Au sixième vendredi de manifestations nationales populaires contre Abdelaziz Bouteflika, son régime et l'ensemble du système, la mobilisation reste extraordinairement forte et la détermination des Algériens toujours aussi intacte quant à rejeter toutes les propositions émanant du pouvoir. Après le cinquième mandat, le prolongement du quatrième contenu dans « le plan de travail » proposé par Bouteflika le 11 mars dernier, c'était au tour de la proposition de Gaïd Salah de subir l'épreuve de ce qui est devenu un référendum national hebdomadaire. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - Et d'ores et déjà, l'on notera que l'appel du chef de l'état-major de mardi dernier n'a en rien influé sur « le taux de participation » aux marches du vendredi. Ce 29 mars aussi, ils étaient des millions à battre le pavé, pour réclamer le changement et, en l'occurrence, à juger que, globalement, l'application de l'article 102 de la Constitution n'est plus dans l'agenda de la rue ! Trop peu, trop tard, estime, en quelque sorte, la population qui conteste son application par le personnel politique du pouvoir. Plus précisément, l'actuel président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, et le gouvernement de Nouredine Bedoui. L'un comme président intérimaire et l'autre comme exécutif en charge des affaires publiques jusqu'à l'élection d'un futur président de la République, comme le stipule effectivement l'article 102, s'il est appliqué en l'état actuel des choses. A l'arrivée, le pays s'englue encore davantage dans une crise politique sans précédent et qui est d'autant plus inextricable, que les manifestations que vit l'Algérie en ce printemps 2019 sont nationales, générales, incluant toutes les catégories de la société et toutes les générations et ne sont chapeautées par aucune tutelle partisane ou politique. C'est un face-à-face direct entre le pouvoir et le peuple et donc, sans aucune possibilité de concevoir un dialogue « à l'ancienne ». Une situation d'impasse inédite et qui explique l'intervention de l'institution militaire dans le débat, à travers la proposition de Gaïd Salah . Mardi, à partir du sud-est du pays, l'homme fort de l'ANP avait affirmé qu'« afin de prévenir notre pays de toute situation incertaine, il est du devoir de tout un chacun d'œuvrer avec patriotisme et abnégation, et de privilégier les intérêts suprêmes du pays, afin de trouver, dans l'immédiat, une solution de sortie de crise. Une solution qui s'inscrit exclusivement dans le cadre constitutionnel, qui constitue l'unique garantie pour la préservation d'une situation politique stable ». Pour le pouvoir donc, le cadre doit être « exclusivement constitutionnel », à travers l'article 102, excluant de fait, toute autre option, autrement dit, une période de transition. Devant le rejet exprimé hier vendredi, le pouvoir est encore appelé à davantage de concessions pour faire accepter sa feuille de route. A en croire des sources crédibles, il a été convenu entre Bouteflika et l'armée d'un agenda qui prévoit la nomination d'un nouveau gouvernement et d'un remplaçant pour l'actuel président du Sénat, Abdelkader Bensalah , voire même, aussi, pour Tayeb Belaïz, préalablement à une démission de Bouteflika ; démission qui enclencherait la procédure de la mise en application de l'article 102 de la Constitution par le Conseil constitutionnel. Epargnée par la colère populaire, l'institution militaire aura, dans tous les cas, un rôle central à jouer dans les jours et les semaines à venir. Un rôle qui sera déterminé par l'évolution de la situation politique générale sur le terrain. Gaïd Salah avait d'ailleurs prévenu, mardi dernier, à partir de Djanet, qu'«en dépit du caractère pacifique et du civisme qui caractérisent ces marches jusqu'à présent, qui démontrent la grandeur du peuple algérien, sa conscience et sa maturité, et qui a tenu à préserver l'image de marque dont jouit l'Algérie parmi les nations, il est de notre devoir de souligner que ces marches pourraient être exploitées par des parties hostiles et malintentionnées, aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur, qui usent de manœuvres douteuses visant d'attenter à la stabilité du pays. Des desseins abjects que ce peuple conscient et éveillé saura mettre en échec ». Il est également à prévoir d'autres sorties médiatiques du général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah dans les jours à venir. K. A.