L'Algérie s'éloigne de plus en plus de la solution constitutionnelle à la crise. Le 10e vendredi de la mobilisation nationale massive a démontré que le peuple a définitivement tranché sa position : pas d'élection le 4 juillet et pas de transition gérée par les figures du système. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - Dans le même temps, une précision de l'armée laisse présager l'abandon de la solution de l'application intégrale de l'article 102 et l'ouverture du champ à une solution politique comme exigée par le peuple et la majorité de la classe politique. Dans sa dernière intervention, mardi dernier à la Première région militaire à Blida, le chef d'état-major de l'ANP, Ahmed Gaïd Salah, a assuré que l'ANP demeurera engagée à accompagner le peuple et ses institutions « à travers la mise en œuvre des solutions possibles, tout en approuvant toute proposition constructive et utile allant dans le sens du dénouement de la crise et menant le pays vers la paix ». Cette précision ouvre la voie à la solution politique à la crise du pays provoquée par 20 ans de règne sans partage et chaotique de Bouteflika. Ce dernier, après deux décennies de règne, a conduit le pays vers la transition. Y-a-t-il un bilan plus catastrophique ? Quelle solution alors pour la crise ? Quelle transition et avec quelles institutions ? Si les partis au pouvoir sont réduits à presque rien par le mouvement populaire et ne sont pas bien placés pour faire des propositions, les partis de l'opposition ne s'accordent pas sur une feuille de route commune. Chacun y va de sa propre initiative. Le FFS propose une conférence souveraine avec la participation de tous les acteurs politiques et sociaux autonomes, les syndicats autonomes, les personnalités indépendantes, les universitaires et les représentants du mouvement citoyen dans toutes ses composantes. Dans son plan de sortie de crise, le FFS plaide pour la mise en place de trois institutions pour gérer une période de transition qui soit la plus courte possible qui verra la dissolution des deux Chambres du Parlement. La première est la Convention nationale de suivi et de contrôle de la transition (CNSCT) dont la composante sera définie lors d'une conférence de dialogue. La seconde institution est un gouvernement de transition chargé d'expédier les affaires courantes alors que la troisième est l'Instance de suppléance à la présidence de la République chargée de représenter l'Etat et de légiférer par ordonnance sur les questions d'intérêt national, d'orienter et de surveiller le gouvernement de transition avec l'approbation de la CNSCT. Talaie El Hourriyet d'Ali Benflis a proposé que la période de transition soit gérée par « une instance présidentielle composée de personnalités nationales jouissant de la crédibilité et de la confiance du peuple. » La présidence collégiale composée d'un président et deux vice-présidents aura à gérer le pays par ordonnance, tout en procédant à la formation d'un gouvernement de compétences nationales qui aura deux missions : la gestion des affaires courantes et les préparations de l'élection présidentielle avec la création d'un ministère spécialement dédié à cette mission. Dictature et islamisme : du passé ? De son côté, le RCD a appelé à l'élection d'une haute instance de transition qui sera composée d'un magistrat, d'un universitaire et d'un syndicaliste. Cette haute instance nommera un « gouvernement de salut national » composé de « compétences nationales à l'exclusion de toutes personnes ayant une attache partisane ». Une instance nationale indépendante de l'organisation des élections sera créée et présidée par une personnalité intègre nommée par la haute instance de transition. Le Parti pour la liberté et la laïcité (PLD) propose, de son côté, un plan de transition de sept étapes. Il demande la dissolution de toutes les institutions élues ou désignées et de tous les syndicats et associations du pouvoir. Le PLD plaide ensuite pour la nomination d'un gouvernement de combat républicain pour gérer la transition, l'adoption d'un projet de loi pour une nouvelle Constitution, l'adoption d'un projet de loi sur les partis politiques et leur financement et enfin l'organisation des premières élections libres et démocratiques (législatives, communales, et présidentielle). La société civile qui s'est impliquée dans le mouvement populaire a, elle aussi, fait des propositions de sortie de crise. Le Collectif de la société civile algérienne pour une transition démocratique et pacifique, composé de 28 associations, a établi une feuille de route pour l'instauration de la nouvelle République. Ces associations proposent la mise en place d'un Haut Comité de transition (HCT), l'installation par le Haut Comité d'un Gouvernement national de transition (GNT) composé de personnalités consensuelles et crédibles pour gérer la période de transition dans des délais raisonnables à définir. Elles appellent à des assises du consensus national suivies de l'élection d'une Assemblée constituante chargée d'élaborer la nouvelle Constitution ; cette élection sera précédée par la mise en place d'une commission indépendante d'organisation des élections. Les initiatives et propositions se sont multipliées et il serait difficile de prévoir quelle solution sera appliquée à la crise. En tout cas, l'Algérie a essayé le parti unique et la dictature. Le résultat est connu. Elle a tenté l'islamisme. Le prix payé fut lourd. Il est temps de tester la démocratie et de respirer la liberté. K. A.