A plus de deux mois de son début et marquant son dixième vendredi, le mouvement populaire de protestation à Annaba affiche toujours une détermination sans faille pour arracher son droit à vivre libre sous une véritable démocratie. Point de ralliement des manifestants, le cours de la Révolution affiche, chaque fin de semaine, plein. Et ce n'est pas la conférence nationale pour des «consultations politiques» à laquelle a appelé le chef de l'Etat par intérim, qui a d'ailleurs été un fiasco total, ni les interpellations de plusieurs oligarques et ex-ministres dont certains ont été incarcérés durant la semaine, qui ont apaisé l'ardeur des protestataires. Leur mobilisation était aussi importante que le premier jour. Sous les slogans répétés chaque sortie hebdomadaire : «Khaouana irhalou» (traîtres dégagez), «Echaâb el djeïch khawa khawa» (le peuple et l'armée sont frères), « Klitou leblad ya sarrraqine» (vous avez bouffé l'argent du pays bande de voleurs), «Silmiya silmiya» (pacifique), les Annabis, femmes, hommes et enfants de tous âges mais où se distingue la catégorie juvénile, ont envahi, dès le début d'après-midi, par milliers la place emblématique de l'antique Lalla Bouna, drapés comme toujours de l'emblème national et brandissant des pancartes et banderoles exigeant le départ de toutes les figures du système ayant dépouillé le pays. Des familles de harragas disparus ont déployé une large banderole sur laquelle on pouvait lire : «Harragas, si l'Etat vous a abandonnés, vos parents ne vous lâcheront jamais», en réponse à la récente déclaration de l'ambassadeur d'Algérie à Tunis affirmant qu'aucun jeune Algérien ne se trouve en prison en Tunisie. «Le peuple veut un changement profond et pas seulement quelques réformettes. Tant que ceux qui ont mené notre Algérie vers l'abîme notamment les chefs de file Saïd Bouteflika, Ahmed Ouyahia, Sidhoum Saïd, Bouchareb et autres ne sont pas inquiétés, le Hirak se poursuivra sans relâche», tonnera Rafik, un jeune diplômé et toujours au chômage, après quatre ans de la fin de ses études universitaires. Le caractère pacifique de la marche est toujours respecté par une foule nombreuse qui manifeste, cependant, une certaine impatience de voir le processus engagé pour nettoyer les écuries d'Augias s'accélérer. «Ngal3oukom min 3rougkoum» (nous vous déracinerons), lancent des jeunes à l'adresse des résidus du système. Au milieu d'un groupe d'hommes qui prêtait une oreille attentive à son discours, une femme d'un certain âge et niveau culturel appelait le peuple à préserver son unité et ne pas écouter les oiseaux de mauvais augure qui tentent de le diviser. «Quelle que soit votre appartenance politique ou idéologique, unissez-vous pour barrer la route aux ennemis de l'intérieur et de l'extérieur dont le but recherché est d'avorter le Hirak», insistera-t-elle. A. Bouacha