Au retour du hadj où il a «lavé ses os» comme le dit la formule du terroir, un affairiste algérois a opéré un grand «lifting» dans son luxueux hôtel des hauteurs de la capitale. Il n'a pas touché aux murs, il n'a pas ouvert un deuxième restaurant gastronomique et il n'a introduit aucun nouveau service pour améliorer le standing de son établissement. Il a fait mieux et plus facile, en supprimant l'alcool et en instaurant un draconien «ordre moral». Censés donner une image, disons exemplaire – puisque le mot est à la mode – à son palace, la suppression du vin et le contrôle au livret de famille des couples venus partager une chambre sont surtout destinés à donner un gage de… politiquement correct sans rien perdre au change en termes de rentabilité, puisque le nouveau look de son établissement a «sa» clientèle plutôt nantie. Que du bonheur alors, pour le marchand de sommeil, heureux de savoir qu'il peut faire ce qu'il veut dans son hôtel, puisque personne ne l'oblige à faire ce qu'il… doit. Cela s'appelle un cahier des charges et il est censé régir la nature du bien ou du service au départ de l'activité. Mais un cahier des charges expliqué aux nuls c'est à peu près les droits et les devoirs d'un producteur de biens ou un prestataire de service. En l'occurrence, seuls les premiers comptent. Ceux qui peuvent en user ne vont donc pas bouder leur bonheur. Surtout quand ils peuvent se faire plaisir en mettant en avant leur rigorisme moral et religieux. Surtout au crépuscule de leur vie, après des décennies où ils ont eu beaucoup de choses à se reprocher. Auprès de Dieu et surtout auprès de ses créatures. A Annaba, c'est un haut fonctionnaire de police qui a fait parler de lui à son retour des Lieux Saints. Le commissaire n'a fait qu'un petit toilettage dans sa carcasse, puisqu'il n'a effectué qu'une omra mais cela a été… suffisant pour lui inspirer la fermeture d'une dizaine de bars sur le littoral bônois. Lui aussi a visiblement des choses à se reprocher et pour se les faire pardonner, il n'a pas été loin. Il s'est donc… fait plaisir. De toute façon, il ne voit pas qui l'empêcherait de sauter la frontière entre ses attributs professionnels et ses convictions religieuses personnelles. Si tel était le cas, le wali – c'est lui qui a le pouvoir légal de fermer ses établissements – n'aurait peut-être pas accédé à ses désirs avec autant de promptitude. Il est même possible que l'occasion ait fait deux larrons en l'occurrence. Quant à la loi, elle ne dit jamais rien, s'agissant de ces cas là. Les petits barbus illuminés et les petits voyous intéressés peuvent fermer des «débits de boissons». Pourquoi le chef de la police d'une grande ville s'en empêcherait quand… ça lui fait plaisir ?
Par Slimane Laouari Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.