Attachés à leur marche hebdomadaire de mardi, les étudiants ont fait une véritable démonstration de force, hier, dans plusieurs villes du pays. Ils se sont mobilisés par dizaines de milliers pour dire, encore une fois, leur opposition à la gestion de la transition par les figures du système politique. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - A Alger, le pari était double : défier la tentation répressive du régime qui a empêché plusieurs manifestations à Alger et réussir une grande mobilisation au lendemain des manifestations historiques de vendredi et des affirmations de Gaïd Salah selon lesquelles les revendications du peuple sont « irréalisables ». Pari tenu : des dizaines de milliers d'étudiants, venant des différentes facultés de la capitale, ont envahi, dès 10h, le centre d'Alger. A midi, de la place de la Grande-Poste jusqu'à Place Audin, il était difficile de se frayer un chemin tellement la foule était nombreuse et compacte. Les étudiants, rejoints par d'autres citoyens, ont défilé au rythme des chants patriotiques et des slogans hostiles au système politique tels que « Vous avez dévoré le pays, espèces de voleurs » et « Vous allez tous dégager ». Mais il aura fallu franchir les cordons de sécurité pour « occuper » l'esplanade de la Grande-Poste. Car, dès la matinée, un imposant dispositif des forces de l'ordre quadrillait le centre d'Alger, bouclant l'accès à la Grande-Poste en y déployant trois cordons de police, fermant le passage au tunnel des Facultés et la montée vers les boulevard Mohammed-V et la rue Didouche-Mourad. Les étudiants ont été encerclés entre ces cordons. Mais aux environs de 11h30mn, la foule, ayant pris de l'ampleur, les barrières sécuritaires ont sauté sous la pression des manifestants après quelques bousculades. Les agents de l'ordre ont fini par se retirer, laissant libre cours aux étudiants qui ont occupé les lieux et scandé à gorge déployée leurs slogans. Pendant ce temps, un hélicoptère de la police ne cessait de survoler Alger. Dans leurs slogans et pancartes, les manifestants, plus que jamais déterminés à rester mobilisés jusqu'à la satisfaction des revendications populaires, ont interpellé le chef de l'armée en lui expliquant que le peuple n'est pas dupe et qu'il tient au départ de toute la « bande » qui s'est emparée des affaires du pays. Alors qu'ils poursuivaient leur manifestation, les étudiants apprenaient la nouvelle de la démission du président du Conseil constitutionnel. D'une seule voie, ils ont réagi à l'annonce : « Yetnehaw gaâ », ont-ils scandé. A 13h, une partie de la foule a décidé de marcher sur le tunnel des Facultés. Face au cordon sécuritaire qui tente de les en empêcher, ils crient « Nous sommes des étudiants, pas des terroristes ». Le cordon n'a pas trop résisté. Mais en traversant le tunnel, ils ont débouché sur un cordon sécuritaire encore plus important, déterminé à leur interdire de monter vers le boulevard Mohammed-V, le même lieu où une répression aveugle s'est abattue sur les manifestants vendredi dernier. Les étudiants n'ont pas insisté. Ils ont fait le sens inverse pour revenir à la Grande-Poste. La manifestation d'hier a été marquée par une forte présence de l'élément féminin. Il y avait presque autant de femmes que d'hommes, ce qui a donné une couleur particulière à la marche. L'autre fait marquant, c'est le flottement côte à côte de l'emblème national et du drapeau amazigh, mettant fin à des décennies d'ostracisme à l'égard de l'identité amazighe du pays. « L'ostracisme, c'est fini. La division pour régner, c'est fini. Le peuple est désormais uni dans toute sa diversité », proclame un étudiant que nous avons interrogé à Audin, plaidant pour la disparition de la scène de tous ceux qui ont voulu humilier le peuple avec le cinquième mandat. K. A.