citoyens, les marcheurs restent plus que jamais déterminés et de plus en plus mobilisés, trois semaines après l'irruption de la colère citoyenne dans la rue. Une rue qui continue à clamer une seule revendication même si les slogans et les mots d'ordre sont multiples, inventifs et quelquefois pleins d'humour féroce et de dérision brocardant le système et tous ses hommes et les partis du pouvoir. «Système à la poubelle ; «Non au cinquième mandat de la honte», «Vingt ans barakat» (20 ans ça suffit) ; «Tous et toutes unis pour une Algérie meilleure» ; «Je ne veux pas des fleurs, mais une Algérie meilleure pour mes enfants» (lit-on sur des pancartes visibles dans un carré de femmes) ; «France dégage, 189 ans, ça suffit..» «Djeïch, chaâb khawa, khawa» (le peuple et l'armée sont des frères), «Pouvoir assassin ; «Saraqin, saraqin, houkoumat al cocaïne…», scandaient les marcheurs à gorges déployées. Des marcheurs qui se font les porte-parole d'une seule demande qu'ils considèrent nécessaire pour le salut du pays et de la nation, tous expriment la même urgence : le refus d'un cinquième mandat de Bouteflika et une rupture radicale avec le système politique en place. Une exigence qui semble déterminée. S. A. M.