Il y a deux semaines, le président du club de football d'Annaba déclarait en direct sur un plateau de télévision qu'il avait personnellement «acheté» des matchs pour que son équipe puisse accéder en division supérieure. Il fallait voir avec quel allant, quelle assurance et quelle nonchalance il avait fait son extraordinaire aveu. Enfin, appelons ça un «aveu», parce que dans sa bouche, ce n'était manifestement pas un. Pour le bonhomme, c'était manifestement la révélation d'un haut fait d'armes, un geste de mécène généreux et une géniale opération managériale par lesquels il a rendu un immense service à sa communauté régionale. Dans le mode formel, l'arrière-pensée était explicite : c'est par modestie qu'il aurait gardé ça pour lui. Bienfaiteur anonyme selon la convenance morale et religieuse, il venait donc d'être « contraint » au… déballage. Tout, dans son propos et son attitude, indiquait qu'il attendait que le « peuple d'Annaba » allait lui tresser des lauriers et, qui sait, ériger une statue pour sa gloire. Au point où il en était, le truculent président de l'USM Annaba n'avait logiquement pas besoin de se défendre mais il a quand même eu ses mots pour sa défense : « Dans notre foot, si tu n'achètes pas de matchs, je jure par Dieu qu'aucun club ne peut accéder à un autre palier de la compétition » ! Avec une légère extrapolation, c'est Al Capone qui criait à la face des magistrats qui le jugeaient pour fraude fiscale : les autorités n'ont pas le droit de taxer des revenus gagnés… illégalement ! L'autre arrière-pensée dans la tête du dirigeant bônois est qu'il n'est pas seul dans le système corrompu qui régit le football national et que le courage de le dire publiquement est sans risque majeur. Non seulement personne ne lui demandera de comptes parce que tout le monde dans le… milieu a quelque chose à se reprocher, mais ça peut même lui valoir quelques dividendes en popularité ! C'est justement ce genre de « popularité » et d' « audace » qui aurait inspiré les dirigeants de Sonatrach à appeler Omar Ghrib en sauveur du Mouloudia d'Alger. Les casseroles que traîne le bonhomme sont de notoriété publique mais les vieux logiciels en haut lieu fonctionnent toujours. Dans leur tête, il n'y a pas mieux qu'un personnage haut en couleur, roublard et sociologiquement intégré dans la galerie du club pour détourner ses- réel ou supposées- capacités de mobilisation. De nuisance ? Au cœur du mouvement de révolte populaire, il se passe de très belles choses qu'on ne rend pas assez ou pas du tout. Mais il y a aussi ce qui se fait de plus vil, dans la pire tradition de l'occasion qui fait le larron. Le foot n'est qu'un échantillon en l'occurrence, nous reviendrons sur d'autres. S. L.