Cela fait plus de deux mois que le mouvement de protestation contre le régime a commencé. Au fil des semaines, il a vu ses rangs grandir et s'unir. Les marches pacifiques du vendredi continuent d'attirer de gigantesques foules. Loin de faiblir, la protesta gagne en puissance. A la veille du Ramadhan, les manifestants commencent à se concerter sur la manière d'organiser les marches durant le mois sacré. Faut-il sortir en journée ou en soirée ? Tous les jours ou uniquement les vendredis ? Une chose est sûre : le peuple ne lâchera rien jusqu'à satisfaction de toutes ses revendications. Témoignages. Amel, 41 ans «Si ce gouvernement mise sur l'arrivée du Ramadhan pour nous faire rentrer chez nous, il se met le doigt dans l'œil ! Nous allons marcher jour et nuit, et tous les jours de la semaine afin d'être enfin entendus. Personnellement, je continuerai à participer aux marches avec mes enfants et ma famille. Il n'est pas question de briser cet élan populaire et pacifique. Il ne faut surtout pas faire marche arrière. Nous voulons une transition démocratique, avec des personnes honnêtes au sommet. Les gens du système doivent plier bagage et laisser la chance à une deuxième République de voir le jour. Un Etat de droit avec une vraie justice et une vraie démocratie, c'est ce que le peuple réclame !» Massil, 25 ans «J'étais dans cette optique de quitter l'Algérie pour trouver une terre d'accueil moins hostile. Je dois avouer que depuis le 22 février, je me surprends à rêver et à envisager l'avenir chez moi, dans le pays qui a vu naître mes parents et mes aïeux. Je réalise soudain que tout est encore possible. Il y a plein de jeunes bourrés de talents qui veulent prendre part à la construction d'une nouvelle Algérie. Nous pouvons faire de ce pays un vrai paradis. C'est pour cette raison que nous n'allons pas baisser les bras. Ce Hirak est l'une des plus belles révolutions du monde. Il n'est pas normal qu'une poignée de corrompus tiennent en otages 40 millions d'Algériens. Les oligarques doivent partir et rendre des comptes sur tout ce qu'ils ont volé. Le gouvernement joue sur le temps. S'il s'imagine que nous allons nous calmer et rentrer gentiment chez nous manger notre chorba, il fait fausse route. Nous marcherons durant toutes les soirées du Ramadhan s'il le faut jusqu'à la chute de ce régime de dinosaures.» Nihad, 34 ans «Avec le sursaut de ce peuple merveilleux, rien ne sera plus jamais comme avant. La révolution du sourire s'est mise en branle avec le slogan ‘‘Silmiya silmiya''. Ni leurs canons à eau ni leurs gaz lacrymogènes ou leurs balles en caoutchouc ne nous feront peur. La faim et la soif du Ramadhan ne sont rien devant la "hogra" que nous avons endurée pendant de longues années. Autour de moi, tous mes amis sont unanimes : nous ne lâcherons pas. Face aux calculs stupides de ce gang de vieux débris qui cherchent à s'imposer par la force, nous opposons notre force tranquille, notre jeunesse et notre maturité politique. Nous continuerons à marcher, à défiler, à manifester, à crier jusqu'à ce qu'ils dégagent tous. Nous voulons de nouvelles têtes au sommet. Des hommes et des femmes intègres qui pensent d'abord au bien de l'Algérie et non à leurs poches. Nous voulons construire une deuxième Algérie. Belle, démocratique et juste.» Souad, 54 ans «C'est un secret de Polichinelle. Les politiques au sommet de l'Etat misent sur le Ramadhan pour voir le Hirak s'essouffler. Mais le peuple algérien a atteint un tel degré de maturité qu'il est en mesure d'anticiper les mauvais plans de ces dirigeants sourds et muets à ses revendications. Les tables du f'tour sortiront dehors et nous manifesterons jusqu'au s'hor pendant le Ramadhan. Plus rien ne nous détournera de notre combat. Un nouveau pas a été franchi depuis le 22 février. Il est temps de laisser la place à des leaders qui aiment vraiment l'Algérie.» La révolution joyeuse n'est pas près de plier bagage. Depuis le 22 février, le peuple algérien est en parfaite symbiose. Avec le sourire comme seule arme, il continuera à battre le pavé et à réclamer le départ de tous ceux qui ont mis l'Algérie à genoux. La naissance d'une seconde Algérie prendra peut-être du temps, mais jamais le Hirak ne faiblira, nous ont assuré les manifestants.